Les 8 et 9 mai s'est tenu à Rome une série de conférences dans la cadre du Forum sur la vie, co-organisé par “Voice of the Family”, LifeSiteNews et Human Life International et, sur place, par “Famiglia Domani”. Je vous propose ici le résumé de ce qui s'est passé au synode extraodinaire d'octobre dernier par Matthew McCusker, membre de “Voice of the Family”, qui met très bien en relief la manière dont on a tenté de manipuler le synode – une entreprise partiellement réussie. – J.S.
Un peu plus tôt cette année,
Voice of the Family a eu l'honneur
d'accueillir Son Eminence le cardinal
Demeurer dans la vérité du
Christ à propos du sacrement de mariage, lors d'une réunion à Chester
le nord de l'Angleterre.
Raymond Burke, qui a donné une conférence
intitulée
Au cours de sa conférence Son
Eminence a eu la bonté de rendre hommage au travail de Voice of the Family ; en particulier, il nous a remerciés
d'avoir rendu compte avec exactitude des travaux de la session de 2014 du
Synode des évêques.
Cette phrase du cardinal Burke met
l'accent sur ce qui est sans doute l'élément le plus essentiel du travail de Voice of the Family : la
communication de la vérité, à la fois la vérité de l'enseignant de
l'Eglise sur les questions relatives à la vie humaine, au mariage et à la
famille, et la vérité sur ce qui se passe aujourd'hui dans l’Eglise. La
connaissance de la vérité est le fondement de tout jugement prudent et de toute
action prudente et efficace.
Dans cette présentation j'ai
l'intention de donner un bref aperçu des événements qui ont précédé le synode
extraordinaire d'octobre 2014 et de ceux qui l'ont suivi.
Le 17 mars 2013, quatre jours après son élection au siège de
Pierre et au cours de son premier Angélus sur la place Saint-Pierre, le
Saint-Père a attiré l'attention sur un livre récemment publié par le cardinal
Walter Kasper, et il en a fait un éloge remarqué :
« Ces derniers jours j'ai pu
lire un livre par le cardinal le cardinal Kasper – un théologien de talent, un
bon théologien – sur la miséricorde. Et il m'a fait beaucoup de bien, ce livre
– mais ne pensez pas que je fais la publicité pour les livres de mes
cardinaux ! Ce n'est pas le cas ! Mais il m'a fait du bien, tant de
bien. »
Cela fait un grand nombre d'années
que le cardinal Kasper proposer le changement de l'enseignement d'Eglise sur la
réception de la Sainte Communion par les divorcés remariés, et le livre en
question, La miséricorde : notion
fondamentale de l'Evangile : clé de la vie chrétienne, fait également la promotion de beaucoup de thèses qui posent
problème, et qui sont à la racine de ses prises de position en faveur de tels
changements.
Parmi ces thèses – mais ce ne sont
pas les seules – il y a la manière dont Kasper présente la nature de la justice
et de la miséricorde, sa théologie de la justification, et plus gravement
encore, sa vision même de la nature de Dieu. Le fait que le pape François ait
pu parler de Kasper et de son nouveau livre en de tels termes a gravement
préoccupé de nombreux catholiques.
Le 8 octobre 2013 le Saint-Père a
annoncé que deux synodes allaient permettre de discuter des questions des défis
pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation : ce synode
devait être organisé par le secrétariat général du Synode avec à sa tête le
cardinal Lorenzo Baldisseri. Le 26 octobre de secrétariat a envoyé un
questionnaire à toutes les conférences épiscopales invitant les catholiques à
tous les niveaux de l'Eglise à faire connaître leur opinion sur les matières
relatives au mariage et à la famille.
Cet article prenait la défense de
l'enseignement irréformable de l'Eglise selon lequel un mariage sacramentel,
ratifié et consommé ne peut être dissous par aucune puissance sur cette terre, tandis
que les personnes divorcées qui ont contracté une union civile ne peuvent
recevoir ni le sacrement de pénitence ni la sainte communion sans une véritable
repentance et l’amendement de leur vie. Cet article de Müller indique
clairement son inquiétude à propos de la direction qu’allait prendre le synode,
dès ce stade très précoce.
Bien évidemment, le cardinal
Reinhardt Marx, président de la Conférence épiscopale d'Allemagne et membre du G9
du pape François a déclaré que le cardinal Müller ne serait pas en mesure « d'arrêter
le débat » ; au synode « tout allait être discuté », et à
ce moment-là il « n'était pas possible de savoir quel seraient les
résultats du débat ».
Il s'agit là d'indicatiosn très
précoces montrant que la question de la Sainte Communion pour les divorcés
remariés était déjà à l'ordre du jour du synode.
