30 juillet, 2014

Le Royaume-Uni se dote d'une “Banque centrale du sperme”

Le Royaume-Uni vient de se doter d’une Banque nationale de sperme en vue de mettre fin à la pénurie de gamètes dont souffre le système de santé (socialisé) du pays. Le mot « banque » est bien choisi : il n’est pas seulement question de financement, mais encore de vente, d’acheminement, de marketing, de recrutement amélioré des donneurs potentiels. Avec cela on a certes à peu près tout dit – de la logique marchande à la réification de l’être humain le chemin est bien balisé – mais l’affaire mérite un coup d’œil plus affiné.
Il s’agit d’abord de la première Banque nationale de sperme au monde : le Royaume-Uni se voit ici comme pionnier dans le développement d’un système destiné à mieux répondre à la demande des « milliers » de patients ou de couples qui, surtout au sein de la NHS (National Health Service, ou service national de la santé) se heurtent à la pénurie.
C’est le National Gamete Donation Trust (Fondation nationale pour le don de gamètes, NGDT) qui a engagé des fonds pour permettre la mise en place d’un projet ; c’est en juillet 2014 que le Département de la Santé britannique a choisi de les utiliser pour doter la Banque nationale de sperme en partenariat avec le Birmingham Women’s Hospital. Elle sera opérationnelle en octobre, annonce-t-on.
Pourquoi Birmingham ? Parce qu’il s’agit d’une ville centrale, avec une population importante, jeune et métissée, assure l’une des membres du NGDT, Natasha Canfer, dans Bionews. La Banque sera au centre d’un dispositif semblable à une roue, chargée de coordonner les activités d’autres banques qui rayonneront autour de son axe, aussi bien pour la fourniture d’informations, le recrutement de donneurs qui pourront être testés sur place, que la conservation des cellules reproductrices.
Pour Natasha Canfer, elle-même utilisatrice de la procréation artificielle avec donneur de sperme, qui a expérimenté aussi bien le circuit privé que le circuit public, la centralisation du don de sperme n’a que des avantages. Aujourd’hui, explique-t-elle, la demande est à la hausse alors que la pénurie sévit partout dans le royaume – et surtout dans les cliniques de la NHS. Les solutions actuelles se résument à l’inscription sur une liste d’attente, au recours à des circuits de dons non contrôlés, à l’importation, au voyage à l’étranger pour obtenir la procédure de procréation médicalement assistée ou à son arrêt pur et simple.
De fait, les médias ont souligné à diverses reprises que les Britanniques sont devenus dépendants des importations de sperme danois, mais ce n’est pas, assure Natasha Canfer, seulement une question fascination pour les beaux mâles danois. C’est que le Danemark a su se doter des bonnes « infrastructures » à la fois dans le domaine du recrutement que dans celui de l’accueil des clients – qu’il s’agisse des donneurs ou de celles qui cherchent à concevoir. Que manque-t-il aux Britanniques ? Dans la plupart des cliniques, ce sont la technique de vente bien huilée et une bonne stratégie de marketing qui n’ont pas été considérées comme des priorités.
L’existence d’une Banque nationale assurera à ceux qui ont besoin d’acheter du sperme l’accès facile à l’information sur les donneurs disponibles, ainsi qu’un processus de commande et de livraison efficace. La VPC de la PMA en somme…
Mais alors pour tous. La Banque nationale devra remplir son objectif qui est d’assurer à « tous » un accès sûr, équitable et plus important à un sperme de qualité élevée et constante, grâce à une coordination nationale indispensable, selon un groupe de travail de la British Fertility Society, pour que l’égalité des patients soit effective. Pour cela, il faudra d’abord augmenter le nombre de donneurs.
Le but est de les valoriser comme participants à la conception d’une nouvelle vie, de « quelqu’un qui aura le spectre complet des émotions et des sentiments » ; la nouvelle Banque fonctionnera dans le « respect » des donneurs qui seront systématiquement honorés et remerciés pour leur altruisme. La régulation publique permettra également aux enfants nés de ces techniques de bénéficier de ce que l’on est tenté d’appeler la « traçabilité » de leurs origines, puisque le don de sperme, au Royaume-Uni, n’est ni obligatoirement gratuit ni anonyme.
En outre, se félicite Mme Canter, la centralisation – qui est une forme de nationalisation – du don de sperme permettra de limiter le nombre de demi-sœurs et de demi-frères nés d’un même donneur, puisque le nombre de familles pouvant bénéficier des dons d’un seul homme sera limité à dix.
C’est une systématisation publique de la polygamie. 

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