Le voici donc,
là où on ne l'attendait pas forcément, le moment crucial, le point névralgique
du synode sur l'Amazonie, en un événement qui a certainement été préparé bien
avant l'arrivée des pères synodaux à Rome. Une quarantained’évêques se sont réunis ce dimanche matin 20
octobre dans les Catacombes de Sainte Domitille, pour signer ensemble un
nouveau serment pour un nouveau « Pacte des Catacombes ». Il y avait
deux cardinaux : le cardinal Claudio Hummes et le cardinal Pedro Barreto, le
premier ayant présidé la messe concélébrée et prononcé l'homélie.
L'importance
symbolique de cet événement est immense, et elle est multiforme. Le plus
spectaculaire réside dans la présence d’évêques et de nombreux pères synodaux,
mais aussi d’auditeurs et auditrices,
experts au synode, ainsi que de représentants d’« Amazonia Casa Comun »,
l'organisme et qui organise des cérémonies païennes depuis les jardins du
Vatican jusqu’à Santa Maria in Traspontina et ailleurs en promenant des
statuettes de femmes indigènes nues et enceintes vénérées comme des idoles
puisque les célébrants se prosternent devant elles, face contre terre.
Mais le plus
inquiétant est le texte du pacte, qui reprend de nombreux éléments de l’Instrumentum Laboris du synode dont
plusieurs cardinaux ont relevé le caractère hérétique et apostat, réclamant non
seulement une attention préférentielle pour les pauvres, désormais représentés
par les peuples autochtones d'Amazonie, mais leur droit à leur spiritualité
traditionnelle et leur implication dans toutes les décisions ecclésiales de
leur région.
L'élément
panthéiste est présent dans l'affirmation d'une « écologie intégrale, dans
laquelle tout est interconnecté, la race humaine et toute la création, car tous
les êtres sont filles et fils de la terre ».
Bien entendu,
ils réclament comme au synode la reconnaissance de nouvelles formes de
ministères, en particulier le diaconat des femmes qui doivent être reconnues
comme leaders religieux de leur communautés le cas échéant.
Mais la
symbolique va beaucoup plus loin. Les 40 évêques d'aujourd'hui font écho aux 40
évêques qui en 1965, à l'appel du théologien de la libération Dom Helder
Câmara, signaient le Pacte des Catacombes à l'issue d'une messe célébrée dans
le même lieu, une chapelle des Catacombes de Domitille.
La source
hispanophone d'informations religieuses, média
progressiste qui a eu la primeur de cette information, Religion Digital,
affirme que ce 20 octobre 2019 pourrait devenir, à l'instar du 16 novembre
1965, une « date historique » de la construction d'une « Eglise
pauvre pour les pauvres », une Eglise désormais dotée d’un « visage
amazonien, pauvres et servantes, prophétique et samaritaine ».
Le cardinal
Hummes a d'ailleurs célébré avec l’étole de Dom Helder Câmara, tandis que Mgr
Adriano Ciocca portait son aube. Mgr Ciocca est évêque de São Felix do Araguaia,
ancien siège épiscopal de Mgr Pedro Casaldaliga « qui fut l'un de ceux qui
mirent en œuvre le Pacte de la manière la plus extrême ». Il est aussi
celui auquel on fait référence à
propos de l'anneau noir de tucum qui apparaît encore et encore autour de ce
synode.
À propos de la
« mafia de l’anneau » j'écrivais
sur ce blog il y a deux jours qu'on le voyait au doigt non seulement de
Leonardo Boff mais aussi d'un laïc qui, accompagné de sa guitare et d'un chœur
de dames chevrotantes chantait, sans doute le 14 octobre, en honneur des
« martyrs » de l'Amazonie, à Santa Maria in Traspontina, devant
l’image d’une Indienne d’Amazonie allaitant un petit cochon sauvage. Au début
du clip mis en ligne sur YouTube, on voyait précisément des images des
Catacombes de Sainte Domitille. Et les paroles annonçaient en réalité la
couleur :
« Je me suis
souvenu de toi, Domitille… Après le Concile, on se retrouva
pour marcher
avec les pauvres et Jésus… Nous revenons ici pour nous racheter en Amazonie…
« Nous
faisons tous le Pacte sur ces tombes à la lumière des martyrs de la Foi. »
Ce même chant a été chanté au moment de la signature du Pacte sur l'autel où la messe venait d'être célébrée : video mise en ligne ici par les Jésuites de Bolivie.
Tout était donc
prévu.
Je répète ce
que j'écrivais vendredi : le Pacte des Catacombes, c'était la théologie de la
Libération, le serment d'en finir avec les signes extérieurs de richesse, les
métaux précieux, les honneurs accordés aux prélats (et l'ouverture aux
ornements en polyester). Bergoglio était trop jeune pour faire partie des
signataires d'origine, mais le Pacte le définit et c'est ce Pacte qui est à
l'œuvre aujourd'hui à Rome avec ce synode dont le lien codé semble bien être
l'anneau tucum.
