Menaces sur la liberté d'éducation
Le collège Saint-Projet face à la dictature du rectorat
On imagine facilement la gourmandise avec laquelle a été rédigée la décision annonçant que les parents qui scolariseront à la rentrée leurs garçons dans le collège hors contrat Saint-Projet (proche de l’Institut du Bon Pasteur) seront considérés comme ne remplissant pas l’obligation d’instruction de leurs enfants et donc passibles de poursuites pénales. La directrice de l’établissement a été mise en demeure de fournir la liste des élèves et les coordonnées de leurs parents. Tout cela à la suite de l’émission « Les Infiltrés » dont les responsables avaient choisi de parfaire leur œuvre de provocation et de délation en dénonçant avant même sa diffusion l’établissement libre au rectorat, qui avait immédiatement lancé une première inspection, le jour du Vendredi Saint.
Je parle de gourmandise parce que, ayant pris cette décision, le recteur Jean-Louis Nembrini et l’inspecteur André Mercier se sont abondamment exprimés devant la presse, ce qui les rend tout de même un peu juges et parties. Sans compter que le second inspecteur diligenté pour visiter Saint-Projet, suintait – de l’avis de ceux qui l’ont vu et entendu – la haine anti-catholique. Il est vrai que le rectorat n’a pas le pouvoir de fermer le collège Saint-Projet – il espère simplement le vider – et que la publicité médiatique lui est sans doute nécessaire pour faire monter la mayonnaise autour de cet établissement présenté comme catholique, intégriste, antisémite et donc nazi.
A-t-on découvert des enseignements séditieux, un endoctrinement fasciste, un apprentissage de la haine à Saint-Projet ? Nullement. De fait, au mépris de tout respect de la liberté, du pluralisme, de la tolérance religieuse, le principal reproche adressé à l’enseignement concerne l’esprit catholique dans lequel il est dispensé. Comme l’écritSud-Ouest, « il est reproché au collège de ne fournir aucun enseignement sur l’histoire des religions (hormis le catholicisme) et de distiller une instruction historique uniquement marquée par “une vision catholique du monde” qui, “en l’absence de cours d’instruction civique” ne permet pas aux élèves de “se former un esprit critique” ».
Ici on se tordrait de rire – quid de l’endoctrinement « historique » par les écoles, forcément irréprochables, qui respectent à la lettre programmes et manuels officiels – s’il n’y avait le fait gravissime de la négation des droits éducatifs des parents. L’école Saint-Projet, école catholique, serait donc coupable d’enseigner au travers d’un « prisme catholique ».
Même chose pour l’enseignement des sciences, dont l’inspecteur a déploré qu’il reste « lourd de carences ».
En fait, tout cela respire le détournement de pouvoir et la mauvaise foi. Me Thomas Rivière, président de l’association d’enseignement populaire (AEP) qui gère l’école et le collège Saint-Projet, nous a expliqué que deux inspections sont exigées, la seconde après qu’un temps soit accordé aux responsables pour se mettre en conformité avec les exigences du rectorat. Dans ce cas précis, compte tenu de la date d’envoi des conclusions de la première inspection et des vacances, le collège a disposé de deux jours et demi. Et la date de deuxième inspection est intervenue – sciemment – un jour où aucun cours de sciences n’était prévu, les professeurs n’étant même pas joignables.
Mieux, l’inspection a inventé une obligation pour l’école de suivre exactement les programmes et les rythmes d’enseignement officiels, auxquels les écoles hors contrat ne sont pas soumises, sans tenir compte du fait que les contenus obligatoires sont enseignés par « promotion » et non par année, avec un programme réaménagé sur plusieurs années.
Mais l’important, c’est le fait que le rectorat de Bordeaux se soit appuyé sur le « socle minimum de connaissances » que doit recevoir tout élève en France, quel que soit son mode d’instruction. Un corpus considérable, dont le respect dans le public et le privé sous contrat n’est pas assuré partout (faut-il obliger les élèves à les quitter sous peine d’emprisonner leurs parents), d’autant que 40 % des élèves quittent l’école primaire sans maîtriser comme il se doit la lecture et le calcul ?
Un corpus fortement marqué du point de vue de l’idéologie, aussi : j’ai écrit cela en son temps dans « Génération décervelée » en expliquant qu’une épée de Damoclès pesait sur les écoles catholiques hors contrat.
A Bordeaux, à n’en pas douter, les parents se battront pied à pied. Au nom de tous les parents du hors-contrat. Et même pour les parents qui les ignorent et pensent disposer pour longtemps de toute la liberté à laquelle ils croient encore avoir droit.
Article paru dans Présent du 5 juin 2010.
© leblogdejeannesmits.
1 commentaire:
Ce genre d'attitude s'apparente vraiment à ce qui s'est passé en 1905 où les congrégations religieuses et notamment enseignantes ont du se réfugier à l'étranger (Belgique par exemple) où certains de leurs élèves les ont suivies (ce fut le cas du futur général De Gaulle).
Les établissements catholiques (des écoles aux ex-prestigieuses universités comme Paris ou Lille) sous contrat, ont perdu leur spécificité (je parle en connaissance de cause par rapport à la scolarité de mes enfants désormais adultes). Aujourd'hui si j'avais des enfants en âge scolaire, je rechercherais des écoles hors contrat pour ne pas "être trompé sur la marchandise" id spécificité catholique non assez affirmée des établissements avec contrat, sauf rare exception.
Cette "diabolisation" de cette école est loin d'être innocente et permet aussi d'attaquer les catholiques dits traditionnels et ce n'est pas sûr qu'il n'y ait que des anticléricaux forcenés qui soient contents de cette affaire et ça c'est vraiment le plus terrible et c'est donc dans un certain sens pire qu'en 1905. Que faire?
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