18 juillet, 2010

Bon pour la mort... mais la vie est plus forte !

Voilà déjà quelques jours que la presse britannique se passionne pour le cas de Richard Rudd, 43 ans, victime le 23 octobre 2009 d'un accident de moto qui l'avait laissé dans un « état végétatif persistant ». Complètement paralysé, ne présentant aucune réaction, ce père de deux enfants survivait grâce à la respiration artificielle et l'alimentation par sonde. Sans avoir laissé de testament de fin de vie, il s'était quand même clairement exprimé peu de temps avant son accident sur sa volonté de ne pas être maintenu en vie si jamais il devait se retrouver dans un tel état. C'était à propos d'un membre de sa famille qui avait perdu l'usage de ses deux jambes lors d'un accident… Du coup ses proches, et notamment son père, la mort dans l'âme, s'étaient mis d'accord avec l'équipe soignante pour le « débrancher ».

Mais le médecin responsable devait s'apercevoir peu après que Richard Rudd, quoique victime de lésions cérébrales importantes, avait gardé sa conscience, puisque par des mouvements des yeux il répondait correctement à toutes ses questions : à gauche pour oui, à droite pour non. Le Pr David Menon décida de ne pas stopper les machines qui le maintenaient en vie. Ce n'est qu'au bout de six mois qu'il lui posa solennellement la question : « Voulez-vous que nous continuons vos traitements ? » Et la réponse vint, par trois fois : regard vers la gauche… « Oui ! »

Prisonnier de son propre corps, victime d'une situation qui fait partie de celles qui impressionnent et effraient le plus les bien-portants (le bien-portant qu'il avait été !) Richard Rudd a malgré tout la volonté de vivre. De vivre, même « comme ça ». Celui que l'on croyait devenu légume possède sa pleine conscience et sa mémoire longue, il peut sourire et faire la grimace, il s'exprime à sa façon et les médecins espèrent lui rendre au moins la possibilité de communiquer en utilisant sa langue, ses yeux et ses muscles faciaux.

L'affaire pose bien sûr de multiples questions, et d'abord celle des « testaments de vie » qui ne peuvent exprimer que le point de vue de celui qui est en pleine possession de ses moyens. Sur un lit d'hôpital, on peut changer d'avis : mais comment le faire connaître lorsque la communication semble devenue impossible ?

Elle pose la question du diagnostic : comment juger de l'état cérébral d'un malade, en étant sûr de ne pas se tromper ? Qu'on se rappelle l'affaire Terri Schiavo, supposée être dans un état végétatif persistant malgré ses capacités de réaction à certains stimuli, et privée de nourriture et d'hydratation jusqu'à ce qu'une mort atroce s'ensuive, à la demande de son mari et contre la volonté de sa famille.

Elle pose la question de l'acharnement thérapeutique. A partir de quand les soins sont-ils disproportionnés ? Dans le cas de Richard Rudd, il y avait une assistance lourde, comprenant l'administration d'oxygène par un respirateur artificiel : une de ces situations qui ne se seraient pas présentées il y a seulement vingt ans en arrière, parce qu'il aurait succombé à ses très graves blessures. La question de la frontière entre le devoir d'apporter les soins ordinaires et la possibilité de stopper un traitement « extraordinaire » ne peut évidemment être déterminé par la loi et relève d'un jugement prudentiel, ici facilité par la volonté clairement exprimée par le patient. Sa volonté apporte en tout cas la preuve que la vie, même diminuée à l'extrême, peut être perçue comme bonne et valant la peine d'être vécue.

Elle pose enfin indirectement la question des dons d'organes et de la définition de la mort ou du moment où le prélèvement d'organes vitaux peut se faire (pour certains, ce prélèvement ne peut se faire qu'avant l'arrêt respiratoire et cardiaque). Un mouvement se dessine en effet pour redéfinir encore le moment déjà discutable de la « mort cérébrale » qui selon les pays et les académies est déclarée à divers stades de la perte d'activité du cerveau : ici et là, on envisage déjà de cueillir des organes sur des personnes en état de coma végétatif. En faisant sauter la définition traditionnelle de la mort (arrêt des trois grandes fonctions, cardiaque, respiratoire et neurologique) on a déjà ouvert la porte à des abus qui peuvent se révéler effrayants.

Le site BioEdge met en ligne les liens vers le documentaire de la BBC sur le cas de Richard Rudd.

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