08 juillet, 2010

“Oui, l'avortement tue. Mais c'est un moindre mal”

LifeSite rapporte aujourd'hui cette information d'abord commentée par le blog d'Ignatius Press : une éditorialiste du Times de Londres a publié, le 30 juin, une défense de l'avortement au nom du devoir pour les femmes de défendre leurs droits. Même s'il faut, pour cela, tuer.

Antonia Senior est l'éditorialiste spécialisée dans les conseils de finance personnelle pour le prestigieux quotidien britannique. Et, paradoxe, la découverte de la maternité l'a fait hésiter sur l'existence du « droit » à l'avortement. Mais à l'instar du plus basique des terroristes, elle finit par estimer que l'on peut tuer l'innocent pour faire avancer sa propre cause.

Le texte complet d'Antonia Senior est disponible ici en anglais, sous le titre « Oui, l'avortement tue. Mais c'est un moindre mal. » Il est extrêmement révélateur d'un certain état d'esprit chez les pro-choix, mettant à nu leur cynisme, leur idéologie, leur égoïsme revendiqué par système. Je vous en propose ici la traduction.

J'ai me suis posée des questions. Mais le droit d'une femme de choisir son propre style de vie passe avant tout.
Dans le « Cradle Tower » de la Tour de Londres une exposition interactive demande aux visiteurs de voter pour dire s'ils sont prêts ou non à mourir pour une cause. Mmm, voyons. J'aime les dauphins, mais si on en venait vraiment à un choix, adieu Flipper. Je suis prête à invectiver un juge de ligne uruguayen lorsque mon pays m'appelle, mais je ne suis pas prête à me prendre une coupure avec du papier pour l'Angleterre, sans même parler d'une balle.
Debout dans le lieu où les martyrs religieux ont été retenus et torturés pendant la turbulente réforme britannique, je ne pouvais penser qu'à une cause pour laquelle je serais prête de jouer ma vie : le droit d'une femme d'être éduquée, d'avoir une vie au-delà de son foyer et de se voir reconnaître par la loi et par la coutume d'ordonner sa propre vie comme elle l'entend. Et cela inclut le contrôle complet de sa propre fertilité. Mais quelque chose d'étrange affecte cette croyance qui a constitué pendant tant de temps le cœur de mon être : ma certitude morale à propos de l'avortement vacille, ma position absolutiste est assiégée.
Ce n'est pas un bébé, c'est un fœtus, bande de militants de Dieu, aurait balancé la moi adolescente aux pro-vie. C'est le corps de la femme, et son choix, point, aurais-je proclamé en n'importe quel patois qu'on utilisait à cette époque-là. Le rapport du Collège royal des gynécologues et obstétriciens publié la semaine dernière et affirmant que le fœtus humain ne peut pas ressentir la douleur avant 24 semaines aurait été triomphalement brandi devant quiconque aurait croisé mon chemin, avec une invitation à apprendre ce que signifie la douleur. Car il ne s'agit pas, voyez-vous, d'un débat rationnel, mais d'un débat tribal tout de passion et de vitriol.
Survint un bébé, et tout changea. Je pense à cela comme à l'énigme d'Anna Karenine. Si vous avez lu ce livre-là adolescent, vous aurez soutenu tous ses choix avec la passion de la jeunesse. L'amour avant  les conventions, vas-y Anna ! Après quoi vous avez des enfants et vous vous rendez compte qu'Anna abandonne son fils pour vivre à la colle avec un joli soldat, puis sa fille lorsqu'elle se jette sous le train. Elle devient une sorcière égoïste. Avoir un bébé conduit à repeindre le monde d'une couleur tout à fait nouvelle. Le blanc et le noir ne font plus tout à fait l'affaire.
La question de l'avortement tourne autour de la notion de la vie. La position pro-vie est claire : un bébé, c'est une vie, avec des droits, depuis l'instant de la conception. La position pro-choix insiste au contraire sur le fait que nous ne parlons là que d'une vie potentielle, sans droits. Et l'embryon n'est pas une personne.
Pour le dire crûment, le débat est celui des droits fœtaux contre les droits reproductifs. Mais vous ne verrez jamais une formulation aussi dépassionnée de la part des militant. Les deux parties s'emploient à utiliser un langage qui leur permet de faire avancer leurs positions. Les femmes interrompent leur grossesse ou tuent leurs bébés, tout dépend de qui en parle. Dans la propagande pro-vie, les détails gore sont racontés avec une délectation purulente : au cours d'un avortement par aspiration, le fœtus est « décapité et démembré ».
