11 novembre, 2022

Synode sur la synodalité : “Le Saint-Esprit n’a strictement rien à voir avec ça”, affirme Mgr Rob Mutsaerts, évêque auxiliaire de Bois-le-Duc

Mgr Rob Mutsaerts, évêque auxiliaire du diocèse brabançon de Bois-le-Duc aux Pays-Bas, a publié il y a quelques jours une critique sentie du « processus synodal » qui se met en place en vue des deux sessions du « Synode sur la synodalité » qui se tiendront à Rome en 2023 et 2024. Sous l’invocation trompeuse du Saint-Esprit, il s’agit selon lui d’une opération destinée à modifier en profondeur l’enseignement de l’Eglise en « écoutant » les opinions des fidèles (ou pas) recueillies par des évêques privés, de fait, de leur charge d’enseignement.

Mgr Mutsaerts a annoncé qu’il avait « décroché » du processus, après en avoir exposé les erreurs et les risques. Je vous propose ici ma traduction de ce texte publié le 4 novembre dernier sur son blog ; une traduction a déjà été publiée quelque part en français (?), mais les propos de Mgr Mutsaerts méritent mieux ! – J.S.

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Le processus synodal est-il un instrument pour transformer l’Église ?

Le jeudi 27 octobre à Rome, le Secrétariat du Synode des évêques à Rome a présenté le document de travail en vue de la « phase continentale » du synode Pour une Église synodale : communion, participation et mission. La présentation eut lieu à l’occasion d’une conférence de presse à la Salle de presse du Saint-Siège, présidée par le cardinal Grech. Le document s’intitule Elargis l’espace de ta tente (Is 54, 2). Le Secrétariat du Synode des évêques doit par la suite, en s’appuyant sur l’ensemble des documents finaux issus des rencontres qui se sont tenues sur les différents continents, établir l’Instrumentum Laboris, le document de travail qui servira aux réunions synodales de 2023 et 2024.

Un mot sert de mantra à ce processus : « écouter ». Ecouter qui ? Tout le monde. Le document de travail contient un nombre important de citations. « Ces citations ont (…) été choisies parce qu’elles expriment de manière particulièrement puissante, heureuse ou précise un sentiment qui revient dans de nombreux résumés. (…) L’expérience du synode peut être lue comme un parcours de la reconnaissance pour ceux qui ne se sentent pas suffisamment reconnus dans l’Église. » Les contours du processus synodal se font de plus en plus nets. Celui-ci sert de mégaphone aux opinions non conformes à l’enseignement de l’Eglise. Le document souligne ce à quoi devra aboutir le chemin synodal : « une Église synodale qui apprend de l’écoute comment renouveler sa mission évangélisatrice à la lumière des signes des temps, afin de continuer à offrir à l’humanité une manière d’être et de vivre dans laquelle tous peuvent se sentir inclus et protagonistes ».

Qui sont ceux qui se sentent exclus ? « Parmi ceux qui demandent un dialogue plus significatif et un espace plus accueillant, nous trouvons également ceux qui, pour diverses raisons, ressentent une tension entre l’appartenance à l’Église et l’expérience de leurs propres relations affectives, comme par exemple : les divorcés remariés, les familles monoparentales, les personnes vivant dans un mariage polygame, les personnes LGBTQ, etc. » Tous ceux, en somme, qui ne sont pas d’accord avec les enseignements de l’Église catholique. Le document de travail semble proposer que nous dressions une liste de doléances, pour ensuite en débattre. La mission de l’Église est tout autre. Elle n’est pas d’examiner toutes les opinions, après quoi on peut se contenter de trouver un petit arrangement. Notre Seigneur nous a laissé un commandement bien différent : annoncez la vérité ; c’est la vérité qui vous rendra libres. La remarque selon laquelle l’Église ne prête pas attention à la polygamie est particulièrement frappante. Notons au passage que le document ne prête aucune attention aux traditionalistes, qui eux aussi se sentent exclus. Ils l’ont même littéralement été par le pape François (Traditionis Custodes). Il s’agit manifestement d’un groupe qui ne bénéficie pas de la moindre empathie.

Le processus synodal tient plutôt à ce jour de l’expérience sociologique, et n’a pas grand-chose à voir avec le Saint Esprit, censé ici se faire entendre à travers n’importe quel bruit. Une telle approche peut quasiment être qualifiée de blasphématoire. Ce qui devient de plus en plus évident, c’est que le processus synodal sera utilisé pour faire changer un certain nombre de positions de l’Église, et pour couronner le tout, le Saint-Esprit Lui-même sera jeté dans la bagarre en tant que promoteur des idées nouvelles, alors qu’à travers les siècles, le Saint-Esprit a tout de même soufflé leur exact contraire. Ce que l’on peut surtout constater à travers les séances d’écoute, c’est une foi vidée de son contenu, qu’on ne met plus en pratique et qui n’accepte pas les prises de position de l’Eglise. On s’y plaint de ce que l’Église n’accepte pas les points de vue de ces personnes. Au demeurant, ce n’est pas tout à fait exact. Les évêques flamands et allemands font avec elles un bon bout de chemin, ce qui est finalement encore bien plus tragique. Ils ne veulent plus appeler le péché, péché. C’est pour cette raison que la conversion et la contrition sont exclues du débat.

