L'évêque émérite de Karaganda, Kazakhstan, a publié une lettre ouverte sur la crise de l'Eglise, choisissant ce mode d'expression par crainte de voir toute autre voie barrée par un « mur de silence total ». Il s'y interroge sur le rôle de la Secrétairerie d'Etat, le choix des évêques, la manière dont les plus fidèles d'entre eux sont marginalisés. Sur le silence des conférences épiscopales à propos des questions essentielles de foi ; sur « l'esprit du monde qui mène paître les bergers ». Sur la liturgie sui ne respecte plus le sacré, qui ne respecte plus Notre Seigneur dans l'Hostie. « De nos jours la voix de la
plupart des évêques ressemble plus au silence des agneaux face aux loups
enragés, les fidèles dans ce cas sont souvent comme des brebis sans défense. »
Mgr Lenga écrit : « On a peine à croire que le
pape Benoît XVI ait renoncé en toute liberté à sa tâche de successeur de
Pierre. Ce pape était à la tête de l’Eglise, mais son entourage n’a
pratiquement pas appliqué son enseignement, il l’a plutôt passé sous silence ou
bloqué ses initiatives pour une vraie réforme de l’Eglise, de la liturgie, de
la manière de distribuer la communion. Face à la détermination du Vatican de
garder le secret il était absolument impossible à nombre d’évêques d’apporter
une aide au pape dans sa tâche de chef de l’Eglise. »
Elle se termine sur la note d'espérance qui est celle de notre foi : « Je suis convaincu
que dans les temps difficiles que nous vivons cette loi du Christ se réalise et
que l’Eglise va se renouveler. Toutefois cela présuppose de notre part un véritable
renouveau et une véritable conversion. »
Je vous propose ici la traduction de la lettre ouverte dont j'ai eu communication. Elle vient également de paraître en anglais sur le site Rorate-Coeli. — J.S.
Réflexions sur différents problèmes actuels
touchant à
la crise de l’Eglise catholique
J’ai connu
personnellement de nombreux prêtres internés dans les prisons et les camps
staliniens, mais qui sont restés fidèles à l’Eglise. A l’époque de la
persécution ils ont exercé avec amour leur devoir sacerdotal d’annoncer la
doctrine catholique tout en menant une vie digne à la suite du Christ, leur
divin maître.
Moi-même j’ai
effectué toutes mes études dans un séminaire clandestin d’Union Soviétique tout
en travaillant de mes mains pour gagner mon pain quotidien. J’ai été ordonné
prêtre en secret, la nuit, par un évêque qui avait lui-même souffert pour sa
foi. Dès ma première année de sacerdoce j’ai été expulsé du Tadjikistan par le
KGB.
Par la suite, au
cours de mes 30 années de séjour au Kazakhstan, j’ai servi 10 ans comme prêtre
à desservir les fidèles de 81 paroisses. Ensuite j’ai été nommé évêque, dans
les premiers temps à la tête de cinq états d’Asie centrale s’étendant sur une
surface d’environ quatre millions de km².
Etant évêque j’ai
été en contact avec le saint pape Jean Paul II, avec de nombreux évêques,
prêtres et fidèles de différents pays dans les circonstances les plus diverses.
J’ai été membre des synodes d’évêques au Vatican ayant pour sujets « l’Asie »
et « l’Eucharistie ».
Tout cela - et
bien d’autres choses encore – m’autorise à exprimer mon avis sur la crise
actuelle de l’Eglise catholique. Ces convictions qui sont les miennes sont
dictées par mon amour pour l’Eglise ainsi que par le désir de sa véritable
rénovation dans le Christ. Je me vois forcé de choisir la forme d’une lettre
ouverte, étant donné que tout autre procédé de communication se heurterait à un
mur de silence total et de volonté d’ignorer.
Je suis tout à
fait conscient des possibles réactions à ma lettre ouverte. Pourtant la voix de
ma conscience ne me permet pas de me taire quand l’œuvre de Dieu se trouve
outragée. C’est Jésus Christ qui a fondé l’Eglise et Il a montré en paroles et
en actes la façon dont doit être accomplie la volonté de Dieu. Les apôtres
auxquels Il a transmis l’autorité dans l’Eglise ont accompli avec zèle la tâche
qui leur avait été confiée en souffrant pour la vérité à proclamer, car ils ont
« obéi à Dieu plutôt qu’aux hommes ».
