30 septembre, 2014

Espagne : Mgr Munillo, l'avortement et le devoir des catholiques en politique

Pour ce qui est du respect de la vie, l’Espagne connaît les mêmes problèmes que la France, comme vient de le démontrer la reculade – la trahison ! – du gouvernement Rajoy sur la question de l’avortement. Véritablement, l’acceptation du « droit à l’IVG » est le ticket d’entrée et le sauf-conduit qui permet d’accéder et de demeurer aux postes de gouvernement, aux médias, aux divers organes de la représentation nationale, le ministre espagnol de la Justice, Ruiz Gallardon, vient de l’apprendre à ses dépens.
Alors que faire, quand on est catholique, dans ce monde qui rejette le plus élémentaire respect des êtres humains créés à l’image de Dieu ? Pour Mgr José Ignacio Munilla, il ne peut y avoir de réponse sans cohérence. Je traduis ci-dessous le texte qu’il a publié sur InfoCatolica, dimanche.
C’est moi qui souligne quelques passages clef de cet article sans concessions. – J.S.


La voix des sans-voix

Le retrait par le président du gouvernement de « l’avant-projet de loi organique pour la protection de la vie de l’enfant conçu et des droits de la femme enceinte » est une décision politique aux implications morales très graves, étant donné que la mesure prise par M. Rajoy condamne des centaines de milliers de vies humaines au plus absolu des abandons.
Le droit à la vie n’est pas un droit de plus, c’est celui qui est antérieur à tous les droits et sur lequel tous les autres droits reposent. Evidemment, le jugement moral sur les politiques développées par un gouvernement ne se limite pas à la protection de la vie. L’expérience nous apprend que certains partis sont habituellement plus sensibles à des valeurs éthiques déterminées, tandis que d’autres le sont à l’égard d’un autre type de valeurs morales. Mais quand ce qui est en jeu est le droit de vivre lui-même, il ne faut pas nous dire que nous sommes devant une question parmi tant d’autres. Il s’agit probablement du plus grand des drames moraux de notre société. Chaque jour, en Espagne, voit l’extermination de plus de 300 vies humaines, à qui l’on nie le plus élémentaire des droits : le droit de vivre. Et cela se fait sous l’égide d’une loi inique qui reconnaît le droit d’avorter, c’est-à-dire le droit de tuer.
S’il est vrai que le Partido Popular avait manifesté, tant qu’il était dans l’opposition, son désaccord avec la loi pro-avortement de Zapatero (2010), il a pour finir achevé d’assumer l’aberration qui consiste à considérer l’avortement comme un droit humain. (Il convient de souligner qu’il n’y a pas d’autre Etat dans le monde qui considère l’avortement comme un droit dans sa législation.) Malheureusement, ce n’est pas la première fois que se produit une telle dérive au Partido Popular. Les faits démontrent que la prétendue « gauche » est celle qui finit par baliser le chemin de la prétendue « droite ». Il y a toujours moins de différences idéologiques entre les partis politiques, étant donné qu’ils ont tous assumé les valeurs du néocapitalisme, du relativisme et de l’idéologie de genre. Quelqu’un a dit que la caractéristique de la pensée politiquement correcte de notre temps est d’être théoriquement marxiste, pratiquement libérale et psychologiquement freudienne.
La décision prise par le Président du gouvernement rouvre de manière définitive le débat qui existe déjà depuis longtemps au sein de l’Eglise catholique : quel est le type de présence que doivent avoir les catholiques dans la vie politique ? Est-il cohérent que les catholiques s’intègrent au sein de partis politiques qui accueillent dans leurs programmes des propositions diamétralement opposées aux valeurs évangéliques ? Les catholiques peuvent-ils voter pour des partis politiques qui sont dans cette situation, en se fondant sur le principe du « moindre mal » ? Le temps a démontré qu’en prenant le chemin du « moindre mal » on finit par arriver au « mal plus grand ». L’option du « moindre mal » ne peut être accueillie par le chrétien que de manière circonstancielle et transitoire ; sans succomber à la tentation d’en faire sa devise. C’est que… Jésus-Christ nous a enseigné à choisir le bien, non le moindre mal.
De manière similaire à ce qui s’est passé lorsqu’un nombre significatif de militants du Parti nationaliste basque ont démissionné de leur militantisme politique lorsque leur parti a intégré les postulats pro-avortement, je n’ai aucun doute quant au fait que de nombreux membres du Partido Popular feront la même chose (bien que les appareils politiques tentent de mettre cela en sourdine). Nous nous trouvons devant un test important pour mesurer notre hiérarchie des valeurs : l’idéologie au-dessus des valeurs morales ? Ou les valeurs morales au-dessus de l’idéologie ? Il ne peut y avoir d’accommodements ; il faut choisir.
Les croyants ont un sérieux problème : l’arc parlementaire actuel ne comprend aucun parti d’envergure capable de représenter le vote catholique. Pour le dire clairement : un catholique qui aspire à être fidèle aux principes de la doctrine sociale catholique ne peut pas en toute cohérence voter pour les partis politiques d’envergure nationale présents dans l’actuel congrès des députés.
La charge des évêques est d’apporter l’éclairage moral, et non de créer une alternative politique. Voici l’une des tâches spécifiques les plus importantes des laïcs en ce moment. La vocation des laïcs catholiques, à la différence des prêtres et des évêques, est de se rendre présents dans la vie politique en proposant d’autres choix, capables d’incarner de manière cohérente dans la vie publique les principes qui inspirent la doctrine sociale catholique.
Il n’est pas besoin de dire que, si ces réflexions s’adressent en priorité aux catholiques, elles sont aussi applicables aux membres d’autres confessions religieuses, et même aux citoyens non croyants qui ne sont pas peu nombreux à faire le choix de l’intégrité des valeurs morales, y compris l’inviolabilité de la vie humaine dans le sein maternel.
La question est la suivante : qui donnera sa voix à ceux qui n’ont pas de voix ? Qui est disposé à défendre le droit à la vie de centaines de milliers d’innocents qui ne peuvent pas encore parler pour eux-mêmes ? Et qui donnera aux femmes enceintes qui se trouvent dans des situations difficiles l’alternative à ce piège mortel appelé « droit à l’avortement » ?
José Ignacio Munilla
Obispo de San Sebastián




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2 commentaires:

Jacques Frantz a dit…

Comme d'habitude il s'agit de l'effet de cliquet. La gauche fait une réforme et la soit disant droite revenue au pouvoir ne revient jamais dessus!
Je rappelle à toutes fins utiles à tous ceux qui prônent la monarchie comme régime qui pourrait sauver nos valeurs que l'Espagne a un roi qui n'a rien fait.

Jacques Frantz a dit…

Il s'agit de l'effet de cliquet.
La gauche fait une réforme et la prétendue droite ne revient jamais dessus.

En outre, je rappelle à ceux qui pensent qu'une monarchie protège les valeurs que l'Espagne a un roi.
Seul le Roi Baudoin Ier de Belgique a eu le courage très mesuré de se mettre en retrait.

 
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