On pourra s’attendre à des appels à admettre les femmes au sacerdoce : « le rôle actif des femmes dans les structures de gouvernance des organes de l’Église, la possibilité pour les femmes ayant reçu une formation adéquate de prêcher dans le cadre paroissial, le diaconat féminin, (…) l’ordination sacerdotale des femmes ». Exercice vain, étant donné que les trois derniers pontificats ont explicitement proclamé que cela est impossible. Dans le domaine de la politique, tout est susceptible d’être discuté et débattu. Il n’en va pas de même dans l’Église. Nous disposons d’une chose qu’on appelle la doctrine de l’Église, et qui ne dépend ni du temps ni du lieu. Mais le document de travail semble véritablement vouloir tout remettre en question. On lit par exemple au paragraphe 60 : « L’appel à une conversion de la culture ecclésiale, pour le salut du monde, est lié concrètement à la possibilité d’établir une nouvelle culture, avec de nouvelles pratiques, structures et habitudes. » Et encore ceci : « Les évêques sont invités à identifier les moyens appropriés pour mener à bien leur tâche de validation et d’approbation du Document final, en s’assurant qu’il soit bien le fruit d’un chemin authentiquement synodal, respectueux du processus qui a eu lieu et fidèle aux différentes voix exprimées par le Peuple de Dieu sur chaque continent. » Visiblement, on réduit la fonction épiscopale à la simple mise en œuvre de ce qui représentera, au bout du compte, le plus grand dénominateur commun résultant d’une espèce de tombola des opinions. L’étape finale du processus synodal ne pourra qu’aboutir à une foire d’empoigne. On peut affirmer dès aujourd’hui que tous ceux qui n’auront pas obtenu ce qu’ils voulaient se plaindront d’avoir été exclus. C’est par nature une formule qui mène au désastre. Si chacun obtient ce qu’il veut – ce qui en réalité, n’est pas possible – le désastre sera complet. L’Église se sera alors reniée elle-même, et elle aura saccagé son identité.

Lors de la présentation du document de travail, le cardinal Grech a vraiment dépassé les bornes en affirmant que la tâche de l’Église est d’agir comme un amplificateur de tout bruit provenant de l’Église, même si ce bruit contredit frontalement ce que l’Église a toujours proclamé. Jadis, on procédait autrement. À l’époque de la Contre-Réforme, l’Eglise ne laissait aucune place au manque de clarté quant à l’expression de ses positions. On peut convaincre les gens en défendant la foi catholique de manière argumentée et avec une entière conviction. On ne convainc personne en se contentant d’écouter et de s’en tenir là. Ce qui est fâcheux, c’est que les évêques ont été chargés d’écouter, puis de consigner ce qui avait été dit. Leurs résumés ont ensuite été regroupés au niveau des provinces ecclésiastiques pour être transmis à Rome. Ces résumés portent la signature de la conférence épiscopale au pied de leurs lots d’hérésies. Nous ne pouvions pas faire autrement, mais je n’en suis décidément pas ravi. D’ailleurs, de nombreux cardinaux ont fait entendre de telles critiques à Rome, demandant une nouvelle fois ce qu’est exactement la synodalité. Il n’y a pas eu de réponse claire à ce jour.

Jésus avait une approche très différente. Il écouta, sur le chemin d’Emmaüs, les deux disciples déçus. Mais à un moment donné, Il prit la parole, et Il leur fit comprendre qu’ils étaient en train de faire fausse route. Cela les amena à faire demi-tour et à retourner à Jérusalem. Si nous ne faisons pas demi-tour, nous atterrirons à Emmaüs, encore plus égarés que nous ne le sommes déjà.

Une chose, cependant, me saute aux yeux. Dieu est en dehors du cadre de ce navrant processus synodal. Le Saint-Esprit n’a strictement rien à voir avec lui. Parmi les protagonistes de ce processus figurent, à mon sens, un petit peu trop de défenseurs du mariage homosexuel, des individus qui ne pensent pas vraiment que l’avortement est un problème et qui ne se montrent jamais les authentiques défenseurs du riche héritage de foi de l’Eglise ; et qui veulent avant tout être aimés par leur entourage mondain. Quel manque d’esprit pastoral, quel manque d’amour. Les gens veulent des réponses justes et droites. Ils ne veulent pas rentrer chez eux alourdis d’encore plus de questions. Cela aboutit à empêcher les gens d’accéder au salut. Entre-temps, pour ma part, j’ai décroché du processus synodal.

+Rob Mutsaerts

© leblogdejeannesmits pour la traduction.


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