Si les scientifiques avaient établi qu'un fœtus peut ressentir la douleur dès un très jeune âge, plutôt que l'inverse, les pro-vie s'en seraient saisis, mais en vérité cela n'a que peu d'incidence sur les arguments principaux des deux côtés. Soit un fœtus est une vie depuis la conception, soit il ne l'est pas : la capacité à sentir la douleur n'est pas en elle-même un facteur déterminant.
En fait, il est extraordinairement difficile de parvenir à une définition de la vie. Friedrich Engels a dit : « La vie est l'état d'être des protéines. » Mais aucune définition unique n'emporte l'adhésion des scientifiques ou des philosophes. Certains scientifiques avancent que l'Univers est agencé de telle façon que l'irruption spontanée de la vie est inévitable – Christian de Duve, biologiste nobélisé, a décrit la vie comme un « impératif cosmique ». D'autres soutiennent que l'existence de la vie est tellement peu probable qu'elle constitue un coup de bol miraculeux. Dans les deux cas, il y a quelque chose d'absolument extraordinaire dans la notion que nous sommes tous de la matière recyclée – que nos atomes ont jadis fait partie d'autre chose, d'animé ou d'inanimé, et qu'une sorte de miracle d'assemblage nous a créés, vous et moi.
La vie est-elle définie par la conscience ou par la connaissance de soi ? Est-elle simplement la capacité de respirer ? Prenez donc quelques instants pour essayer de définir ce qu'est être humain et en vie. Ça y est ? Pas facile, n'est-ce pas ?
Ce qui devient de plus en plus clair à mes yeux, c'est qu'en l'absence d'une définition objective, le fœtus est une vie, quelle que soit l'aune subjective que l'on adopte. Ma fille a été formée à la conception, et toute cette alchimie à peine comprise qui a transformé l'heureux accident de la rencontre de ce spermatozoïde-là avec cet ovule-là en ce marmot chéri, cette petite bourrée de personnalité, s'est produite en cet instant-là. Elle est si évidemment elle-même, sa propre personne : forgée en mon sein, et non pas par mon maternage.
Toute autre conclusion est un mensonge commode que nous autres, côté pro-choix, racontons à nous-mêmes pour nous sentir mieux à propos de l'action de prendre une vie. Le petit être en forme d'hippocampe qui flotte dans un utérus accueillant est un miracle de la vie qui grandit. Dans un utérus hostile il ne s'agit plus d'une vie, mais d'un fœtus – qu'on peut donc tuer.
Nous voici donc avec un problème. Un mouvement qui se développe en Amérique, conduit par Sarah Palin, est le féminisme pro-vie. Il tente de découpler le féminisme du droit d'avorter, arguant que l'on peut croire au droit de la femme à l'autonomisation sans croire en son droit d'avorter. Ses promoteurs font état d'une lame de fond de soutien parmi les femmes jeunes qui cherchent à réinventer l'idéologie de leurs  mères.
Mais on ne peut séparer les droits des femmes de leur droit de contrôler leur fertilité. Le facteur unique le plus important pour la libération des femmes a été notre nouvelle capacité d'imposer notre volonté à notre biologie. L'avortement aurait été légal depuis des millénaires si c'était les hommes dont les espoirs d'avenir et les carrières qui avaient été soudainement bloqués par une grossesse inattendue. Le mystère sur lequel on s'est penché au cours de bien des sorties avec les filles est bien de savoir comment diantre les hommes, que Dieu nous les garde, ont réussi à se garder l'hégémonie politique et culturelle pendant une si longue période. La seule réponse possible est qu'ils ne sont pas soumis à leur biologie autant que nous le sommes. Regardez la carte du monde : le droit à l'avortement à la demande est presque exactement corrélé à l'attente que l'on peut avoir de vivre une vie libre de toute misogynie.
Comme toujours, lorsqu'une question que nous croyions blanche ou noire devient plus nuancée, la réponse consiste à choisir le moindre mal. Les presque 200.000 bébés avortés chaque année au Royaume-Uni chaque année sont le moindre mal, quelle que soit la manière de définir la vie, ou même la mort. Si vous êtes prêt à mourir pour une cause, vous devez être prêt à tuer pour elle, aussi.
Cela se passe de commentaires, mais mérite d'être médité.

Comment réagira la délicieuse petite fille d'Antonia, le jour où elle apprendra que sa mère aurait pu la sacrifier au nom de son « style de vie » ?

© leblogdejeannesmits.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà notre ancien droit:

Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur.

L’enfant simplement conçu est tenu pour né, chaque fois qu’il y va de ses intérêts.

Non debet calamitas matris ei nocere qui in ventre est.

Le malheur qui va frapper la mère ne doit pas nuire à celui qui est dans son sein.

