Il n'y aurait pas particulièrement de raison de publier ici la nécrologie de Dominique Venner, qui s'est donné la mort mardi au pied de l'autel de Notre-Dame de Paris, si la « grande » presse n'avait lié son suicide au combat contre le « mariage pour tous », le présentant comme un militant de cette cause dont le but aurait été d'attirer l'attention sur elle.
L'historien et homme de culture qu'était Dominique Venner avait en effet clairement affirmé sa condamnation du « mariage » des homosexuels.
Mais les articles et les lettres qu'il a laissés en prévision de sa mort montrent que là n'était pas le détonateur de son geste, et qu'il ne se reconnaissait pas dans les mouvements et la manière de la Manif pour tous. Il a dit chercher avant tout à attirer l'attention sur le « Grand remplacement » qui par l'arrivée massive de populations immigrées non européennes sur le Vieux Continent.
Et il en accusait notamment l'Eglise.
Pour clarifier, donc, voici ce que j'ai écrit hier dans Présent. – J.S.
On hésite, pour cette première nécrologie dans Présent de l’historien et essayiste qui s’est suicidé mardi après-midi, à accoler une croix à son nom. Pourtant, né sur une terre chrétienne, passionnément amoureux de cette terre, chrétienne en quelque sorte malgré lui, Dominique Venner est aujourd’hui face à Dieu. Le sien comme le nôtre. Qu’on l’honore ou qu’on le répudie. Et parce que ce Dieu est miséricorde, et à défaut de faire l’éloge de ce geste mortel dont Dominique Venner a voulu faire un message, nous disons en l’implorant : « Requiem aeternam dona ei Domine, et lux perpetua luceat ei. »
Parce qu’il nous est demandé de prier pour « ceux qui ont le plus besoin » de la miséricorde. Parce que, si Dominique Venner revendiquait son paganisme et voyait en la religion de Jésus-Christ la cause de la décadence de notre Europe, il était aussi un homme de courage et d’engagement, qui a payé de sa personne contre le déshonneur de l’abandon de l’Algérie – emprisonné en 1961 pour avoir rejoint l’OAS – et qui a placé ses convictions au-dessus de son confort personnel.
Dominique Venner, âgé de 78 ans, avait minutieusement préparé son ultime défi « joué » sur les marches de l’autel de Notre-Dame de Paris. Il venait de confier, dimanche dernier, la Nouvelle Revue d’Histoire dont il assurait jusqu’alors la direction à Philippe Conrad. Dans le numéro de janvier-février de la NRH, il annonçait déjà son suicide à mots couverts : « Sous sa forme illustrée par les samouraïs et les “vieux Romains” », la mort « peut constituer la plus forte des protestations contre une indignité autant qu’une provocation à l’espérance ».
Ce fut donc une mort médiatique, minutée, organisée pour faire le plus de bruit possible. Mardi, Dominique Venner venait de déjeuner avec ses amis Philippe Conrad, l’historien, Bernard Lugan l’africaniste et Jean-Yves Le Gallou, ancien du FN qui dirige aujourd’hui la fondation Polemia : ils ne remarquèrent rien d’inhabituel. Leur émission sur Radio Courtoisie était programmée pour 18 heures dans l’après-midi.
Vers 16 heures, Dominique Venner, qui était entré dans le cœur et dans le chœur de la cathédrale Notre-Dame, haut lieu de la chrétienté française, portant un vieux pistolet belge à un coup , s’est approché de l’autel. Il y a posé une lettre – il en portait trois autres sur lui. Debout sur les marches, il s’est tiré une balle dans la bouche. Le prêtre qui confessait alors dans la cathédrale a accouru pour l’assister ; il était cependant trop tard pour lui donner les derniers sacrements. On évacua la cathédrale. Dix minutes plus tard, les grands médias répercutaient déjà la nouvelle.
On peut s’extasier, comme je l’ai entendu sur Radio Courtoisie où Conrad, Lugan, Le Gallou puis Henry de Lesquen se sont retrouvés pour évoquer, bouleversés, l’ami, l’intellectuel, l’historien, le nationaliste disparu, sur son « sacrifice héroïque », son « message de volonté et de grandeur », son « sens du sacrifice et son sens du sacré ». Avant de lancer – inévitablement – Le Crépuscule des dieux dirigé par Karajan, en hommage au défunt.
Il est certain que Dominique Venner ne croyait pas en Dieu, ni même en ses dieux, ni en l’au-delà, et qu’il adorait (puisqu’il faut bien adorer !) notre terre d’Europe et son histoire préchrétienne. Qu’il a choisi de mourir, comme il l’a dit, « comblé d’amour » par sa femme et ses enfants, attaché donc à cette vie qu’il a volontairement déposée :
« J’offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales. »
Mais comment ne pas voir en ce « sacrifice » revendiqué une contrefaçon du vrai Sacrifice offert par le Christ non pour la grandeur des hommes, d’une race, d’un orgueil dressé, et encore moins pour conjurer une désespérance mortelle, mais pour déverser la miséricorde de son Père sur les pécheurs, les plus grands et les plus petits, pour ouvrir à chacun mais d’abord aux plus humbles la vraie patrie qui est l’héritage commun des enfants de Dieu.
L’intellectuel que fut Dominique Venner, passionné d’armes et de chasse, défenseur des droits des peuples chez eux, ami de la première heure de la Nouvelle Droite, homme courtois mais toujours prêt à croiser le fer pour dénoncer l’Eglise, a voulu quant à lui susciter un sursaut national à la manière d’un Mishima, avec autant de recherche et de minutie, de romantisme et même de grandiloquence, en dénonçant une dernière fois toutes les complicités qui aujourd’hui mettent la France et l’Europe en risque de soumission à l’étranger ; l’étranger islamique particulièrement.
Sur son blog, mardi matin, il avait parlé de la manifestation du 26 mai contre la loi sur le mariage, « loi infâme », qui pourra bien être supprimée un jour, par l’islam : « Il faut bien voir qu’une France tombée au pouvoir des islamistes fait partie des probabilités. » Non sans accuser l’Eglise d’y avoir, avec le patronat et « tous les partis sauf le FN », « travaillé activement ».
Et d’ajouter : « Il ne suffira pas d’organiser de gentilles manifestations de rue pour l’empêcher… Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines. »
Dominique Venner a-t-il consciemment choisi le sacrilège et la profanation que constitue un crime de sang dans un lieu sacré, au cœur de ce lieu sacré ? L’ultime accusation qu’il a lancée contre l’Eglise, et son mépris affiché pour la voie du Christ, semblent l’indiquer. Mais nous ne sondons ni les reins ni les cœurs.
Il nous appartient seulement de dire que son exemple n’en est pas un, car c’est un chemin de révolte et d’idolâtrie. Et de noter qu’après une messe de réparation célébrée par Mgr Beau sur l’autel profané, une veillée pour la vie a rassemblé des milliers de personnes au pied de la Vierge en cette cathédrale suscitée par la foi et construite par amour ; à l’invitation des évêques présents, on chanta un Ave pour l’âme de Dominique Venner.
C’est tout le paradoxe : il s’est assuré, sans le vouloir, des prières que jamais il n’aurait obtenues en mourant dans son lit.
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