Colloque “Où va l'Eglise” : le cardinal Burke parle du devoir de désobéissance au pape
Le cardinal Raymond Burke au colloque du 7 avril (photo : Edward Pentin.) |
Cette parole publique du cardinal Burke lors d'une journée placée sous le signe du cardinal Caffarra et où étaient également annoncés les cardinaux Brandmüller, Arinze et Zen, ainsi que Mgr Schneider, constitue sans doute la prise de position la plus nette qui ait eu lieu à ce jour à propos de la confusion qui règne actuellement dans l'Eglise, même s'il n'a pas explicitement nommé le pape François au cours de son allocution. Le contexte était pourtant parlant.
Au cours de sa conférence, intitulée « Les limites de l'autorité du pape dans la doctrine de l'Eglise », le cardinal Burke a mis l'accent sur le devoir des papes de sauvegarder et de promouvoir l'unité de l'Eglise, ajoutant que toute expression de la doctrine ou de la pratique par un pontife romain se doit d'être un « exercice authentique » du ministère pétrinien. Cette autorité, désignée par la plenitudo potestatis, n'est pas, nonobstant son nom, un pouvoir « magique ; elle dérive de son obéissance au Seigneur. »
C'est en tant que canoniste et préfet émérite de la Signature apostolique que le cardinal s'est également exprimé, se référant aux enseignements du canonistes du XIIIe siècle, le cardinal Henri de Suse, dit Hostiensis et aux écrits du professeur britannique John A. Watt, sur ce qu'on appelle l'absoluta potestas du pape, un pouvoir absolu qui diffère de celui théorisé par Machiavel ou mise en pratique par des dictateurs totalitaires dans la mesure où il sert à « apporter un remède aux défauts » de la loi existante soit que celle-ci « ne soit pas observée », soit qu'elle se révèle « inadaptée à des circonstances particulières ».
Il ne s'agit en aucun cas d'une autorité s'exerçant sur le Magistère de l'Eglise, mais plutôt d'une « nécessité » de la gouvernance « en pleine fidélité » à l'égard du Magistère de l'Eglise, ce qui oblige à n'en user qu'avec « grande prudence », comme d'un pouvoir ordonné à « la construction, et non la destruction ».
Cette absoluta potestas est donnée par le Christ lui-même, a ajouté le cardinal, et par conséquent « ne peut être exercé qu'en obéissance au Christ ». Ainsi, un pape peut décider d'une dispense à la loi, ou encore interpréter celle-ci, mais seulement de manière à aider la loi à remplir son « véritable objet, jamais pour la subvertir ».
Le cardinal Burke a alors souligné que tout acte d'un pape considéré comme « hérétique ou peccamineux », ou qui puisse « favoriser l'hérésie ou le péché, sape les fondements de la société et serait dès lors nul et non avenu ».
Il est bien admis, a expliqué le cardinal, que la plénitude du pouvoir donnée à un pape ne lui permet pas d'« agir contre la foi apostolique », mais qu'il s'agit d'un pouvoir dont il doit user « avec parcimonie, et avec la plus grande prudence ». Et de rappeler que selon Watt, la plenitudo potestatis est ordonnée au service des âmes et à l'unité de l'Eglise, et non pas aux intérêts personnels des individus. « Si le pape devait agir de cette manière sine causa (sans cause) ou de manière arbitraire, il mettrait son salut en péril », a insisté le cardinal Burke.
Ayant établi ces principes, le cardinal a expliqué comment les abus de ce type de pouvoir peuvent être corrigés. Déjà, Hostiensis avait expliqué que le pape doit être « averti de l'erreur de ses actions, y compris publiquement », et que le collège des cardinaux « doit servir de frein de facto par rapport à l'erreur du pape. » Mais il ne s'agit pas d'un « jugement contraignant » selon Hostiensis. Il soutenait plutôt que si, selon sa conscience bien formée, un fidèle croit qu'un acte pontifical d'exercice de la plénitude du pouvoir est « peccamineux », alors « il faut désobéir au pape par devoir, et les conséquences de cette désobéissance doivent être endurées avec une patience chrétienne ».
