26 septembre, 2012
Les commissions régionales de
contrôle de l’euthanasie aux Pays-Bas ont rendu leur rapport pour 2011, rendant
compte – mais sans le dire explicitement – de nouveaux glissements vers
une libéralisation de la loi. On nous disait encore cet été que le nombre d’euthanasies
aux Pays-Bas était stable, à peu près du niveau, désormais, de ce que l’on
enregistrait avant la loi, et moins que des pic constatés au milieu des années
2000.
Affirmation un peu hâtive vu que
nombre d’euthanasies ne sont pas déclarées et que par ailleurs la sédation
palliative, qui peut être euthanasique, monte en flèche.
Mais en 2011, même les
déclarations « classiques » d’euthanasie auront été en forte
augmentation, avec 3695 déclarations d’euthanasie ou de suicide assisté soit
18 % de plus que les années précédentes. 159 du total étaient des suicides
assistés, 53 des cas mixtes.
Seules 4 euthanasies déclarées
ont été jugées non conformes, ce qui peut être le cas lorsque la décision
d’euthanasier est jugée injustifiée ou que la procédure médicale n’a pas été
bien menée.
Deux fois plus de personnes en
voie de devenir démentes ont été euthanasiées que l’année précédente, une
progression géométrique qui se maintient et atteint désormais 49 personnes pour
la seule année 2011.
Avec, cette année, une nouveauté.
Dans plusieurs cas, on a accepté, malgré une altération déjà présente, voire
importante du libre arbitre au moment de l’euthanasie, de tenir compte d’un
testament de fin de vie rédigé alors que le patient était encore en état
d’exprimer sa volonté.
Ce point restait extrêmement
douteux jusqu’ici.
Les euthanasies de personnes en
voie de devenir démentes étaient justifiées notamment par la peur de les voir
passer « de l’autre côté » et de ne plus pouvoir les mettre à mort,
faute d’expression actuelle de la volonté. En laissant jouer, même si ce n’est
pas dans des cas de démence installée, ces demandes antérieures, on a accompli
en 2011 un nouveau pas, confirmé par les fréquentes références aux
« émotions » exprimées par les malades, leurs mimiques, leurs yeux
expressifs, le langage du corps. On a tenu compte aussi de l’état d’esprit de
certain de ces malades tel que décrit par des proches.
C’était depuis longtemps une
revendication du lobby du droit à une fin de vie volontaire ; il me semble
qu’elle trouve ici un début de satisfaction savamment dosé et dont on saura
profiter pour multiplier les campagnes déjà existantes, sur le thème très peu pour moi, visant à encourager
les personnes à dire dès aujourd’hui ce qu’on pourra faire d’elles le jour où
elles basculeront dans la démence complète.
Euthanasie sur des personnes déjà
assez démentes mais ayant fait un testament de fin de vie en ce sens :
voilà qui est tendance cette année.
Est frappante aussi l’acceptation
de plusieurs dossiers où le patient présentait une dépression.
Ou encore – et c’est une autre tendance
récente et à la hausse – des cas psychiatriques.
• Cas d’un homme souffrant
d’une maladie mentale portant légèrement atteinte à ses capacités de
compréhension, cancer, douleurs au moment de se laver et d’aller aux toilettes,
nausées et vomissements fréquents, assez lucide pour demander de manière
répétée à mourir, douleur insupportable signifiée par le fait que l’homme saisissait
sa tête avec ses mains en disant qu’il avait très mal à la tête : selon
l’accompagnatrice, signe qu’il avait du mal à exprimer ses sentiments. La
communication était possible avec ce patient pourvu qu’elle n’aborde pas de
sujets profonds. Euthanasie : OK.
• Cas d’une patiente
octogénaire ; pré-démente ; hospitalisée avec une infection urinaire,
AVC à l’hôpital suivie d’hémiplégie et d’aphasie, les deux affections
considérées comme constituant une souffrance insupportable et sans
perspectives. Le neurologue propose aussitôt de ne plus nourrir ni hydrater, on
n’a pas donné suite. Elle pouvait exprimer des réponses par oui ou par non.
Elle a fait comprendre qu’elle ne voulait pas continuer ainsi et montrait une
petite plaque qu’elle portait autour du cou avec l’ordre de « ne pas
réanimer ». Au bout de six mois, ayant produit un récent testament de fin
de vie et signifiant qu’elle ne voulait plus vivre. Le jour de sa mise à mort
elle a été visitée par un médecin SCEN qui a constaté des escarres et vu
qu’elle n’était ni nourrie ni hydratée depuis 48 h. Il a jugé qu’elle était en
état d’exprimer sa volonté. Le médecin traitant, lui, s’était basé sur sa
« communication non-verbale », rendant compte de son regard et de ses
hochements de tête lorsque, de manière répétée, il lui proposait l’euthanasie.
OK.
