05 mars, 2011

Une nouvelle « Terri Schiavo » aux Etats-Unis – mais qui s'en souciera ?

Elle vient d'être « débranchée ». Rachel Nyirahabiyambere, 58 ans, réfugiée rwandaise, va mourir de faim et de soif si rien n'est fait rapidement. Et il n'y a pas de raison que l'alimentation et l'hydratation de cette grand-mère courage soient rétablies : elle n'a pas d'assurance médicale, elle n'a pas droit au « Medicaid » réservé aux plus pauvres parce qu'elle réside depuis moins de cinq ans aux Etats-Unis, et ses enfants n'ont pas les moyens de payer les soins de base qui la maintiendraient en vie.

Rachel avec ses petits-enfants
Source photo : www.bioedge.org
Ces soins de base ne sont pas des soins de haute technicité ou d'acharnement thérapeutique. Nourrir, hydrater, assurer un toit et des soins d'hygiène ne sont pas des gestes extraordinaires, mais tout simplement ce qui est dû au prochain qui souffre. Quel qu'il soit. D'où qu'il vienne.

Tragique histoire que celle de Rachel Nyirahabiyambere. En 1994, elle avait fui le Rwanda avec son mari et ses six enfants. Réfugiée au Congo, la famille avait été dispersée par la force des événements : le mari mort, deux des fils, Jérôme et Gratien, avaient obtenu le droit d'asile aux Etats-Unis. Ils avaient travaillé dur pour obtenir que leur mère pût les rejoindre avec un statut de résidente permanente en 2008, trouvant d'ailleurs rapidement un travail – ironie du sort, c'était dans une compagnie d'assurance santé. Dévouée, elle allait quitter cet emploi pour suivre son fils aîné en Virginie pour l'aider à s'occuper de ses enfants – fin de l'assurance maladie pour Rachel.

En avril dernier, Mme Nyirahabiyambere a été victime d'une attaque qui l'a laissée, selon l'expression consacrée, dans un état végétatif permanent. Au bout de sept semaines, l'hôpital où elle se trouvait – Georgetown University Medical Center, un hôpital catholique – a commencé à trouver l'addition trop salée. Le New York Times raconte que les autorités de l'hôpital ont proposé trois options aux fils de Rachel : lui trouver une maison de soins, l'accueillir chez eux ou la renvoyer au Rwanda. Ils ont déclaré qu'ils n'en avaient pas les moyens.

A la demande de l'hôpital, la malade a été mise sous la tutelle d'une personne désignée par un cour de Virginie, Andrea Sloan, qui n'a pas tardé à la faire transférer vers une maison de soins dans le Maryland, où, dès la mi-février, et malgré les protestations de ses fils, il a été décidé de la laisser mourir de faim et de soif.

Bioedge, qui rapporte cette information, cite des propos qui ont été tenus dans des courriels signés de Mme Sloan, selon The Times :
« Les hôpitaux n'ont pas les moyens de laisser aux familles le temps de s'habituer à leur douleur en permettant à leurs parents de rester hospitalisés jusqu'à ce qu'elles en arrivent – si elles doivent y arriver un jour – au stade de l'acceptation. Pour parler de manière générale : qu'est-ce qui donne à telle ou telle famille ou à telle personne le droit de contrôler tant de nos si maigres ressources de santé dans une situation où le pronostic est peu encourageant, et au détriment d'autres qui pourraient effectivement en tirer profit ? »
Rachel est immigrée, noire, pauvre et très malade.

Cas rêvé pour mettre en application la théorie des « soins futiles » qui permet de passer outre à l'obligation commune de soigner, dans la mesure du possible, même a minima, tout être humain du fait de son humanité. Jusqu'à priver cette dame, aimée de ses enfants, des soins ordinaires pour la faire mourir, ce qui constitue une euthanasie par omission. Tout cela dans une logique de rationnement des soins où les malades servent de variable d'ajustement.

Rachel n'a pas établi de « testament de vie » et il semblerait qu'elle n'aurait pas désiré qu'on la prive des soins ordinaires. Mais Mme Sloan, toujours selon le Times, a déclaré à ses fils qu'elle ne renoncerait à la débrancher que s'ils étaient en mesure de prouver qu'elle aurait voulu vivre sa vie « avec un tube d'alimentation, avec des couches, sans communication avec qui que ce soit, dans une maison de santé ».

Les fils de Rachel ont déclaré que dans leur culture « on ne condamnerait personne à mourir de faim ».

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