09 août, 2014

Savulescu : l'homme doit pouvoir modifier le monde

Julian Savulescu, professeur à Oxford, fait partie de ces bioéthiciens qui veulent changer l'humanité par la sélection génétique. Mais il ne s'arrête pas là. Pour lui, la meilleure façon de combattre les effets du « réchauffement climatique » est de changer – littéralement – la planète où nous vivons. C'est sur le blog Practical Ethics qu'il préconise la géo-ingénierie afin de changer la structure de l'environnement pour le rendre plus habitable.

Pour ce faire, il faudrait, dit-il, introduire fourmis, sulfate de fer et arbres artificiels pour piéger le carbone.

Sa manière d'argumenter ne manque pas d'intérêt : Savulescu pose le principe selon lequel on peut bien vouloir récuser la géo-ingénierie, parce qu'elle trafique la nature, mais qu'on le fait quand même déjà, et à grande échelle. Par exemple, en balançant des tonnes de carbone dans l'atmosphère : le réchauffiste, ne l'oublions pas, pense que cela change profondément l'environnement. Ne serait-ce pas de l'ingénierie, sous prétexte que les effets produits ne sont pas volontaires ?

Savulescu rétorque en écrivant : « Imaginons que nous vérifions que l'œstrogène des contraceptifs ou des médicaments anti-psychotiques soit en train d'affecter les lignées bactériennes ou des facteurs épigénétiques, affectant par là-même la vie des générations futures? Personne ne pourrait valablement s'excuser en disant : “Mais nous n'avions pas l'intention de modifier la lignée bactérienne, alors on ne peut pas parler de bio-ingénierie humaine.” Quel que soit le nom qu'on lui donne, le fait de l'autoriser ne dépendrait pas de savoir si les effets étaient intentionnels ou non, mais de leur nature et de leur importance. »

C'est intéressant – car justement on sait que le déversement d'hormones dans les cours d'eau affecte les poissons, ce qui laisse deviner que leur utilisation ou leur absorption involontaire par les êtres humains ne sera pas sans conséquences graves.

Julian Savulescu poursuit cependant son argumentation en posant qu'il nous appartient de déterminer quel est le « meilleur » climat à vouloir promouvoir au moyen de l'ingénierie humaine. Accepter l'idée qu'il faut œuvrer au nom de la justice. Abandonner le relativisme qui ne voit que la valeur de la différence et non plus la beauté et le bien objectifs.

Qu'un bioéthicien commence à raisonner en terme de bien et de mal, c'est assez rafraichissant.

Dommage que dans le même mouvement, en rejetant l'idée de bricoler l'être humain par la génétique pour obtenir une amélioration incertaine et des souffrances possibles pour les individus qui en naîtraient, Julian Savulescu préconise la sélection des embryons aux meilleurs profils génétiques – après tout, ceux qui ne voient pas le jour ne le sauront jamais et n'en souffriront pas, dit-il en substance.

La bioéthique moderne n'a pas de base, de fondement, de colonne vertébrale, de principes sûrs : voilà son problème.

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