• Cas d’une patiente atteinte
d’un cancer ne cédant plus à aucun traitement, à près de 80 ans, elle avait
indiqué dans un testament de fin de vie vouloir une fin de vie digne. Alors
qu’elle avait des symptômes difficiles à vivre – vomissements, etc. – le
médecin de garde le week-end avait commencé à lui appliquer une palliation
sédative : endormissement profond accompagné d’ordinaire du retrait de la
nourriture et de l’hydratation. Elle était dans le coma lorsque son médecin
traitant est revenu ; sa famille a fait savoir qu’elle n’aurait jamais
voulu de cela, mais d’une « mort digne », comme en attestait son
testament de fin de vie. Elle avait une respiration bizarre pendant son coma,
crachait du sang avec risque d’étouffement, montrait des signes d’agitation par
moments : le mari a fait savoir qu’elle aurait préféré en finir vite. Le
médecin a estimé devoir tenir compte de son testament de fin de vie alors
qu’elle n’était plus en état d’exprimer sa volonté. La commission a jugé que
même si la femme, du fait de son coma induit par la sédation palliative,
n’avait pas conscience de son état, il suffisait de noter qu’elle avait
précédemment et par écrit indiqué que le genre de situation où elle se trouvait
était pour elle une « situation indigne », l’euthanasie a été
pratiquée de manière conforme à la loi. « L’euthanasie est alors autorisée
parce qu’il est jugé inhumain de faire sortir quelqu’un d’un niveau de
conscience amoindri réversible afin de lui faire confirmer qu’il souffre de
manière insupportable », affirme le rapport.
• Cas de démence. Une femme de
près de 70 ans montrant les symptômes d’un début d’Alzheimer. A la suite d’une
opération à la hanche et un épisode de délire la maladie a progressé beaucoup
plus vite : elle ne fonctionnait plus de façon autonome, perdait ses
capacités cognitives et perdait le contrôle de son esprit. Elle avait le
sentiment de perdre sa personnalité et de ne plus avoir prise sur la réalité.
Elle a commencé à demander l’euthanasie pour être sûre de ne pas se trouver
dans un état où elle n’aurait plus conscience de la réalité, ni même de sa
maladie. C’est la peur de cette situation qui a constitué la « souffrance
insupportable ». Elle était encore en mesure de comprendre ce qu’était la
démence. Euthanasie : OK.
• Cas d’un cinquantenaire atteint
de la démence de Lewy Body – mouvements incontrôlés et dégradations des
capacités cognitives – qui n’avait aucune perspective d’amélioration. Il
souffrait d’hallucinations et d’insomnies, et était conscient de la dégradation
de son état. Il ne voulait en aucun cas de retrouver en maison de soins. Il a
exprimé son désir d’euthanasie en précisant au médecin à quel stade précis de
dégradation il voulait être piqué. Une consultation de spécialiste, quinze jours
avant sa mort, lui permit de dire que son état lui causait beaucoup de
tristesse ; réactions lentes, paroles hachurées, peu de contact visuel. Il
avait conscience de plus pouvoir faire de voiture ou de moto. Il ne voulait pas
ne pas reconnaître femme et enfants. Il estimait indigne de souffrir
d’impulsions qu’il ne pouvait plus maîtriser. Le médecin a jugé qu’il souffrait
assez pour être euthanasié ; la commission a estimé que le médecin s’en
était enquis de manière suffisamment sérieuse pour le justifier.
• Cas d’une sexagénaire atteinte
d’Alzheimer qui après 5 ans de relative légèreté, avait progressé rapidement à
la suite d’un épisode épileptique. Elle se savait malade, et ayant travaillé
dans un centre pour déments, ne voulait en aucun cas être mise dans une telle
institution, récusant de telles suggestions avec violence et tristesse. Elle a
indiqué qu’il y avait du chaos dans sa tête et qu’elle avait le sentiment
d’être prisonnière d’un corps étranger. Ne reconnaissait souvent ni mari ni
enfants, son intelligence tournait en roue libre. Son neurologue a estimé
qu’elle ne souffrait pas de dépression. Le placement en institution devenait
inévitable, mais son médecin a parlé d’un testament de fin de vie rédigé 6 ans
plus tôt, un an après une première conversation sur l’euthanasie ; demande
réactualisée 2 ans avant sa mort. Sa situation s’est ensuite dégradée de
manière à ne plus lui permettre d’exprimer pleinement sa volonté. Seule
revenait l’idée qu’elle préférait mourir que d’aller en institution. Le côté insupportable
de la souffrance a été jugé établi par les émotions montrées par la patiente
qui ne pouvait plus les exprimer en paroles. A partir du contexte, du testament
de fin de vie et des conversations entourant la signature de celui-ci on a jugé
qu’elle était alors très probablement en mesure d’exprimer sa volonté. Lors de
la visite d’un second spécialiste elle répétait : « Je ne veux pas
partir d’ici, je ne veux pas devenir complètement démente ! » Le
consultant a jugé qu’en ce qui concernait la maison de soins et la démence elle
était encore en état d’exprimer sa volonté. Le refus répété de quitter sa
maison et l’indication qu’elle préférait mourir, exprimée en mots et par le
langage du corps, ont été pris en compte par le médecin le jour où il a pratiqué
l’euthanasie. Euthanasie : OK.
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