24 octobre, 2006

« Euthanasie » par étranglement…

Léonie Crevel, 80 ans, était jugée lundi devant la cour d’assises de Seine-Maritime pour avoir étranglé Florence, sa fille handicapée de 41 ans. On s’attendait à un verdict clément. « Elle souffrait trop, j’en avais marre de la voir souffrir », a expliqué la vieille dame manifestement dépassée par ce qui lui arrive.

Florence était hémiplégique, grabataire, incontinente, muette depuis huit ans ; le jour du drame, elle faisait sa deuxième (et douloureuse) crise d’épilepsie ; Léonie Crevel ne l’a pas supporté. Elle qui s’en occupait seule depuis des années et qui s’était juré de le faire jusqu’à ce que ses forces l’abandonnent, est allée chercher une corde dans son garage. Elle l’a passée autour du cou de sa fille, l’a attachée à son lit. Puis elle a poussé Florence par terre, provoquant la strangulation. Calme, sereine même selon les témoins, elle a accueilli les secours en leur demandant de ne pas réanimer sa fille : « J’ai tué ma fille pour mettre fin à ses souffrances. »

C’est le cas type de l’affaire extrêmement douloureuse, suscitant la compréhension et la compassion, que l’on exploite médiatiquement pour faire avancer la mauvaise cause de l’euthanasie…

Car il y a d’un côté le cas particulier : le désespoir d’une personne épuisée, faisant seule face à une tâche qui la dépasse, fragilisée et donc mal armée devant la tentation d’une solution facile. Et de ce même côté, il y a la violence de l’acte, témoin elle aussi de cette détresse devant la souffrance d’un enfant. De ce point de vue, la clémence de la justice n’est sans doute pas saugrenue en soi. D’ailleurs la douleur de Léonie Crevel qui ne se remet pas de la mort de Florence, et son désarroi, sa prostration même au procès, témoignent du fait qu’elle n’est pas une criminelle. En tout cas pas ordinaire.

Mais il y a aussi l’acte de mort, particulièrement cruel, gravement désordonné. Cela dit, la froideur clinique de l’euthanasie médicale telle qu’on la promeut aujourd’hui, y compris à travers cette affaire, n’est-elle pas bien plus inquiétante ? Car les médecins et les personnels médicaux, précisément, sont ceux qui ont le devoir de soulager la souffrance, non seulement des malades mais de leurs proches. Ce devrait être la leçon de la mort de Florence Crevel…

Article de J.S. paru dans Présent daté du 24 octobre 2006.

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