11 mars, 2011

A Cuba, l'avortement est une méthode contraceptive comme une autre

Passionnant article de BBC Mundo, le service hispanophone de la vénérable radio britannique. Les journalistes s'y interrogent sur le fait qu'à Cuba, les femmes vivent vraiment l'avortement comme un droit. « A Cuba, quand une femme enceinte va voir le médecin, il y a une question qu'elle s'attend immanquablement à entendre : “Tu vas te le faire enlever ou tu vas le laisser ?” Et la femme cubaine sait qu'elle a le droit de décider. »

Cuba est un cas quasi unique en Amérique latine en ce que l'avortement est totalement libre, jusqu'à 10 semaines de grossesse, depuis que la Révolution l'a dépénalisée en 1965. Et on y enregistre une prévalence d'« IVG » tellement forte que les commentateurs assurent ques les femmes cubaines utilisent l'avortement comme un moyen contraceptif comme un autre, pour remplacer ou pour compenser l'échec des autres moyens.

Commentaire du Dr Miguel Sosa : « A Cuba, l'avortement ou le curetage est facile, sûr, commode et gratuit. » Il s'agit du président de la Société scientifique cubaine pour le développement de la famille… Sic.

Mais même les autorités cubaines commencent à se poser des questions puisque, paraît-il, le recours à l'« IVG » dépasse les bornes et ces « abus », et elles finissent par y voir un « problème de santé » : plus exactement, elles estiment notamment que les taux élevés et les avortements multiples auxquels recourent certaines femmes dénotent chez celles-ci une méconnaissance des risques que peut susciter cette pratique sur la santé reproductive de la femme.

Tiens, l'avortement, « facile, sûr, commode », légal, contôlé et remboursé par l'Etat comporterait donc des risques ?

Pour Miguel Sosa, oui. En 2009, près de la moitié des cas d'infertilité chez les femmes ont eu pour cause les séquelles d'un ou de plusieurs avortements, assure-t-il.

Et si le taux, malgré tout, baisse – 84.687 avortements, tout de même, en 2009 contre le double en 1986, pour une population totale d'environ 11 millions ! – la raison en est, selon lui, le recours de plus en plus généralisé à la « régulation menstruelle » introduite en 1989. Cette pratique consiste à vider l'utérus par aspiration jusqu'à 6 semaines d'aménorrhée, que la grossesse soit vérifiée ou non, sans anesthésie, sans consentement des parents pour les mineures. La BBC, citant les chiffres de la thèse doctorale de Miriam Grant, rapporte un taux de 36 « régulations » pour 1.000 femmes en 2004. Mais ces chiffres ne sont pas retenus dans les statistiques de l'avortement.

C'est intéressant, vu le contexte. Le Dr Pierre Simon – ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, grand promoteur de la contraception et de l'avortement, – raconte dans son autobiographie De la vie avant toute chose son rêve de voir généralisée la généralisation de la « régulation menstruelle ». Les femmes iraient chaque mois chez le médecin pour faire vider le contenu de leur utérus, et ne sauraient jamais si elles étaient enceintes ou non. Ce serait en effet la banalisation ultime de l'avortement…

Comme causes des chiffres monstrueux de l'avortement à Cuba, on cite aussi bien la pauvreté et la crise du logement que développement du rôle de la femme dans la société, ce qui laisse en effet un large panel d'explications, quoique très différentes de celles avancées en France, par exemple, pour expliquer la stagnation haute du nombre d'« IVG ».

Il est vrai que les causes habituellement avancées – défaut d'accès aux méthodes anticonceptionnelles, mauvaise information des jeunes – sont ici assez largement caduques.

77 % des Cubaines en âge de procréer (de 12  à 49 ans) utilisent une forme ou une autre de contraception, selon les statistiques de santé de l'Etat en 2009. Les campagnes d'éducation sexuelle menées par l'Etat auprès des jeunes démarrent dès l'école. Et plusieurs méthodes contraceptives sont d'accès très facile, à un prix très bas.

Miriam Grant estime que tout le problème vient du fait qu'il n'y a pas assez de méthodes contraceptives différentes sur le marché cubain pour que les femmes puissent faire leur choix en termes de « quantité, qualité et de diversité ». Fallait bien trouver quelque chose…

En attendant, on nous explique qu'il y a une chose qui ne disparaîtra pas à Cuba, grâce notamment à la Révolution qui a permis à la femme de « s'intégrer socialement et d'avoir un développement professionnel complet » : l'idée que l'avortement est un droit. Y toucher ? Pas question !

L'article de la BBC se conclut (irrésistible) : « Il y a une chose qui met d'accord toutes les personnes interviewées par BBC Mundo, c'est que la tolérance à l'avortement est un phénomène qui se transmet de génération en génération. » Tant qu'il y en a…

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