Anonyme a dit…

Je trouve ce témoignage très intéressant, parce que juste. Il s'agit d'admettre une réalité. Tout n'est pas noir ou blanc! Je trouve qu'elle met bien en perspective le dilemme que représente l'avortement, mais aussi le droit des femmes à disposer de leur corps.

Anonyme a dit…

Certes, elle met en perspective, mais pour finalement trancher : pour faire respecter ses droits, il ne faut pas hésiter à tuer.
Et 200 000 morts par an dans son propre pays ne lui semblent pas un prix trop lourd.
Et si un jour la route de son propre enfant croisait celle de quelqu'un "qui a besoin de tuer pour faire respecter ses droits" ?

Barbara.

philippe a dit…

Je viens de lire Wikipedia et je suis sidéré. 42 millions d'avortements dans le monde en 2003!!
Si on essaye de faire un petit calcul de l'horreur en partant de la loi Veil on arrive au chiffre effarant de 1 512 millions d'enfants avortés!!!
Chère Madame Jeanne Smits, je trouvais que vous en faisiez trop sur l'avortement...veuillez accepter mes plates excuses!!
Ce qui m'atterre le plus, c'est que tout ce génocide se traduit au nom de la liberté, c'est terrible!
Pourquoi nous parle t-on encore de la Shoah devant tellement d'horreur et de crimes contre l'innocence pure.
Merci de m'avoir ouvert les yeux!!
Amitiés à votre mari que j'ai connu avec Raphael à Salérans.

Philippe Lerda

Anonyme a dit…

on en reparle lorsque il y aura bientôt trop de monde sur terre qu'on ne pourra plus nourrir tout le monde.

Et que le niveau de vie va chutter (ou alors qui est déjà bas dans certains pays pauvre qui ne peuvent pas avoir de politique de natalité).

La question de l'avortement est une question de pays riches!

Anonyme a dit…

Cela se passe de commentaires, mais mérite d'être commenté avec une question rhétorique partisante dans la phrase d'après, puis commenté par les internautes ? :p

Peter henri a dit…

C'est très intéressant car elle reconnait que la position pro vie est la seule réalité.
Mais sa conclusion fait de l'enfant à naître un ennemi potentiel de la réussite sociale, ce n'est palus la guerre de s sexes, c'est la guerre intergénérationnelle, celle des parents contre les enfants à naitre, qui les empêchent leurs parents de faire leur vie à leur idée?
Dans ce cas si on suit sa propre logique il pourra y avoir un jour, -en sommes nous si loin ou est ce déjà en route en Hollande- une guerre des générations et on pourra tuer la vieille génération, au nom de sa liberté, vieille génération qui coûte cher pour faire place à la jeune.
La liberté pour quoi faire ?

Anonyme a dit…

Le droit de la femme à disposer de son corps est un mensonge flagrant! Elle ne dispose pas d un tumeur de son corps mais d un fétus, un embryon un bébé d'une personne humain! Cela veut dire que pour enrayer la pauvreté il faudrait tuer tous ceux qui sont pauvre? L'avortement est un crime sexuelle comme le viol, l'inceste ou la pédophilie! Il faut tout faire pour réduire tous ces crimes!

Anonyme a dit…

Je crois que les choses sont .. plus complexes que ce que dit ce court article.

Dire que l'avortement existe là où il y a moins de misogynie est un peu rapide.

Notre géniale organisation économique mondiale divise les femmes en deux fonctions actuellement : fonction reproductrice, mere, aux ventres du sud, produisant des travailleurs moins chers, putain pour les femmes du nord.

A terme, il ne restera pas grand chose de la "non misogynie" du nord peuplé d'enfants nés de telles "reproductrices".

Quant à dire surtout qu'une société produisant autant d'avortements par an que la notre, n'est pas misogyne ... je n'y crois pas.

Les avortements dus au fait que les femmes ne sont pas aimées, pas aidées sont le produit de la misogynie.

Je pense que les femmes doivent pouvoir choisir de vivre, de continuer, une grossesse ou pas, mais parmi celles qui avortent, je ne pense pas que la majorité le fassent parce que c'est la grossesse elle meme, le rapport avec l'enfant lui meme qu'elles ne supportent pas.

Je crois que les femmes choisissent d'avorter trop souvent parce qu'elles ne se sentent pas, ne sont pas, assez soutenues, pas autorisées à dire qu'elles veulent le garder, parce que leur choix c'est garder l'enfant ou garder la possibilité de gagner de quoi le faire vivre selon les criteres tres exigeants de notre société et en sécurité ...
Non je ne crois pas au cynisme des femmes non plus du tout, je crois aux difficulté des mères.

elisseievna

 
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