Nous l’avons vu de nos yeux, l’événement que nous attendions et qui nous semblait impossible, surtout sous ce pontificat. Le vendredi 25 mars, en la fête de l’Annonciation, au terme d’une « cérémonie pénitentielle » consistant à encourager les fidèles à réaliser leur examen de conscience et à faire une confession sacramentelle, le pape François a « solennellement » consacré « l’humanité tout entière, et particulièrement la Russie et l’Ukraine », au Cœur Immaculé de Marie.
Il l’a fait devant une statue de Notre Dame de Fatima, au même moment où l’aumônier pontifical, le cardinal Konrad Krajewski, prononçait à la demande du pape la même consécration à Fatima devant la statue de Notre Dame dans la petite chapelle des apparitions, là-même où en 1917 la Vierge avait annoncé qu’elle demanderait la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé.
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Je sais qu’il existe une controverse au sujet de l’accomplissement de cette demande : on reproche au pape de n’avoir pas nommé Fatima, d’avoir nommé « le monde », et dans la formule de consécration elle-même, « l'humanité » et l’« Ukraine » outre la Russie, de ne pas avoir précisé qu’il s’agissait d’un acte de réparation, de ne pas avoir évoqué la « communion réparatrice des cinq premiers samedis du mois », d’avoir simplement « demandé » aux évêques du monde de s’unir à la consécration sans le leur « ordonner », de n’avoir pas évoqué la conversion de la Russie que la Vierge a promise, et d’avoir inclus des termes païens dans l’acte de consécration en désignant Marie comme « terre du ciel »… Je reviendrai plus tard sur ce dernier point.
Ces critiques atteignent parfois une violence étonnante, si l’on considère qu’aucun des huit actes de consécration posés par les papes Pie XII, Paul VI et Jean-Paul II n’a seulement nommé la Russie en tant que nation, qu’aucune n’a été réalisée solennellement avec les évêques du monde entier, qu’aucun de ces papes n’a approuvé explicitement la dévotion des cinq premiers samedis. Certains commentateurs sont allés cette fois jusqu’à redouter qu’un mot de travers ou l’absence de telle ou telle mention pourrait déclencher des catastrophes, ce qui dénote une curieuse conception de l’amour maternel de Marie pour tous ses enfants… Comment croire qu’une telle prière ne soit pas entendue, et que des grâces ne nous soient offertes en retour !
Depuis Rome nous est venu encore un autre son de cloche : le P. Stefano Cecchin, franciscain, président de l’Académie pontificale mariale internationale, expliquant, dans une interview publiée en anglais par Vatican News quelques heures avant l’acte de consécration, sa « signification théologique ». Il évoquait un « renouvellement de la consécration » (c’est ainsi qu’on s’efforce de la présenter, ainsi que l’a fait par exemple KTO lors de la retransmission du 25 mars, pour bien faire comprendre que les précédentes avaient été faites selon la demande de Notre Dame).
Pour Cecchin, la demande faite par le pape aux évêques du monde entier relève avant tout du « concept de synodalité » qu’il évoque si souvent. Le franciscain minimise le lien avec Fatima, affirmant qu’il faut toujours se tourner vers Marie dans les moments difficiles, comme l’Eglise l’a souvent fait.
Pourtant,
en suppliant le pape François « d’accomplir publiquement l’acte de consécration au Sacré-Cœur Immaculé de Marie de l’Ukraine et de la Russie, comme demandé par la Sainte Vierge à Fatima », les évêques ukrainiens de rite latin ont clairement fait ce lien. Et si le pape ne l’a pas nommée, il n’y avait pas la moindre ambiguïté quant au fait qu’il s’adressait à Notre Dame de Fatima, puisque c’est devant son image qu’il a prononcé l’acte de consécration.
L’attention portée à plusieurs éléments des demandes de la Vierge est manifeste dans l’acte de consécration lui-même. « Avec honte nous disons : pardonne-nous, Seigneur !… Nous confions et consacrons solennellement… en particulier [“spécialement” en italien] la Russie et l’Ukraine… » Réparation, solennité, mention de la Russie. Cela ne peut être l’effet du hasard.
Peut-on évoquer ici l’humour de Dieu ? C’est un pape progressiste et même maître de la confusion qui a pris la peine de mieux répondre à certaines demandes de Notre Dame, donnant implicitement raison aux « traditionalistes » qui déploraient le caractère insuffisant des consécrations antérieures. De plus, venant d’un pape évidemment progressiste, la demande faite aux évêques n’a pu que mobiliser même les plus modernes d’entre eux (tandis que les plus traditionnels y ont répondu tout naturellement, et avec joie). C’était finalement plus facile pour lui que pour un autre…
Doit-on d’ailleurs lui reprocher de ne pas avoir mentionné la communion réparatrice des cinq premiers samedis – demande adressée par la Vierge de Fatima à chacun, et dont chacun de nous est responsable ? Devait-il « ordonner » aux évêques de participer, au lieu d’en appeler à leur liberté, à leur libre adhésion ? Questions bien secondaires, me semble-t-il. Il me semble qu’il faut plutôt retenir que le monde entier a pu entendre et voir un pape consacrer nommément et solennellement la Russie au Cœur Immaculé.
Frappante aussi, et combien touchante, fut l’évocation dans le texte de consécration de la Vierge de Guadalupe, citée en ses mots à saint Juan Diego : « Ne suis-je pas ici, moi qui suis ta mère ? » Ce sont sans doute les mots les plus consolants que notre pauvre humanité puisse entendre, et il me plaît de rappeler ici les phrases dont la citation fut extraite :
1 commentaire:
Alors pourquoi Poutine à t-il demandé au Pape François lors de sa venue au Vatican cette consécration ?
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