Il vient
simplement d'être mis à jour.
Voici le texte
intégral du Pacte des Catacombes pour la Maison commune, dont je vous propose
ma traduction non officielle. – J.S.
*
Pacte
des Catacombes pour la Maison Commune
Pour une Église
au visage amazonien, pauvre et servante, prophétique et samaritaine
Nous,
participants au Synode pan-amazonien, partageons la joie de vivre parmi de
nombreux peuples indigènes, quilombolas, riverains, migrants, communautés à la
périphérie des villes de cet immense territoire de la planète. Avec eux, nous
avons fait l'expérience de la puissance de l'Evangile qui agit dans les petits.
La rencontre avec ces peuples nous interpelle et nous invite à une vie plus
simple, faite de partage et de gratuité. Inspirés par l'écoute de leurs cris et
de leurs larmes, nous accueillons chaleureusement les paroles du Pape François
:
« Beaucoup
de frères et sœurs en Amazonie portent de lourdes croix et attendent la
consolation libératrice de l'Evangile, la caresse aimante de l'Eglise. Pour
eux, avec eux, marchons ensemble. »
Nous nous
souvenons avec gratitude des évêques qui, dans les Catacombes de Saine
Domitille, à la fin du Concile Vatican II, ont signé l'Alliance pour une Église
servante et pauvre. Nous nous souvenons avec révérence de tous les martyrs,
membres des communautés ecclésiales de base, des mouvements pastoraux et
populaires, leaders indigènes, missionnaires, laïcs, prêtres et évêques, qui
ont versé leur sang à cause de cette option pour les pauvres, pour défendre la
vie et lutter pour la sauvegarde de notre Maison commune. À notre gratitude
pour leur héroïsme, nous joignons notre détermination à poursuivre leur lutte
avec fermeté et courage. C'est un sentiment d'urgence qui s'impose face aux
agressions qui dévastent aujourd'hui le territoire amazonien, menacé par la
violence d'un système économique prédateur et consumériste.
Devant la Très
Sainte Trinité, nos Églises particulières, les Églises particulières, les
Églises d'Amérique latine et des Caraïbes et celles qui sont solidaires en
Afrique, en Asie, en Océanie, en Europe et dans le Nord du continent américain,
aux pieds des apôtres Pierre et Paul et de la multitude des martyrs de Rome,
d'Amérique latine et surtout de notre Amazonie, en profonde communion avec le
successeur de Pierre, nous invoquons le Saint Esprit et engageons-nous
personnellement et collectivement à ce qui suit :
1. Assumer,
face à la menace extrême du réchauffement climatique et de l'épuisement des
ressources naturelles, l'engagement de défendre la forêt amazonienne sur nos
territoires et dans nos attitudes. C'est d'elle que provient la largesse de
l'eau pour une grande partie du territoire sud-américain, la contribution au
cycle du carbone et la régulation du climat mondial, une biodiversité
inestimable et une riche diversité sociale pour l'humanité et toute la Terre.
2. Reconnaître
que nous ne sommes pas maîtres de la terre mère, mais ses fils et ses filles,
formés de la poussière de la terre (Gn 2, 7-8), hôtes et pèlerins (1 P 1, 17b
et 1 P 2, 11), appelés à être ses gardiens zélés (Gn 1, 26). C'est pourquoi
nous nous engageons en faveur d'une écologie intégrale, dans laquelle tout est
interconnecté, la race humaine et toute la création, car tous les êtres sont
filles et fils de la terre et l'Esprit de Dieu flotte sur eux (Genèse 1:2).
3. Accepter et renouveler chaque jour
l'alliance de Dieu avec toute la création : « Et moi, je vais établir mon
alliance avec vous et avec votre postérité après vous, avec tous les êtres
vivants qui sont avec vous, oiseaux, animaux domestiques et toutes les bêtes de
la terre avec vous, depuis tous ceux qui sont sortis de l'arche Jusqu'à toute
bête de la terre. » (Gen 9, 9-10 ; Gen 9, 12-17).
4. Renouveler dans nos Églises l'option
préférentielle pour les pauvres, en particulier pour les peuples autochtones,
et garantir avec eux leur droit d'être protagonistes dans la société et dans
l'Église. À les aider à préserver leurs terres, leurs cultures, leurs langues,
leurs histoires, leurs identités et leurs spiritualités. Prendre conscience
qu'ils doivent être respectés localement et globalement et, par conséquent,
encourager, par tous les moyens à notre disposition, à ce qu'ils soient
accueillis sur un pied d'égalité dans le concert mondial des autres peuples et
cultures.
5. Abandonner, par conséquent, dans nos
paroisses, diocèses et groupes, toutes sortes de mentalités et de positions
colonialistes, accueillant et valorisant la diversité culturelle, ethnique et
linguistique dans un dialogue respectueux avec toutes les traditions
spirituelles.
