Quelle importance ?, direz-vous. Boff a été rayé des cadres de la théologie catholique, qu’il lui est défendu d’enseigner de par la volonté de la Congrégation pour la Doctrine de la foi alors sous la houlette du cardinal Joseph Ratzinger, et s’il est prêtre, il a défroqué depuis belle lurette et s’est marié.
Le problème est cependant que Leonardo Boff, naguère très en marge de l’Eglise qu’il tentait de révolutionner, est revenu en grâce sous le pape François. On a de bonnes raisons de croire qu’il participa largement à la rédaction de l’encyclique
Laudato si’ ; le pape l’a gratifié il y a deux ans d’un
message d’anniversaire personnel des plus cordiaux, à tu et à toi, pour le féliciter à l’occasion de ses 80 ans moyennant quelques souvenirs complices ; Boff a également participé fin novembre au colloque sur l’économie organisé à l’initiative du pape François pour les jeunes à Assise sous le titre :
La economia de Francesco. Conférence de 45 minutes à la clef, avec notamment un plaidoyer pour la valorisation de toutes les religions (j’en atteste, je l’ai écoutée de bout en bout). Les italianophones tireront des réflexions plus qu’intéressantes de
cette analyse de Julio Loredo.
Le média internet progressiste hispanophone Religion digital a fêté le dernier livre de Leonardo Boff au moyen d’un colloque virtuel.
Boff a déclaré à cette occasion : « La théologie doit poser une option pour les pauvres, en faveur de la justice et de la liberté. Et à l’intérieur du “grand pauvre”, il faut situer le très grand pauvre qu’est la Terre, elle qui est la plus violée, la plus persécutée. »
Serait-ce sa version consciente, demande Carlos Esteban – la Terre Mère, personnalisée sous les traits de la Pachamama ?
Leonardo Boff pense également ceci : « Nous sommes face à une situation où l’humanité se trouve à une croisée des chemins. L’être humain est la grande menace pour la vie de la Terre. »
Ce n’est plus l’homme est un loup pour l’homme, ce qui – quand c’est le cas – résulte de la violation et du rejet de la loi de Dieu, du péché, mais : l’activité de l’homme est mauvaise pour cette Terre qu’il habite, et qui a pourtant été créée pour lui, créature qui la dépasse parce qu’il est corps et âme, appelé à la vie éternelle auprès de Dieu… La particularité de ce discours écologiste sur l’homme, présenté comme prédateur et destructeur d’une réalité qui le dépasse en quelque sorte en droits et en dignité, est qu’il l’est même en posant des actes indifférents sur le plan moral, voire bons.
Leonardo Boff a encore déclaré qu’il faut « nous rendre compte que tout est lié, interconnecté, nous sommes tous connectés, sinon que nous sommes l’ensemble de toutes les relations avec tous ».
L’ordre de la création, qui a l’homme à son sommet parce qu’elle lui est ordonnée et que l’univers matériel, choses animées et inanimées, fut dès l’origine confié à son pouvoir et à sa garde, est ici nié.
Cela ne veut pas dire que l’homme ne puisse abuser de la nature, de la création qui lui a été confiée par Dieu pour la faire en quelque sorte fructifier. Mais l’extrémisme écologique qui a cours aujourd’hui et qui domine le discours international, fait de l’homme un simple élément de ce grand tout, plus dangereux que les autres du fait même de ses capacités supérieures, et n’ayant pas une différence de nature par rapport aux « autres » êtres vivants.
Le Christ crucifié pour le salut, non de la Terre, mais de l’homme pour l’éternité, et la certitude que « ce monde » passera, cèdent ainsi la place à ce que Carlos Esteban désigne justement comme une « écologie mystique », avec son salut horizontal son panthéisme mal dissimulé.
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