10 avril, 2012

Nouvelle « affaire » à l'Académie pontificale pour la vie


L'excellent site belgicatho ayant rendu compte de l'annulation du congrès sur les cellules souches qui devait se tenir à l'Académie pontificale pour la vie du 25 au 28 avril, je n'avais pas jugé utile de revenir sur ce sujet. Mais voilà qu'il rebondit.

Belgicatho soulignait le 30 mars dernier que la raison de l'annulation donnée par l'APV n'était peut-être pas la vraie : l'institution romaine invoquait « le faible nombre des inscriptions » et donc un motif économique.

Mais cette « 3e Conférence internationale sur la recherche responsable sur les cellules souches » suscitait également la controverse puisque plusieurs orateurs invités se sont précisément spécialisés dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Le Pr Alan Trouson, président de l'Institut californien pour la médecine regénérative (ICRM), a beaucoup contribué à faciliter la récolte d'ovules multiples en vue de la fécondation in vitro ou de la congélation, et c'est lui qui a mené les recherches sur l'obtention de cellules nerveuses à partir de cellules souches embryonnaires (obtenues à partir de la destruction d'embryons). Ce scientifique australien est aujourd'hui le président de l'ICRM, une entreprise chargée d'investir 3 milliards de dollars dans la recherche, en priorité sur les cellules souches embryonnaires (voir ici quelques-uns de ses financiers cités par Wikipedia – Bill Gates par exemple).

Le professeur George Daley, chercheur au Children's Hospital de Boston (mais il a bien d'autres titres), devait quant à lui être le principal orateur du congrès. C'est une sommité dans le domaine des cellules souches, mais il s'est également distingué en militant pour le financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il a été salué en 2003 pour son travail de pionnier sur la reprogrammation de cellules souches embryonnaires en cellules de sperme aptes à fonctionner. C'est lui encore qui a obtenu une dizaine de lignées de cellules souches, à partir de la destruction d'embryons, sur les 152 qui ont été approuvées par Barack Obama en 2009 pour la recherche subventionnée aux Etats-Unis.

Un troisième promoteur de la recherche sur les cellules souches et du « transfert nucléaire de cellules somatiques » – un euphémisme pour désigner le clonage non reproductif – , John Wagner, devait également assurer une conférence. (Voir par exemple ici un article co-signé avec Meri Firpo, spécialiste de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.)

Si la compétence professionnelle de ces chercheurs ne fait pas de doute, leur choix comme orateurs distingués au cours d'un congrès qui annonce vouloir promouvoir la recherche « responsable » est pour le moins paradoxale.

Aussi plusieurs membres de l'Académie pontificale pour la vie, comme Mercedes Arzu Wilson, membre fondateur, et Judie Brown, membre également, ont dit à LifeSite leur « soulagement » de voir le congrès annulé. Mme Wilson précisait que les conférenciers avaient été choisis sans consultation des membres de l'APV.

Mgr Ignacio Carrasco de Paula.
Il a remplacé Mgr Rino Fisichella
à la tête de l'APV.
Le nouveau président de l'APV, Mgr Ignacio Carrasco de Paulo, avait insisté auprès des orateurs pour qu'ils ne fassent pas l'apologie de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, selon un membre de l'APV qui a répondu à LifeSite sous le couvert de l'anonymat ; ce même interlocuteur ajoutait cependant que leur simple présence était de nature à semer la confusion dans l'esprit des fidèles et du public du fait de la place d'honneur qui était octroyée à des pionniers et des partisans de la recherche destructrice sur l'embryon.

La Catholic News Agency (CNA) vient de son côté de rendre compte de l'existence de deux lettres émanant de l'APV et qui apportent des éclairages divergents sur l'annulation du congrès.

L'une des lettres, envoyée ces derniers jours à un intervenant au programme, assure dans un anglais un peu approximatif que l'annulation a été faite pour des « raisons économiques » et non à cause du « lobbying » de « quelques activistes pro-vie » (sic) qui « ne jouissent d'aucun crédit » auprès de l'Académie pontificale. La lettre porte la signature du chancelier de l'APV, le P. Renzo Pegoraro, ainsi que celle de Mgr Jacques Suaudeau, « official des études » de l'APV, pour qui l'annulation était une « mauvaise nouvelle ».

Une autre lettre, datée elle aussi du 4 avril et envoyée à certains membres de l'APV, ne portait que la signature du P. Pegoraro, assure au contraire que le report sine die du congrès est partiellement dû aux « menaces venant de certaines personnes qui, à l'aide d'informations fausses et tendancieuses, ont réussi à soulever des interrogatives (sic) des doutes ou même des craintes dans des personnes d'influence dignes de respect ». La lettre évoque également le manque de financement.

CNA rapporte cela d'après les dires d'un membre de l'APV, resté anonyme, qui affirme avoir vu les deux lettres (une photographie partielle de la seconde est présente sur le site) pour qui l'explication purement économique est « un mensonge évident ».

Trois membres de l'APV qui se sont identifiés comme opposés à la tenue du Congrès avec des orateurs favorables à la recherche sur les cellules embryonnaires affirment n'avoir reçu ni la première, ni la seconde lettre.

L'un de ces membres a signalé à CNA que le choix de ces orateurs était évidemment contraire aux statuts de l'APV qui prévoit la collaboration avec des experts médicaux catholiques ou non, mais à la condition qu'ils reconnaissent « l'inviolabilité de la vie humaine depuis la conception jusqu'à la mort naturelle ». Il ajoutait que non seulement des personnalités pro-vie reconnues, qui ne sont pas membres de l'APV, ont fait part de leur opposition, mais aussi « un nombre significatif de membres de l'Académie pontificale pour la vie, y compris certains faisant partie de son conseil de gouvernement ».

Selon cette source les « objections » de certains membres par rapport à des « orateurs inappropriés ont été rejetées sans explications par le président », Mgr Carrasco de Paula. Il ajoutait qu'un courriel envoyé précédemment par l'un des organisateurs précisait que l'Académie avait reçu « des ordres émanant d'une autorité plus haute pour remplacer les orateurs inappropriés », mais qu'il avait été décidé que cela n'était pas « faisable » et qu'on avait donc choisi d'annuler.

Que l'Académie pontificale pour la vie dénonce les agissements d'« activistes pro-vie » est quand même étrange, ajoute cette source – j'ajouterai que cela est d'autant plus vrais que certains d'entre eux font manifestement partie de l'APV.

Et il faut souligner que cette nouvelle « affaire » autour de l'Académie voulue par Jean-Paul II pour défendre la vie fait suite à une autre : celle du congrès sur la fertilité, fin février, où nombre d'intervenants présentèrent la fécondation in vitro comme une solution acceptable pour certaines femmes souffrant d'infertilité (voir ici).

Cela fait beaucoup en trois mois.

Et c'est à rapprocher, me semble-t-il, avec l'attitude de Mgr d'Ornellas, évêque français plus particulièrement chargé de la bioéthique, qui refuse systématiquement de tenir un langage clair sur certains sujets qui font passer l'Eglise pour rétrograde : le refus de la fécondation in vitro par exemple. J'avais relevé ici ses « réponses » à mes questions sur la FIV lors d'une conférence de presse en avril 2010.

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© leblogdejeannesmits

2 commentaires:

Homo Quidam a dit…

Le lien vers belgicatho est : http://belgicatho.hautetfort.com/archive/2012/03/30/rome-un-symposium-annule.html
Celui indiqué dans l'article renvoie à catho.be.
Merci!

Jeanne Smits a dit…

Merci, j'ai rectifié ici et sur riposte catholique !

 
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