6. Dénoncer toutes les formes de violence et
d'agression contre l'autonomie et les droits des peuples autochtones, leur
identité, leurs territoires et leurs modes de vie.
7. Annoncer la nouveauté libératrice de
l'Évangile de Jésus-Christ, en accueillant l'autre, le différent, comme ce fut
le cas avec Pierre dans la maison de Corneille : « Vous savez combien il
est illicite pour un Juif d'avoir contact avec un étranger ou de l'approcher;
mais Dieu m'a montré qu'il ne faut dire d'aucun homme qu'il est souillé ou
impur. »(Actes 10:28).
8. Marcher de manière œcuménique avec
d'autres communautés chrétiennes par l'annonce inculturée et libératrice de
l'Evangile, et avec d'autres religions et personnes de bonne volonté, en
solidarité avec les peuples autochtones, les pauvres et les petits, pour la
défense de leurs droits et la préservation de la Maison commune.
9. Etablir dans nos Eglises particulières une
forme de vie synodale où les représentants des peuples autochtones,
missionnaires, laïcs, en raison de leur baptême et en communion avec leurs
pasteurs, ont une voix et votent dans les assemblées diocésaines, dans les
conseils pastoraux et paroissiaux, bref, dans tout ce qui les concerne dans le
gouvernement des communautés.
10. Nous engager à la reconnaissance urgente
des ministères ecclésiaux déjà existants dans les communautés, réalisés par des
agents pastoraux, des catéchistes indigènes, des femmes et des hommes ministres
de la Parole, en valorisant particulièrement leur attention aux plus
vulnérables et aux exclus.
11. Rendre effectif dans les communautés qui
nous ont été confiées le passage d'une pastorale de la visite à une pastorale
de la présence, en assurant que le droit à la Table de la Parole et à la Table
de l'Eucharistie soit rendu effectif dans toutes les communautés.
12. Reconnaître les services et la diaconie
véritable du grand nombre de femmes qui dirigent aujourd'hui des communautés en
Amazonie et chercher à les consolider avec un ministère propre des femmes
dirigeant des communautés.
13. Rechercher de nouvelles formes d'action
pastorale dans les villes où nous opérons, avec le protagonisme des laïcs et
des jeunes, en prêtant attention à leurs périphéries et aux migrants,
travailleurs et chômeurs, étudiants, éducateurs, chercheurs, et au monde de la
culture et de la communication.
14. Adopter face à l'avalanche du consumérisme
avec un style de vie joyeusement sobre, simple et solidaire de ceux qui n'ont
que peu ou rien ; réduire la production de déchets et l'utilisation des
plastiques, favoriser la production et la commercialisation de produits
agro-écologiques et utiliser les transports publics autant que possible.
15. Soutenir ceux qui sont persécutés à cause
de leur service prophétique de dénonciation et de réparation des injustices, de
défense de la terre et des droits des petits, d'accueil et de soutien aux
migrants et aux réfugiés. Cultiver de vraies amitiés avec les pauvres, visiter
les plus simples et les plus malades, exercer le ministère de l'écoute, de la
consolation et du soutien qui encouragent et renouvellent l'espérance.
Conscients de nos faiblesses, de notre
pauvreté et de notre petitesse face à de si grands et si graves défis, nous
nous confions à la prière de l'Église. Que nos communautés ecclésiales, avant
tout, nous aident par leur intercession, leur affection dans le Seigneur et, si
nécessaire, par la charité de la correction fraternelle.
Nous accueillons
avec un cœur ouvert l'invitation du Cardinal Hummes à nous laisser guider par
l'Esprit Saint en ces jours du Synode et lors de notre retour dans nos églises
:
« Laissez-vous
envelopper dans le manteau de la Mère de Dieu et de la Reine de l'Amazonie. Ne
nous laissons pas vaincre par l'autoréférencialité, mais par la miséricorde
face au cri des pauvres et de la terre. Il faudra beaucoup de prière, de
méditation et de discernement, ainsi qu'une pratique concrète de la communion
ecclésiale et de l'esprit synodal. Ce synode est comme une table que Dieu a
préparée pour ses pauvres et il nous demande d'être ceux qui servent à
table. »
Nous célébrons
cette Eucharistie d'alliance comme « un acte d'amour cosmique ».
« Oui, cosmique ! Car même lorsqu'elle a lieu sur le petit autel d'une
église de village, l'Eucharistie est toujours célébrée, d'une certaine manière,
sur l'autel du monde. » L'Eucharistie unit le ciel et la terre, embrasse
et pénètre toute la création. Le monde qui sort des mains de Dieu Lui revient
dans une adoration heureuse et pleine : dans le Pain eucharistique « la
création tend à la divinisation, aux saints noces, à l'unification avec le même
Créateur ». « C'est pourquoi l'Eucharistie est aussi une source de
lumière et de motivation pour nos préoccupations environnementales, et nous
conduit à être les gardiens de toute la création. »
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