Malheureusement
de nos jours il devient de plus en plus évident qu’au Vatican à travers le
secrétariat d’état on a emprunté la voie du politiquement correct. Certains
nonces sont au plan de l’Eglise universelle des diffuseurs du libéralisme et du
modernisme. Ils se sont approprié le principe du « sub secreto Pontificio » par lequel on cloue habilement le bec
des évêques. On leur fait comprendre que ce que dit le nonce est pratiquement
ce que souhaite le pape. Avec de telles méthodes les évêques sont séparés les
uns des autres, si bien que les évêques d’un pays donné ne sont parfois plus à
même de parler d’une seule voix
dans l’esprit du Christ et de l’Eglise pour défendre la foi et la morale. Pour
ne pas tomber en disgrâce auprès des nonces, certains évêques acceptent leurs
recommandations qui ne reposent que sur leurs propres paroles. Au lieu de
diffuser la foi avec zèle, de proclamer courageusement l’enseignement du
Christ, de tenir bon dans la défense de la vérité et de la morale, les évêques,
lors des conférences épiscopales,
s’occupent souvent de choses qui n’ont rien à voir avec les devoirs des
successeurs des apôtres.
Dans tous les
domaines de l’Eglise on remarque une diminution notable du « sacrum ». C’est « l’esprit du
monde » qui mène paître les bergers. Ce sont les pécheurs qui indiquent à
l’Eglise comment elle doit être à leur service. Dans leur embarras les pasteurs
taisent les problèmes actuels et en fait se paissent eux-mêmes. Le monde est
tenté par le diable et s’oppose à l’enseignement du Christ. Mais pourtant les
pasteurs sont tenus – que cela leur plaise ou non - d’enseigner toute la vérité
sur Dieu et les hommes.
Sous le
pontificat des derniers saints papes on a pourtant observé un grand désordre
concernant la pureté de la doctrine et la sacralité de la liturgie. C’est
précisément dans la liturgie qu’on refuse à Jésus Christ le respect visible qui
Lui est dû. Dans nombre de conférences épiscopales les meilleurs évêques sont
« persona non grata ». Où
sont alors les apologistes d’aujourd’hui qui annoncent clairement et de façon
compréhensible aux gens les dangers
menaçants de la perte de la foi et de celle du salut ?
De nos jours la
voix de la plupart des évêques ressemble plus au silence des agneaux face aux
loups enragés, les fidèles dans ce cas sont souvent comme des brebis sans défense.
Les hommes ont reconnu le Christ comme étant celui qui parlait et agissait,
comme celui qui détenait l’autorité et qui transmit cette autorité à ses
apôtres. Dans le monde d’aujourd’hui les évêques devraient se détacher de tous
les liens du monde, et, après avoir fait pénitence, ils devraient se convertir à
Christ, afin que, fortifiés par l’Esprit Saint, ils proclament courageusement
que le Christ est le seul Sauveur. Au final tout un chacun aura à rendre compte
à Dieu de ce qu’il aura fait et de ce qu’il n’aura pas fait.
Il me semble que
cette voix bien peu audible de nombreux évêques est une conséquence de ce que,
lors du choix des nouveaux évêques, les candidats sont examinés de façon
insuffisante, surtout en ce qui a trait à la fermeté exempte de doute, à
l’intrépidité dans la défense de la foi, à la fidélité aux traditions
séculaires de l’Eglise et à la piété personnelle. De toute évidence, lors de la
nomination de nouveaux évêques et même de cardinaux, on tient parfois plus
compte des critères d’une certaine idéologie, voire d’impératifs dictés par des
groupes très éloignés de l’Eglise. De même la bienveillance des mass-médias semble être un critère
important. Ces mêmes médias qui ridiculisent habituellement les candidats
« trop saints » et diffusent d’eux une mauvaise image, vont faire les
louanges de candidats qui possèdent moins l’esprit du Christ, les présentant
comme ouverts et modernes. Par ailleurs seront mis intentionnellement sur la
touche les candidats qui se distinguent tant par leur zèle apostolique que par
leur courage à proclamer l’enseignement du Christ et par leur amour de tout ce
qui est saint et sacré.
Un nonce m’a dit
un jour : « Dommage que le pape (Jean Paul II) ne prenne pas part
personnellement à la nomination des évêques. Le pape a tenté de changer un peu
les choses dans la Curie romaine, mais il n’y est pas parvenu. Il vieillit et
les choses reprennent leur cours d’avant».
