19 octobre, 2006

Avortement : le Portugal votera, l’Eglise s’engage

Quelques heures à peine après le vote par l’Assemblée de la République portugaise fixant la tenue d’un référendum sur la dépénalisation de l’avortement pendant les dix premières semaines de grossesse, le Conseil permanent de la Conférence des évêques du Portugal a publié une note pastorale. Celle-ci rappelle qu’un premier référendum ayant abouti au « non », le gouvernement socialiste a donc décidé de remettre la question devant le peuple, faute d’une participation suffisante la première fois pour rendre ce résultat constitutionnellement irréversible. Voici ma traduction de la note pastorale dans sa quasi intégralité.

« Nous, évêques catholiques, ressentons de la perplexité devant cette situation. D’autant plus que nous croyons, comme le fait l’Eglise depuis les premiers siècles, que la vie humaine, avec toute sa dignité, existe dès le premier instant de la conception. Parce que nous considérons la vie humaine comme une valeur absolue qu’il faut défendre et promouvoir dans toutes les circonstances, nous pensons qu’elle ne peut être sujette à un référendum et qu’aucune loi permissive ne respecte les valeurs éthiques fondamentales relatives à la vie, ce qui s’applique aussi à la loi déjà promulguée. Une hypothétique victoire du “non” lors du prochain référendum ne signifiera pas notre accord avec la loi en vigueur.

« Pour les fidèles catholiques l’avortement provoqué est un grave péché parce qu’il viole le 5e commandement de la Loi de Dieu, « tu ne tueras pas », et il en va de même quand cela est légalement permis.

« Mais ce commandement se borne à exprimer une valeur de la loi naturelle, fondement d’une éthique universelle. L’avortement n’est donc point, une question relevant uniquement de la morale religieuse, il relève de valeurs universelles de respect de la vie. Pour les croyants s’y ajoute le fait que, dans sa Loi, Dieu a confirmé que cette valeur universelle est sa volonté.

« Nous ne pouvons donc omettre de dire aux fidèles catholiques qu’ils doivent voter “non” et aider à éclairer d’autres personnes sur la dignité de la vie humaine, dès son premier instant. La période de débat et d’explication qui précède le référendum n’est pas une campagne politique quelconque, mais une période d’éclairage des consciences. Le choix, au jour du référendum, est une option qui relève de la conscience, qui ne doit pas être influencée par les politiques et les courants d’opinion. Nous, les évêques, nous ne nous engageons pas dans les campagnes de type politique, mais nous ne pouvons pas nous abstenir de contribuer à éclairer les consciences. Nous pensons particulièrement aux jeunes, parmi lesquels beaucoup voteront pour la première fois et pour qui la vie est une passion, et doit être une découverte.

« Aussi nous exposons, de manière simple, les raisons pour voter “non” et choisir la Vie :

1. L’être humain est tout entier présent dès le commencement de la vie, alors qu’il est encore à peine un embryon. C’est aujourd’hui une certitude confirmée par la Science : toutes les caractéristiques et potentialités de l’être humain sont présentes dans l’embryon. La vie, à partir de ce moment, est un processus de développement et de réalisation progressive, qui ne s’achèvera que par la mort naturelle. L’avortement provoqué, quelles que soient les raisons qui y conduisent, est toujours une violence injuste contre un être humain, qu’aucune raison ne justifie de manière éthique.

2. La légalisation n’est pas le chemin adéquat pour mettre un terme au drame de l’“avortement clandestin”, qui aggrave les traumatismes spirituels dans le cœur de la femme-mère qui interrompt sa grossesse, et les risques de santé inhérents à la précarité des situations où cet acte est consommé. Nous ne sommes pas insensibles à ce drame ; dans la confidentialité de notre ministère nous en connaissons les dimensions que personne d’autre ne connaît. La lutte contre ce drame social doit mobiliser tout le monde et passe par une planification équilibrée de la fécondité, par une aide décisive aux femmes pour qui la maternité est difficile, et par la dissuasion envers tous ceux qui interviennent subsidiairement dans le processus, souvent à des fins simplement lucratives.

3. Il ne s’agit pas d’une simple “dépénalisation” de l’avortement clandestin, mais bien d’une “libéralisation légalisée”, puisque l’on crée un droit civique de recours aux institutions de santé publique, qui ont pour objectif de défendre la vie et qui sont payées avec l’argent de tous les citoyens.

“Pénaliser” ou “dépénaliser” l’avortement clandestin est une question de droit pénal. Nous n’avons jamais fait de cela une priorité dans notre défense de la vie, parce que nous pensons que les femmes qui passent par cette provocation ont davantage d’un traitement social plutôt que pénal. Elles ont besoin d’être aidées, et non condamnées ; ce fut l’attitude de Jésus devant la femme surprise en état d’adultère : “Quelqu’un t’a-t-il condamné ?... Moi je ne te condamne pas non plus ? Vas et ne pèche plus.”

Mais toutes les femmes qui avortent ne se trouvent pas dans les mêmes circonstances et il y a d’autres intervenants dans l’avortement qui méritent d’être jugés. C’est parce que le fait d’ôter la vie à un être humain est en lui-même criminel.

4. L’avortement n’est pas un droit de la femme. Personne n’a le droit de décider qi un être humain doit vivre ou ne pas vivre, même la mère qui l’a accueilli en son sein. La mère a le droit de choisir si elle veut concevoir ou non. Mais dès qu’une vie est engendrée en son sein, c’est un être humain distinct, vis-à-vis duquel elle a une particulière obligation de le protéger et de le défendre.

5. L’avortement n’est pas une question politique, mais de droits fondamentaux. Le respect de la vie est le fondement principal de l’éthique, et il est profondément imprimé dans notre culture. C’est le rôle des lois que de promouvoir la pratique de ce respect de la vie. La loi sur laquelle les Portugais vont être consultés en référendum, si elle est approuvée, signifiera la dégénérescence de la loi elle-même. Ce serait un cas de plus où ce qui est légal n’est pas moral.

« Nous demandons à tous les fidèles catholiques et à tous ceux qui partagent avec nous cette vision de la vie, qu’ils s’engagent pour éclairer les consciences. Qu’ils le fassent avec sérénité, avec respect et avec un grand amour de la vie. Et nous encourageons les personnes et les institutions qui se dévouent déjà généreusement aux mères en difficulté et à leurs enfants qu’elles aident à voir le jour. »

Source : site officiel des évêques du Portugal.

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