Cardinal Müller : ils ne perçoivent plus qu'ils ont franchi la frontière du vieux paganisme au synode sur l'Amazonie
Le cardinal Müller réagit dans ce texte de manière très positive à un article publié récemment dans First Things par le Pr Douglas Farrow, Le synode sur l'Amazonie est un signe des temps (en anglais), qui dénonçait le 17 octobre dernier le « christianisme biodégradable » de notre temps. Il évoquait les « marxistes et les gramsciens qui gèrent ce synode », et, reprenant les critiques du cardinal Müller à propos de l'Instrumentum laboris, allait aussi plus loin en parlant de la maxime « la grâce suppose la culture » (et non : « la grâce présuppose la nature ») qui est selon lui à l'œuvre.
Douglas Farrow écrit : « Le kairos, la culture de la rencontre acclamés lors du synode pan-amazonien sont un kairos et une culture bergogliens. L'Eglise “appelée à être toujours plus synodale”, à “devenir chair” et à “s'incarner” dans les cultures existantes, est une église bergoglienne. Et cette église, sans vouloir trop insister, n'est pas l'Eglise catholique. C'est une fausse église. C'est une église qui s'auto-divinise. C'est une église anti-christique, un succédané du Verbe incarné à qui l'Eglise catholique appartient en réalité et à qui elle doit toujours, comme l'affirme fortement le cardinal Müller, si elle doit être l'Eglise. »
Il poursuit : « Alors, où en sommes-nous? Cela nous place, pour parler très franchement, devant la question de savoir comment la vraie Eglise et la fausse peuvent avoir le même pontife, et ce qu'il faut faire à ce propos. D'autres soulèvent cette question à leur propre façon. C'est une question très inconfortable, que ce soit pour l'humble laïc ou pour le clerc exalté, contre lesquels l'Instrumentum laboris tire à vue s'ils donnent le moindre signe de pétrification. J'ai tendance à croire que la question est très inconfortable pour le pontife lui-même, qui détient la charge de Pierre tout en l'utilisant pour attaquer la “pétrification”. Mais c'est bien la question soulevée par le synode sur l'Amazonie, qui est bien en effet un signe des temps. »
D'aucuns en ont conclu que Farrow est devenu « anti-papiste » ou « sédévacantiste », ce qui est contredit par ce dernier paragraphe. Cet écueil-là, il faut l'éviter tout en restant fermement accroché à la vérité.
C'est, me semble-t-il, le sens de la forte déclaration du cardinal Müller à Maike Hickson pour LifeSiteNews. Je vous en propose ci-dessous ma traduction non-officielle.
Déclaration du cardinal Gerhard Müller à LifeSite, le 22 octobre 2019
C’est un article très pertinent. Ici [à Rome], on n’entend rien. Rien ne filtre, si ce n’est qu’une pression immense s’exerce sur ceux qui pensent d’une manière orthodoxe et catholique. Dans quelle situation sommes-nous pour que même les évêques ne se rendent pas compte de ce que la frontière du vieux paganisme a été franchie. C’est là que l’on retrouve les vrais « conservateurs » ou les « archi-réactionnaires », ceux qui interprètent ces termes dans le sens exact du Christ qui est la fraîche nouveauté de Dieu, celle qui ne peut être dépassée.
Par exemple, du temps de saint Irénée de Lyon et aussi avant – saint Irénée qui nous a donné ses cinq livres Contre les hérésies qui sont aujourd’hui encore très pertinents – certains se sont laissés « à tort captiver par la soi-disant Gnose. Ceux qui l’ont professé se sont égarés et se sont éloignés du chemin de la foi » (1 Tm 6, 21). Irénée avait auparavant passé quelque temps à Rome et y avait combattu les hérésies gnostiques chrétiennes. Au IIe siècle, il est le plus important défenseur de la primauté romaine, mais cela ne l’a pas empêché d’appeler personnellement les papes Eleuthère et Victor Ier à choisir des approches plus sages et plus justes.