Au début du
pontificat de Benoît XVI je lui ai envoyé une lettre dans laquelle je lui
demandais de nommer de saints évêques. Je lui racontai l’histoire d’un fidèle
allemand qui, à la suite de la décadence de l’Eglise dans son pays après le
concile Vatican II, resta fidèle au Christ et rassembla autour de lui la
jeunesse pour l’adoration et la prière. Lorsqu’il était près de mourir et qu’il
apprit l’élection du nouveau pape, il dit ceci : « Si le pape Benoit
utilisait son pontificat ne serait-ce que pour nommer de bons et fidèles
évêques, il aurait accompli sa mission ».
Malheureusement
le pape Benoît XVI de toute évidence n’y est souvent pas parvenu. On a peine à
croire que le pape Benoît XVI ait renoncé en toute liberté à sa tâche de
successeur de Pierre. Ce pape était à la tête de l’Eglise, mais son entourage
n’a pratiquement pas appliqué son enseignement, il l’a plutôt passé sous
silence ou bloqué ses initiatives pour une vraie réforme de l’Eglise, de la
liturgie, de la manière de distribuer la communion. Face à la détermination du
Vatican de garder le secret il était absolument impossible à nombre d’évêques d’apporter
une aide au pape dans sa tâche de chef de l’Eglise.
Il ne devrait pas
être superflu de rappeler à nos frères évêques la déclaration d’une loge
maçonnique italienne datant de 1820 : « Notre travail est un travail
de centaines d’années. Laissons de côté les vieux et allons vers la jeunesse.
Les séminaristes deviendront alors des prêtres avec nos idées libérales, puis
ils deviendront évêques avec nos idées libérales. Ne nous flattons pas de faux
espoirs. Nous ne ferons jamais du pape un franc-maçon. Mais des évêques
libéraux qui œuvreront dans l’entourage du pape lui proposeront dans la
gouvernance de l’Eglise des idées qui nous seront favorables et le pape les
appliquera ». Cette intention des francs-maçons se réalise de toute
évidence dans une mesure suffisante et elle devient de plus en plus manifeste,
et cela non seulement grâce aux ennemis déclarés de l’Eglise, mais aussi avec
l’aide de faux témoins qui occupent des places de haut rang dans la hiérarchie
de l’Eglise. Ce n’est pas sans raison que le bienheureux pape Paul VI a
déclaré : « Par quelque fissure la fumée de Satan est entrée au sein
du temple de Dieu ». Je pense que cette fissure aujourd’hui s’est
passablement agrandie. Le diable utilise toutes ses forces pour renverser
l’Eglise du Christ. Toutefois, afin que cela ne se produise pas, il est
nécessaire de revenir à une proclamation claire et nette de l’évangile à tous
les niveaux du service ecclésial, car l’Eglise possède tout pouvoir et toute
grâce que le Christ lui a donnés, lorsqu’Il a dit : « Tout pouvoir
m’été donné au ciel et sur la terre. Allez et enseignez toutes les nations, et
exhortez-les à suivre tout ce que je vous ai enseigné. Je suis avec vous
jusqu’à la fin du monde » (Mt.28, 18-20), « la vérité vous rendra
libres » (Jn. 8, 22) et « que votre langage soit : Oui ? oui,
non ? non : ce qu’on dit de plus vient du mauvais » (Mt.5, 37).
L’Eglise n’a pas à s’adapter à l’esprit du monde, mais elle se doit de le
changer grâce à l’esprit du Christ.
De toute évidence
au Vatican on cède de plus en plus au tapage des mass-médias. Et il n’est pas
rare que pour plaire aux mass-médias et au nom d’une paix incompréhensible on
sacrifie les meilleurs de ses fils et de ses serviteurs. Mais les ennemis de
l’Eglise n’abandonneront pas leurs fidèles serviteurs, même si leurs mauvaises
actions sont manifestes.
Si nous restons
fidèles au Christ en paroles et en actes, Il trouvera Lui-même les moyens de
changer les cœurs et les âmes des hommes et par là-même le monde changera
également au temps voulu.
Aux époques de
crise de l’Eglise Dieu utilisa souvent pour son véritable renouveau les
sacrifices, les larmes et les prières de ces enfants et serviteurs de l’Eglise
qui, aux yeux du monde et de la bureaucratie de l’Eglise, étaient considérés
comme insignifiants ou qui, en raison de leur fidélité au Christ, furent
persécutés et marginalisés. Je suis convaincu que dans les temps difficiles que
nous vivons cette loi du Christ se réalise et que l’Eglise va se renouveler.
Toutefois cela présuppose de notre part un véritable renouveau et une véritable
conversion.
1er
janvier 2015, en la fête de Marie, Mère de Dieu
+
Jan Pawel Lenga
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