Statut de beau-parent : vers la pluriparentalité
Le projet de loi sur le statut de beau-parent, promis par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne présidentielle, vient d’être mis officiellement sur les rails avec l’ouverture d’une « phase de concertation » auprès des associations, en vue d’une adoption à l’automne. Si le projet est porté par le ministère de la Justice, celui du Travail et le secrétariat d’Etat à la Famille, le soin de faire connaître la nouvelle a été laissé à la première (et très symbolique) association consultée : l’Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans » (Inter-LGBT), à quinze jours de la « Marche des fiertés homosexuelles ». L’association GayLib a également été reçue à la Chancellerie vendredi.
Pas d’ambiguïté, donc. L’avant-projet de loi vise une clientèle précise : cette part de la « communauté homosexuelle » qui réclame le droit de constituer des familles avec enfants. Mais comme lors de la création du PACS, c’est un droit plus « universel » que l’on met en place, pour mieux faire avaler la transgression ; et de même qu’avec le PACS, la démarche contribue à déconstruire l’édifice social tout entier.
On aurait tort, une fois de plus, de s’étonner. Le projet venait du candidat Sarkozy lui-même, et il avait pris le soin de s’en expliquer dans le magazine gay Têtu en avril 2007 : « Je ne veux pas qu’on montre du doigt ceux qui vivent cette réalité [l’homoparentalité]. Il y a une façon d’ouvrir les choses, avec le statut de beau-parent. Et, pour le coup, cela va au-delà des familles homosexuelles, puisque cela concernerait toutes les familles recomposées. Je suis moi-même beau-père, je connais cette situation. »
Famille chrétienne s’émouvait la semaine dernière des menaces gouvernementales sur la famille. Un peu tard…
L’Inter-LGBT n’a pas caché sa satisfaction au vu de l’avant-projet désormais rédigé, même si elle regrette au passage l’absence de l’ouverture de l’adoption simple (sans renonciation à l’autorité parentale de la part du parent biologique) aux couples non mariés, et l’attribution des congés parentaux aux beaux-parents. Mais les discussions ne font que commencer…
En réalité, le projet vise à faciliter et amplifier les possibilités déjà offertes par la pratique on ne peut plus courante du mandat consenti au « tiers » par le parent biologique disposant de la garde d’un enfant pour les actes de la vie courante, et celle de la délégation de l’autorité parentale à un « tiers de confiance » sous le contrôle du juge des affaires familiales. La loi Ségolène Royal de 2002 sur l’autorité parentale avait posé ce jalon, et des couples homosexuels s’en sont déjà servis, mais il ne s’agit pas d’un droit.
Le statut de beau-parent selon le projet Sarkozy consacre le droit des parents biologiques séparés d’une façon ou d’une autre de déléguer conjointement et de plein droit les actes importants de l’autorité parentale à un « beau-parent » qui vient s’ajouter à eux, par une convention soumise à la simple homologation par le juge des affaires familiales.
Autre nouveauté : le texte consacre les « liens affectifs » (droit de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec le tiers) et aboutit à mettre le « parent social » sur le même plan que le « parent biologique », en attendant que celui-ci ne soit complètement noyé dans la masse. Il prévoit aussi la possibilité pour le juge, en cas de décès d’un parent légal, de confier la garde de l’enfant à un tiers (habilité à le saisir, le cas échéant), « selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant ».
Toutes les solutions ou presque pourront donc être envisagées. Il ne faudra d’ailleurs pas oublier l’ancien beau-parent, en cas d’unions et désunions successives. Rachida Dati, envoyée au front sur le sujet en avril, n’affirmait-elle pas : « Il est enfin indispensable que l’enfant puisse conserver des liens affectifs étroits avec le tiers qui a résidé avec l’un de ses parents » ?
(Cet article a paru dans Présent daté du mercredi 18 juin 2008.)
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