Bioéthique : des elus se mobilisent
Affaire hautement symbolique et de principe, disions-nous dans Présent du 13 mai : il y a malgré tout une différence conceptuelle très grande entre l’interdiction assortie de dérogations qui est le régime français depuis 2004, et l’affirmation d’un « droit » à l’expérimentation destructrice sur l’être humain, fût-il encadré et limité.
C’est pourquoi il faut, me semble-t-il, saluer cette mobilisation faite derrière Dominique Souchet, élu MPF, ce qui n’empêche pas d’en souligner les limites. Ces députés qui osent aller contre l’industriellement correct – ils s’en expliquent dans leur tribune – ne veulent ou ne peuvent mener une action totalement cohérente contre le mépris de l’enfant à naître, qui supposerait de s’attaquer à la fois au « droit » à l’avortement et au « droit » à la procréation médicalement assistée (PMA) qui à la fois fournit les embryons à la recherche et les détruit en grand nombre. Politiquement suicidaire : on ne touche pas à la loi Veil et on évite d’encourir l’accusation d’idéologie sectaire qui s’abattrait immanquablement sur tout politique qui demanderait, par exemple, une interdiction ou un encadrement draconien du recours à la fécondation in vitro.
Ce qu’il y a d’excellent dans la démarche des députés, c’est leur franchise quant à la gravité des nouvelles « transgressions » introduites dans le texte par le Sénat, pour la plupart « avalisées contre toute attente » par la commission spéciale de l’Assemblée, et le rappel de leur opposition absolue à la recherche sur l’embryon dès lors quelle aboutit à sa « destruction ». C’est, en creux, l’affirmation de la nature particulière de l’embryon qui n’est en aucun cas un simple amas de cellules. Préserver cette reconnaissance, pour ténue qu’elle soit, dans le droit français, c’est aussi laisser en place un socle juridique pour détricoter, demain, toutes les abominables atteintes à la vie humaine innocente que la loi permet au nom d’autres droits, mais dans une réelle schizophrénie.
Les 48 élus accusent également sans crainte le « lobbying » en cours pour obtenir un principe d’autorisation revendiqué au nom de la science.
« Au-delà des motifs idéologiques, les intérêts financiers qui sont en jeu derrière cet acharnement ne doivent pas être occultés. Le lobby des grandes entreprises du médicament (LEEM) n’a cessé de chercher à influencer discrètement gouvernement et législateur en faveur d’une suppression du principe d’interdiction. Le LEEM indiquait clairement, dans un document de novembre 2010, que “les industriels du médicament s’engagent aux côtés des chercheurs pour une révision de la législation sur la recherche sur les cellules embryonnaires”. Plusieurs responsables d’industries biotechnologiques ont souligné les avantages que présente pour les firmes pharmaceutiques la recherche sur l’embryon humain, du fait qu’il est gratuit et que ses cellules peuvent être utilisées directement comme modèle humain. Pour l’industrie, l’embryon humain permet de supprimer l’étape longue et coûteuse du modèle animal, d’éviter l’achat de cellules animales et de réduire significativement le coût et la durée des essais nécessaires à la modélisation des nouvelles molécules », affirme la tribune.
Ironie des choses : comme le rappellent les élus, l’Union européenne protège les embryons, elle – mais les embryons animaux : « La directive du 22 septembre 2010 fixe comme objectif aux Etats membres le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques par des approches alternatives, le texte visant aussi bien les animaux nés que “leurs formes embryonnaires et fœtales ”. » On croit rêver. Comment ne pas y voir un sarcasme satanique ?
Mais pourquoi, alors, s’arrêter en chemin ? Il y a comme une peur d’appeler les choses par leur nom, un refus nerveux de laisser croire que l’on pourrait vouloir aller plus loin, politiquement et publiquement, dans la défense de la vie. Un fait récent devrait pourtant faire réfléchir : une étude américaine révèle que pour obtenir une naissance vivante à l’issue d’une procédure de fécondation in vitro (FIV), le nombre « idéal » d’embryons à fabriquer est de 15. Cela laisse de la place pour le déchet, l’élimination des moins « beaux » par le technicien, la congélation à l’avenir hypothétique, et en bout de procédure, la récolte de « surnuméraires » pour la recherche. Dans le monde politique, personne ne crie au scandale.
Il serait temps.
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