Etant donné que le droit canonique ne permet pas que le pape soit jugé, la correction du pape s'exercerait sous la forme de deux phases, a précisé le cardinal Burke, fondées sur l'enseignement du Christ dans Matth. 18:15-17, sur la manière d'exercer la correction fraternelle, et sur la tradition canonique. Il s'agirait donc de corriger directement le pontife romain quant à son « erreur présumée », et s'il persistait à errer, de faire une « déclaration publique ».
Le cardinal s'est ainsi référé au canon 212 qui à la fois exhorte à l'obéissance chrétienne mais reconnaît aux fidèles le « droit et le devoir » de faire connaître au clergé leurs inquiétudes quant aux bien de l'Eglise. Et de rappeler, en citant un symposium de 1996 de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur « La primauté du successeur de Pierre », que le ministère du pontife romain est un service d'unité par rapport à chaque Eglise particulière, ce qui le rend « substantiellement différent » du gouvernement laïque.
« Le successeur de Pierre est la pierre qui, face à l'arbitraire et au conformisme, garantit une fidélité rigoureuse à la Parole de Dieu. La plénitude du pouvoir du pontife romain ne peut être bien compris eet exercée qu'en tant qu'obéissance à la grâce du Christ, Tête et Pasteur du troupeau en tout temps et en tout lieu », a répété le cardinal Burke : ainsi le pape doit exercer son pouvoir « en communion avec toute l'Eglise », en « respectant le dépôt de la foi », sans jamais « agir de manière contraire à la foi ». En particulier, il doit « respecter tous les sacrements et chacun, sans supprimer ou ajouter quoi que ce soit qui aille contre la substance des sacrements ». Il doit aussi partager l'exercice « du pouvoir entier et suprême » avec le collège des évêques.
La plénitude de pouvoir du pape « n'est pas simplement honorifique, il est substantiel » puisqu'elle un rapport avec « la responsabilité universelle de la sauvegarde du règne de la foi (regula fidei) et du règne de la loi (regula iuris). » Ce pouvoir suprême dépasse celui d'un concile œcuménique, a souligné le cardinal Burke, mais il n'est pas mis en œuvre lorsque le pape « agit comme une personne privée ou comme un simple fidèle ».
Le cardinal a rappelé le contexte et le champ du pouvoir pontifical, notamment la capacité à définir la doctrine et à condamner l'erreur, à promulguer et à abroger des lois, à agir en tant que juge dans toutes les matières de foi, à décréter et à imposer des peines, à nommer et a écarter des pasteurs si nécessaire. Mais « puisque ce pouvoir vient de Dieu Lui-même, il est limité par la loi naturelle et par la loi divine ».
« Par conséquent, toute expression de la doctrine ou de la pratique qui n'est pas en conformité avec la Révélation divine, contenue dans l'Ecritures sainte et dans la Tradition de l'Eglise ne peut être un exercice authentique du ministère apostolique ou pétrinien et doit être rejetée par les fidèles », a déclaré le cardinal Burke.
Avant de conclure, il a cité l'épître de saint Paul aux Galates :
« Frères, je trouve vraiment étonnant que vous abandonniez si vite celui qui vous a appelés par la grâce du Christ, et que vous passiez à un autre ÉEvangile. En fait, il n’y en a pas d’autre : il y a seulement des gens qui jettent le trouble parmi vous et qui veulent renverser l’Evangile du Christ. Eh bien! si un jour quelqu’un, même nous, même un ange du ciel, vient annoncer un Evangile différent de l’Evangile que nous vous avons annoncé, qu’il soit maudit ! Nous l’avons déjà dit, et je le répète encore : si quelqu’un vient vous annoncer un êvangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit maudit ! »
Et ses derniers mots furent pour citer un décret de Gratien à propos du pape : « Pourtant, qu'aucun mortel n'ait l'audace de le reprendre de ses fautes, car il juge tout le monde et personne n'a le droit de le juger, à moins qu'il ne dévie de la foi. »
On peut lire l'article d'Edward Pentin, dont j'ai traduit l'essentiel, ici.
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1 commentaire:
Le nouveau mgr Lefebvre ?
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