06 novembre, 2006

Equateur : les évêques toujours fermes devant l'avortement légal

Alors que le Congrès national équatorien vient d’adopter une réforme du Code de la Santé de ce pays, rendant en certains cas obligatoire le concours à l’avortement et niant le droit des parents, premiers responsables de l’éducation (y compris sexuelle) de leurs enfants), les évêques d’Equateur se sont mobilisés avec force. Ils ont rendu publique le 1er novembre la lettre qu’ils avaient adressée par le truchement du Président et du Secrétaire général de la Conférence épiscopale au président Wilfrido Lucero et à tous les membres du Congrès national, le 20 octobre, lettre d’un grand courage et d’une réelle précision. Le élus du Congrès ne les ont pas entendus, n’écoutant pas, en l’occurrence, la foi catholique qu’ils affichent, mais (comme l’écrivent les évêques dans leur communiqué de presse) « obéissant plutôt à des intérêts d’ordre économique, ou politique, ou des entreprises pharmaceutiques).

La loi adoptée par le parlement équatorien ne pourra entrer en vigueur qu’avec l’approbation du président de la République d’Equateur.

Je vous propose ci-dessous mon essai de traduction de cette lettre du 20 octobre, que les évêques ont rendue publique afin d’appeler « toutes les institutions, familles et personnes catholiques » à se mobiliser pour « éviter l’entrée en vigueur de cette loi ». Source : ici .


Monsieur le Président,

Nous, les évêques d’Equateur, réunis en Assemblée générale ordinaire, voulons vous faire part de notre profonde préoccupation après l’approbation qu’ont obtenue au Congrès National certains articles de la loi modifiant le Code de la Santé.

Sans entrer dans de multiples références, où se manifeste une vision anthropologique déficiente et une orientation éthique erronée, nous désirons souligner trois points :

1. Légalisation et obligation de l’avortement.

L’article 30 approuvé dispose : « Les services de santé, publics et privés, ne pourront refuser d’interrompre une grossesse, exclusivement dans les cas prévus par le code pénal. »

Bien qu’on ne donne pas la référence à l’article précis du code pénal, il faut supposer qu’il s’agit des cas signalés à l’article 447, où l’on indique que « ne sera pas punissable » l’avortement réalisé avec certaines autorisations, s’il est réalisé « pour éviter un danger pour la vie et la santé de la mère, si ce danger ne peut être évité par d’autres moyens ». L’autre cas non punissable est celui où la grossesse « résulte du viol où du dol commis sur une femme mentalement déficiente ou démente ».

Il paraît évident qu’entre le nouvel article approuvé et ce à quoi il renvoie au code pénal il y a un grand saut ; aussi grand que la différence entre la dépénalisation d’une conduite et son caractère obligatoire. L’adultère aussi a laissé un jour d’être une conduite délictueuse, mais ce n’est pas pour autant que l’on peut l’exiger de quiconque.

Nous comprenons qu’après avoir rejeté cette année plusieurs projets de loi visant à légaliser l’avortement dans certains cas, le Congrès national a alors accepté une proposition qui s’oppose à la loi de Dieu, la loi naturelle et la dignité des personnes. Mais priver de sa vie une personne innocente ne peut jamais être approuvé et encore moins imposé. Il y a certainement une prescription constitutionnelle qui l’interdit (voir art. 23,2).

D’autre part, la situation où l’on met un médecin de conscience chrétienne, ou ayant des convictions basées sur un véritable humanisme, implique une atteinte à sa liberté de religion, de pensée et de conscience. Avec une grande précision, c’est ce que signale la Convention interaméricaine sur les droits de le l’homme : « Toute personne a droit à la liberté de conscience et de religion… Nul ne peut faire l’objet de mesures restrictives qui puissent minimiser la liberté de conserver sa religion ou ses croyances. »

2. Obligation de la contraception (« anticonception » NdT) d’urgence

Les services de santé, conformément à l’article approuvé par le Congrès national, devront administrer un « anticonceptionnel d’urgence » dans les cas de « violence intra-familiale et sexuelle) (art. 32), ainsi qu’aux « femmes souffrant de maladies graves et incurables et aux personnes porteuses du sida-hiv et celles vivant avec le sida (art. 68).

Par « anticonceptionnel d’urgence » on entend habituellement la « pilule du lendemain », puissant anticonceptionnel aux effets multiples. Selon la littérature médicale, ce médicament peut empêcher la nidation d’un ovule déjà fécondé. Cela veut dire qu’en des circonstances données, il a un effet clairement abortif. C’est pour ce motif que le Tribunal constitutionnel lui refusa l’agrément (Résolution N ? 0014-2005-RA de la Troisième chambre, approuvée en mars 2006) et qu’on doit lui appliquer les considérations du numéro antérieur.

3. Violation de l’éducation

Certaines dispositions tendent à diminuer et à ignorer l’autorité des parents sur les enfants, dans un évident affaiblissement du noyau familial. Attire particulièrement l’attention la rédaction de l’art. 28, où en matière d’ordre sexuel et reproductif, de prévention des maladies et autres choses, on charge le « Ministère de l’Education et de la Culture, en coordination avec l’autorité sanitaire nationale, avec l’organisme étatique spécialisé de façon générique ou partielle », l’élaboration de « politiques et de programmes éducatifs de mise en œuvre obligatoire dans les établissements d’éducation au niveau national ».

Cette intention de substituer le jugement et l’autorité des pères de famille et des éducateurs par les décisions de quelques bureaucrates, par ailleurs identifiés de manière ambiguë, paraît être une intrusion d’ordre totalitaire dans des matières qui engagent leurs convictions éthiques et religieuses. Par là ce ne sont pas non plus peu de droits et de garanties constitutionnelles qui se retrouvent soumis à une violence inacceptable (cf. art 67,2 ; 68).

4. Respectueux appel

Nous faisons un appel respectueux mais ferme à la responsabilité des législateurs, qui sont nos représentants et ceux d’un peuple aux convictions chrétiennes, afin qu’on n’en arrive pas à approuver une législation si néfaste, offensante à l’égard de Dieu et des hommes de bonne volonté.

+ Nestor Herrera Heredia, président de la Conférence épiscopale équatorienne
+ Luis Antonio Sanchez, Secrétaire général de la Conférence épiscopale.

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