Si un doute subsistait à ce sujet,
il a disparu le 20 février 2014 lorsque le cardinal Kasper s'est adressé au consistoire
des cardinaux qui avait été réuni dans le but précis de préparer le synode à
venir. Dans son allocution il a plaidé pour que les divorcés remariés puissent
communiquer sans amender leur vie au préalable, et il a proposé des
justifications potentielles au secours de cette pratique. Il dit également ne
pas exclure que « le dernier mot serait donné au synode, en accord
avec le pape ».
Nombre de comptes-rendus indiquent
qu'il y eut une forte opposition à la proposition de Kasper de la part des
autres cardinaux présents. Le cardinal Ruini, vicaire émérite de Rome, assure,
dit-on, que 85 pour cent des cardinaux présents ont pris le contre-pied de la
proposition de Kasper.
Celui-ci eut la possibilité de
répondre à ceux qui l’avaient critiqué et il a d'emblée dit clairement qu'il
n’agissait pas seul ni de sa propre initiative. Il dit au consistoire sa
reconnaissance à l’égard du Saint-Père,
qui lui avait fait confiance en le chargeant de ce rapport. Le père Lombardi,
porte-parole du Saint-Siège, déclarait alors à la presse que le Saint-Père
avait dit aux cardinaux que le problème de la communion pour les divorcés
remariés devait être abordé sans « casuistique ». Le père
Lombardi poursuivit en déclarant que l’allocution de Kasper était en « grande
harmonie » avec les paroles du pape.
Le lendemain, le pape François
devait faire l'éloge appuyé de l'allocution du cardinal Kasper. Il dit :
« Hier, avant de m’endormir, mais
non en vue de m’endormir, j'ai lu ou plutôt relu les remarques du cardinal
Kasper. Je voudrais le remercier car j’y ai trouvé une théologie profonde, et
des pensées de théologie sereine. Cela m’a fait du bien et j’ai eu une idée –
et pardonnez-moi si je vous mets mal à l’aise, Eminence, mais l’idée est
celle-ci : c’est ce qui s’appelle faire de la théologie à genoux. Merci.
Merci… »
Lorsque l’allocution du cardinal
Kasper fut publiée sous forme de livre un mois plus tard ces paroles du pape
furent publiées sous forme d’approbation sur la quatrième de couverture.
Cependant, si le cardinal Kasper
espérait que le soutien public du pape allait empêcher que ses propositions ne
rencontrent une forte opposition, il se trompait lourdement.
Au cours des semaines et des mois
qui suivirent nombre de publications d’importance allaient prendre de front ses
propositions ; la plus significative d’entre elles était un livre cosigné
par cinq cardinaux et quatre autres universitaires. Le livre : Demeurer dans la Vérité du Christ, mariage
et communion dans l’Eglise catholique, réfutait de manière systématique les
arguments mis en avant par le cardinal Kasper.
Kasper lui-même mena une intense
campagne en faveur de sa position, donnant de nombreuses et longues interviews
aussi bien à des religieux qu’aux médias.
Tout au long de cette période il a
clairement affirmé qu’il agissait en accord avec le pape.
Par exemple, le 26 septembre 2014,
quelques jours avant l’ouverture du synode, Kasper accorda une interview à Il Mattino où il déclarait :
« Je suis en accord avec lui
sur tout. Il était d’accord. Que peut faire un cardinal, sinon être avec le
pape ? »
Un peu plus loin, il confirmait de
nouveau :
« J’étais d’accord avec le
pape, je lui ai parlé deux fois. Il s’est montré content. »
Le Saint-Père lui-même a donné une
claire indication de sa propre vision des choses. Dans une interview accordée à
un journal argentin peu avant le synode on lui posa une question à propos de Demeurer dans la vérité du Christ. Le
journaliste lui demandé si ce livre était pour lui source de
« préoccupation », assurant que ce livre était – je cite –
« critique quant à vos positions ».
Le Saint-Père ne rejeta pas la
suggestion selon laquelle il était en accord avec le cardinal Kasper ; il
répondit plutôt : « Chacun a quelque chose à apporter. J’ai même
plaisir à débattre avec les évêques très conservateurs, mais bien formés sur le
plan intellectuel. »
Il poursuivit :
« Le monde a changé et
l’Eglise elle-même ne peut s’enfermer dans des interprétations supposées des
dogmes. »
Lors de son sermon d’ouverture du
synode le pape François dénonça « les mauvais pasteurs qui font peser des
fardeaux insupportables sur les épaules des autres, alors qu’ils ne bougent pas
un petit doigt pour les soulever ». Et de poursuivre encore :
« Les assemblées synodales ne sont pas faites pour discuter d’idées belles
et intelligents, ni pour voir qui est le plus intelligent. »
La première session du Synode se tint
le lundi 6 octobre et très rapidement il devint évident que les événements se
déroulaient conformément à un ordre du jour préétabli.