L’homme est tenu d’obéir intérieurement et extérieurement à Dieu seul, alors que l’obéissance aux supérieurs ecclésiaux et civils est conditionnée par rapport à leur propre autorité sur la communauté qu’ils dirigent et dont ils seront tenus responsables devant Dieu. C’est pourquoi il peut être nécessaire en conscience de refuser d’obéir à un ordre concret, sans remettre en cause l’institution des supérieurs ecclésiaux (Thomas d’Aquin, S. Th. II-II q. 104 a. 5). Quand saint Paul a frontalement résisté à Saint-Pierre – qui était clairement son supérieur hiérarchique – il ne s’agissait pas d’une correction fraternelle relevant du domaine privé, mais plutôt d’une défense publique de la foi dans sa plénitude et à la lumière de ses conséquences intérieures et extérieures. Puisque, en matière de défense de la foi, tous les apôtres et les évêques ont les mêmes responsabilités, saint Paul lui-même pouvait, en tant qu’apôtre, corriger publiquement l’apôtre saint Pierre sur un pied d’égalité, sans remettre en question la charge qui lui avait été confiée par Christ. (Thomas d’Aquin, S. Th. II-II q. 33 a. 4)
« Se croire en tout point meilleur que son supérieur semble bien venir d’un orgueil présomptueux. Mais penser qu’on l’emporte sur un point n’a rien de présomptueux, parce qu’en cette vie personne n’est sans défauts. Et il faut bien remarquer aussi que celui qui avertit charitablement son supérieur ne s’estime pas pour autant meilleur que lui ; mais il rend service à celui qui “court un péril d’autant plus grand qu’il occupe un rang plus élevé ”, comme le dit S. Augustin (Epître 211) » (voir Ibid, II-II q.33 a.4 ad 4).
Disons seulement cela de la mode actuelle chez les ignorants qui consiste à diviser l’Église en deux camps – les ennemis du Pape et les amis du Pape – comme si la relation personnelle-privée avec un Pape particulier était le fondement de la primauté romaine quant à la doctrine de la foi et de la morale, et étant donnée la communiun hiérarchique des évêques avec le Pape.
La papauté est de droit divin et n’est donc pas fondée sur le nombre de followers sur Facebook ni sur l’approbation inconstante des journalistes et opportunistes.
La distinction claire que fait saint Paul entre la foi en Dieu et le paganisme ne doit pas être contournée : parce que les gens "échangeaient la gloire du Dieu immortel contre des images ressemblant à un être humain mortel ou à des oiseaux ou à des animaux à quatre pieds ou à des reptiles....ils échangeaient la vérité sur Dieu contre un mensonge et adoraient et servaient la créature plutôt que le Créateur." (Rom. 1:23 seq.)
L’adoration de Dieu est la véritable théologie de la libération:: la libération de la peur, de l’effroi et de l’insécurité qui nous viennent du monde matériel et de nos frères les hommes. Et ce n’est qu’avec l’aide de l’Évangile et de la grâce du Christ qu’une culture peut développer son influence positive et se libérer de la puissance du mal.
Objectivement, l’idolâtrie et la superstition sont les plus grands péchés de tous, basés sur une confusion entre le Créateur et la créature (Thomas d’Aquin, S. Th. II-II q. 94 a. 3.), qui ne peut être dépassés que par l’hérésie de ceux qui ont déjà reçu la vraie foi par la proclamation de l’Église, contrairement aux païens qui, sans leur propre faute, ne connaissent pas encore l’Evangile.
Sur la tombe de saint Pierre, la religion catholique doit toujours rayonner la vérité et la clarté, car cet apôtre [Pierre], en ses disciples (ensemble avec tous les évêques et les fidèles), répond à la question : « Qui pense-tu-que je suis ? » : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » (Mt 16, 16). Et cela ne lui a pas été donné à partir d’un dialogue avec des gens du même avis, ou avec lui-même, mais plutôt par la Révélation du Père par le Fils. La Fides Petri [la Foi de Pierre] est le fondement de l’Église catholique. La Profession de Foi ne doit pas être sans cesse réinventée, adaptée à souhait ou réinterprétée comme cela semble nécessaire. La foi est la puissance de la Parole de Dieu dans le cœur de l’Église et n’est donc pas le fossile d’une pensée humaine obsolète. La Révélation est éternellement présente dans le Christ dans toute sa plénitude dans la Foi de l’Église. Nous ne pouvons pas épuiser cette source, jusqu’à ce qu’Il revienne à la fin des temps. Mais nous ne devons pas non plus vouloir l’améliorer par des corrections humaines supposées nécessaires. Ce serait la pire pollution environnementale, qui rendrait notre planète inhabitable. Si le Verbe incarné, qui était avec Dieu et est Dieu, n’habitait plus parmi nous et en nous, où y aurait-il encore de la place pour nous ?© leblogdejeannesmits pour la traduction.
© Olivier Figueras pour la photo.
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