23 avril, 2015

Pays-Bas : un juge ordonne de laisser partir une femme d'un établissement de soins pour obtenir l'euthanasie

Le foyer d'un des établissements WVO
(“Au service des plus anciens”)
Un établissement de soins de Vlissingen (Flessingue), aux Pays-Bas s’est vu contraint, mardi, de laisser partir une femme de 80 ans en compagnie de ses proches en vue d’obtenir l’euthanasie, alors même qu’elle n’était plus en mesure d’exprimer sa volonté. La femme, dont le nom n’a pas été révélé, a été euthanasiée mercredi par le truchement de la Clinique de fin de vie qui se charge notamment des cas où le médecin soignant refuse d’accéder à la demande d’euthanasie de son patient.
La décision d’ordonner la remise de la femme entre les mains de sa famille a été prise à la demande de cette dernière par un juge des référés d’Utrecht, à l’issue d’une nouvelle audience de référé qui s’est déroulée dans l’urgence mardi après-midi. Dans un premier temps, la famille avait saisi le juge des référés de Middelburg, obtenant une première victoire judiciaire face à l’établissement Ter Reede et à l’association qui la gère, WVO, qui arguaient  de l’incapacité de la femme à exprimer sa volonté, sur la foi du jugement de son médecin traitant et d’un pyschologue. Le juge avait refusé d'ordonner une enquête sur la capacité de la femme à prendre une telle décision, comme l'avait demandé WVO.
Apprenant que les proches de la patiente voulaient la faire euthanasier dans de très brefs délais, l’association WVO avait aussitôt saisi le juge pour faire suspendre l’exécution de la première décision jusqu’à son examen par une cour d’appel, soulignant qu’il s’agissait d’une « situation d’urgence ». L’éventuelle décision de la cour d’appel n’était attendue que pour le mois de mai prochain.
L’avocate de la famille a fait valoir à l’audience que cette attente serait « insupportable » pour la femme qui a déjà pris congé de sa famille une première fois au mois de mai et qui allait devoir recommencer.
Le juge Sap d’Utrecht a fermement rejeté la demande de l’établissement de soins soulignant qu’il se réclamait à tort d’une situation d’urgence. « Il ne s’agit pas d’une incapacité. Vous ne voulez pas accepter la décision. Vous vous mettez vous-même dans cette situation. Je pars du principe que vous allez respecter le souhait de Madame. C’est la dernière chose que vous puissez faire pour elle. »
Deux juges ont ainsi suivi l’opinion de la famille de la victime et de sa famille selon lesquels la femme avait le désir de mourir aux termes d’une décision qu’elle avait prise alors qu’elle était en pleine possession de ses moyens. C’est  la première fois qu’un tel conflit autour d’un refus d’euthanasie aboutit ainsi devant la justice. Et la première fois aussi qu’un juge donne plus de poids à l’avis de la Clinique de fin de vie (Levenseindekliniek) qu’à celui du médecin traitant qui est proche d’une patiente qu’il connaît bien, et d’une institution qui affirme aujourd’hui avoir voulu protéger une personne âgée vulnérable.

La Clinique de fin de vie a fait évaluer l’état de l’octogénaire par un médecin qu’elle avait mandaté, un deuxième médecin indépendant qui fait partie des médecins-conseil chargés de conseiller les médecins saisis de demandes d’euthanasie, et par un psychiatre indépendant, qui ont tous jugé que la femme était en situation d’exprimer sa volonté, au moins en ce qui concerne un désir d’euthanasie.
Steven Pleiter, directeur de la
Clinique de fin de vie
L’établissement où elle était soignée avait au contraire tenu compte de sa situation cognitive d’ensemble, faisant appel au médecin traitant, au psychologue « maison » et à l’ensemble du personnel. Le juge d’Utrecht a estimé cela insuffisant, puisqu’ils n’était pas apparu qu’ils avaient la connaissance ni l’expérience spécialisées que l’on peut attendre en matière d’évaluation de demandes d’euthanasie. La Clinique de fin de vie estime en effet si bien cibler ses conversations avec des candidats à l'euthanasie qu'une heure d'entretien est bien plus révélatrice que les mois, voire les années d'une relation de soins personnalisée. Steven Pleiter, son directeur ajoute qu'on peut prendre plaisir à boire du chocolat chaud à la chantilly, à chanter dans une chorale et faire des blagues et avoir quand même un désir de mort…
Ainsi se dessine un nouveau pas vers la « démocratisation » de l’euthanasie aux Pays-Bas : l’évaluation des demandes est ici jugée plus juste et plus certaine lorsqu’elle émane d’une organisation spécialisée, fût-ce une association qui milite pour un accès plus facile à la « mort choisie » ?

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