De fait, nous avions été mis en
garde à ce propos. Le 20 septembre le journaliste Marco Tossati écrivait dans La Stampa qu’un cardinal resté anonyme avait
expliqué de quelle manière le synode allait être manipulé en vue d'obtenir le
changement de l'enseignement de l'Eglise sur la question de la communion pour
les divorcés remariés.
Tosatti donnait les trois éléments
de ce plan.
Premièrement : s’assurer que
toutes les interventions écrites soient soumises bien à l'avance. C’était déjà fait
au moment où l'article de Tosatti a été publié.
Deuxièmement : lire tous les
présentations avec attention pour pouvoir s’assurer qu’avant une intervention jugée
« problématique » il y eût toujours un autre père synodal pour parler
au préalable et répondre aux points qui allaient être soulevés.
Troisièmement, empêcher certains pères
synodaux de parler au motif qu’ils avaient dépassé leur temps de parole.
Nous ne savons pas exactement ce
qui a été dit dans la salle du synode, car pour la première fois dans
l'histoire récente des synodes, les interventions des Pères synodaux restèrent
secrètes. Toute communication entre les Pères synodaux et le public se faisait
par le truchement de conférences de presse quotidiennes et par des points
presse organisés par la salle de presse du Saint-Siège. Des membres de l'équipe
Voice of the Family ont assisté à chacun de ces rendez-vous.
Nous sommes tous pleinement d'accord avec l'affirmation du cardinal Burke selon
laquelle l'information été manipulée de manière à mettre l'accent sur une seule
position, au lieu de rapporter fidèlement les diverses positions qui avaient
été exprimées.
Cette manipulation s’est le plus
évidemment manifestée dans la relatio
post disceptationem publiée à mi-parcours du Synode. Ce document
d'étape, supposément basé que les interventions des Pères synodaux, était,
pour reprendre les mots du cardinal George Pell, « tendancieux et faussé »,
et pour reprendre ceux du cardinal Wilfrid Napier, archevêque de Durban, le
document était « pour ainsi dire irrattrapable », il « ne
correspond en rien à ce que nous disons ».
Ce rapport d'étape à clairement
montré que le but des radicaux n'était pas simplement de faire accéder un
certain groupe à la communion, mais plutôt de lancer une attaque portant sur
l'ensemble de l'édifice de l'Eglise sur les questions de la vie du mariage et
de la famille. Faire une analyse complète de ce document dépasse le cadre de
cette présentation, mais la situation a été bien résumée par le cardinal Burke :
« Le synode s'est retrouvé
entre en train de s'occuper, d'une manière confuse et parfois erronée, de
pratiques qui contredisent l'enseignement constant de l'Eglise et sa pratique à
l'égard du mariage sacrement du mariage. Je me réfère à des pratiques qui
donneraient accès aux sacrements à ceux qui vivent dans un état public
d'adultère, et qui justifieraient, d'une certaine manière, la cohabitation
conjugale en dehors du sacrement de mariage, et les relations sexuelles entre
les personnes de même sexe. »
Il décrivit le rapport d'étape
comme « un manifeste, une sorte d'incitation à aborder une nouvelle
manière des questions fondamentales de la sexualité humaine au sein de l'Église ».
Le cardinal George Pell
exprimait un point de vue semblable lorsqu’il a expliqué qu'il y avait des
éléments radicaux au sein de la hiérarchie qui utilisaient la question de la
communion pour les divorcés remariés comme un « cheval de Troie ». Ce
qu'ils recherchaient vraiment, dit le cardinal Pell, c'est l'acceptation de la
cohabitation et de l’union de couples de même sexe.
Il ne faut pas s'étonner dès lors
si les médias du monde entier ont qualifié ce document de « révolution »
à l'intérieur de l'Eglise.
Il y eut cependant une opposition
significative à ce document parmi de nombreux pères synodaux et cela s'est
manifesté lorsque les pères se sont réunis en petits groupes pour discuter
autour du texte. Chacun de ces petits groupes devait produire un rapport
demandant que des amendements soient apportés.
Le matin du jeudi 16 octobre le
cardinal Baldisseri a annoncé que les rapports de ces petits groupes ne seraient
pas publiés, ce qui constituait une nouvelle rupture par rapport à la pratique
antérieure. Son annonce a provoqué un tollé au sein de la salle du synode. Les
comptes-rendus indiquent qu'un nombre significatif de Pères synodaux, conduits
par le cardinal Pell, demandaient que les rapports soient publiés, ce qui a été
accordé dit-on, par un hochement de tête du Saint-Père après quelque quinze
minutes.
Le cardinal Burke a expliqué combien
la publication de ces rapports était nécessaire : « Il était essentiel
que le public puisse connaître, à travers la publication de ce rapport, que la relatio est un document qui comporte de
graves irrégularités et n'exprime pas de manière correcte l'enseignement et la
discipline de l'Eglise et même, sous certains aspects, elle propage l'erreur
doctrinale et une approche pastorale fausse. »
La publication des rapports des
petits groupes a permis d’assurer le report d'amendement significatifs dans le
texte du rapport final du Synode. La relatio
synodi finale contient de nombreuses réaffirmations de l'enseignement catholique
sur une partie des questions clef, mais pas sur toutes.
Ainsi le rapport d’étape déclarait
que « les unions entre personnes de même sexe ne peuvent pas être mises
sur le même pied que le mariage entre l'homme et la femme ». Cette
déclaration pouvait évidemment être interprétée comme voulant dire qu'il y
avait au moins une manière de les considérer comme légitimes.
Le rapport final d’un autre côté, cite
l'enseignement antérieur de l'Eglise lorsqu'il dit qu’« il n'y a
absolument aucune raison pouvant justifier que l'on considère les unions
homosexuelles comme ressemblant de quelque façon que ce soit, fût-ce par une
analogie lointaine, au plan de Dieu pour le mariage et la famille ».
Bien que ces modifications soient
évidemment très positives Voice of the
Family considère que les deux document son essentiellement entachés des
mêmes problèmes de fond et que la relation
synodi, bien qu'améliorée, demeure inacceptable.
Nous savons, parce que le cardinal
Baldisseri l'a confirmé, que le Saint-Père a lu et approuvé tous les documents
produits à toutes les étapes du processus synodal.
Le synode extraordinaire sur la
famille s'est achevé le samedi 18 octobre dans son allocution finale au Pères
synodaux le pape François a condamné ce qu'il a pu appeler :
« La tentation du
raidissement hostile, c’est-à-dire vouloir s’enfermer dans ce qui est écrit (la
lettre) et ne pas se laisser surprendre par Dieu, par le Dieu des surprises
(l’esprit) ; à l’intérieur de la loi, de la certitude de ce que nous
connaissons et non pas de ce que nous devons encore apprendre et atteindre.
Depuis l’époque de Jésus c’est la tentation des zélés, des scrupuleux, des attentifs
et de ceux qu’on appelle – aujourd’hui – “traditionalistes” et aussi des
intellectualistes. »
Il critiquait ensuite les défauts
de ceux qu'on appelle les progressistes et libéraux, qu’il accusait de panser les
plaies sans d'abord les guérir et de traiter les symptômes et non pas les
causes et la racine des problèmes des gens. Mais il revenait ensuite sur ceux
qui, je cite, « transforment le pain en pierre et le jette contre les
pêcheurs, des faibles, les malades, en le transformant en fardeau insupportable ».
Il est compréhensible, vu le
contexte de ces remarques et le contenu des débats au cours du Synode, que de
nombreuses personnes aient pu interpréter les paroles du Saint-Père comme une
critique à l'égard de ceux qui défendent la doctrine catholique face à la
menace du plan radical mis en avant par le cardinal Kasper et d'autres prélats de
haut rang.
Je conclus en citant cette courte
réflexion du cardinal Burke lors d'une interview donnée au Catholic News Service
après la fin du synode : « En peu de temps combien sommes-nous
descendu, combien nous sommes-nous éloignés de la vérité de notre foi et de la
vérité de la loi morale dans la société en général. Mais le fait que cette que
ce type de questions soient aujourd'hui sérieusement en discussion au sein de
l'Église devrait nous choquer tous, et nous éveillé à la nécessité, aujourd'hui,
de donner un témoignage héroïque de la vérité et de l'indissolubilité du
mariage face aux attaques qui émanent de l'intérieur de l'Eglise elle-même. »
Il poursuivait : « Le fait
même que matières aient fait l’objet de discussions et aient été remises en
question par les présidents de conférences épiscopales, par les chefs des
dicastères de la Curie romaine, et par d'autres personnes spécialement nommés
par le Saint-Père pour le synode, a été la cause d'une confusion terrible et pourrait
même induire les fidèles en erreur à l'égard de renseignements sur le
mariage et à l'égard d'autres renseignements. Depuis la fin du Synode la
confusion au sein de l'Église ne fait que se renforcer et les menaces contre la
famille se sont étendues. »
Matthew McCusker
(Traduction : Jeanne Smits.)
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