15 avril, 2021

Le cardinal Marc Ouellet prépare un symposium sur le sacerdoce revisité à la sauce synodale

Synodalité, nouvelle approche des vocations au sein du « peuple de Dieu », réflexion sur le rôle des femmes dans l’Eglise et sur le célibat sacerdotal : lors d’un symposium sur le sacerdoce et les vocations à venir en février prochain au Vatican, aucun débat ne sera exclu. Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle, car ce que l’on sait de cet événement organisé par le cardinal Marc Ouellet, l’actuel préfet de la Congrégation pour les évêques, c’est qu’il entend revisiter la théologie du sacerdoce à l’aune de Vatican II, non sans s’appesantir sur le fameux « sacerdoce des baptisés » et la complémentarité des vocations dont le mariage ferait partie. Le tout en présence de plusieurs cardinaux et culminant dans un « envoi en mission » assuré par le pape François lui-même.

Le cardinal Marc Ouellet, qui semble devoir être remplacé à la tête de la Congrégation pour les évêques d’ici au mois de juin, n’en est pas moins très proche du pape, et il restera, on le comprend, à un poste clef du dispositif actuellement déployé à Rome en vue d’un renouveau généralisé, et qui pourrait bien culminer à l’automne 2022 avec le synode des évêques sur la synodalité. Ces réformes que tout annonce (en particulier le synode pour les jeunes qui avait pour leitmotiv incongru cette même « synodalité », et le synode pan-amazonien) font l’objet de travaux convergents.

Le Symposium pour une théologie fondamentale du sacerdoce a été présenté lundi à la Salle de Presse du Vatican par le cardinal Ouellet et il vise notamment à examiner la relation entre le sacerdoce ordonné et le sacerdoce des fidèles, comme l’indique Michael Haynes dans un article de LifeSiteNews dont je vais m’inspirer assez largement en traduisant librement plusieurs passages de ses propos.

C’est Ouellet lui-même qui a déclaré que la conférence qui se déroulera à Rome du 17 au 19 février prochains répondra au désir de « synodalité » du pape François, en s’appuyant sur les thèmes proposés par le concile Vatican II ; c’est encore lui qui a révélé que des sujets tels que les femmes diacres et le célibat clérical seraient également abordés, manière de dire que la discussion à leur propos n’est pas close, alors que certains les imaginaient définitivement réglés.

Le symposium s’adresse tout particulièrement aux évêques, aux clercs, aux religieux et aux religieuses, et se démarque par la place donnée aux cardinaux « poulains » de François. L’ouverture des trois jours de réunion a ainsi d’ores et déjà été confiée au cardinal philippin Luis Antonio Tagle qui assurera la première conférence sur « Foi et sacerdoce aujourd’hui ». Très apprécié dans les cercles « LGBT » parce qu’il a déclaré à des jeunes en 2015 que l’Eglise devait tirer des leçons des attitudes et des actes dommageables dont elle faisait jadis preuve à l’égard de groupes « marginalisés », tels les « gays », les « divorcés », les « mères célibataires »…

Tagle, qui est à la tête de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, est proche de la très progressiste « Ecole de Bologne » partisane d’une « rupture » dans la tradition de l’Eglise, avec Vatican II pour point de départ. Selon le vaticaniste Giuseppe Nardi, Tagle entre dans la logique du refus du « prosélytisme » cher au pape François, qui passe par une dévalorisation de la volonté de « convertir » les non catholiques, et dans la logique du document d’Abu Dhabi sur la fraternité humaine, qui présente la diversité des religions comme une « sage volonté divine ».

D’autres cardinaux présideront les demi-journées suivantes : le préfets de la Congrégation du clergé (à nommer), le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements (le remplaçant, lui aussi à nommer, du cardinal Sarah), le préfet de la Congrégation pour l’Education catholique (pas davantage identifié), la « Congrégation pour la cause des saints, et enfin le préfet du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie (actuellement présidé par le très progressiste cardinal Kevin Joseph Farrell, proche de l’ex-cardinal McCarrick qui s’est distingué récemment en soulignant que l’Eglise ne peut bénir des unions homosexuelles comme des mariage sacramentels mais qu’elle « accompagne » tout le monde, ce qui a été perçu comme une manière de contourner l’interdit).

Lors de la conférence de presse de lundi, le cardinal Ouellet était flanqué de Michelina Tenace, professeur de théologie, l’une des multiples femmes qui prendront la parole lors du symposium, tandis que le P. Vincent Siret recteur du Séminaire pontifical français de Rome intervenait par vidéo.

Tous trois ont déclaré que le symposium à venir n’avait pas pour but "d’offrir des solutions pratiques à tous les problèmes pastoraux et missionnaires de l’Église", mais plutôt de comprendre et de réexaminer la vocation du sacerdoce, Tenace affirmant qu’il offrirait une nouvelle réflexion et une nouvelle compréhension du sacerdoce.

Les trois jours du symposium seront consacrés à différents thèmes : « Tradition et nouveaux horizons » le premier jour, « Trinité, mission et sacramentalité » le deuxième jour, et « Célibat, charisme et spiritualité » le troisième jour.

À la lumière du manque de vocations sacerdotales, le cardinal Ouellet a indiqué que le symposium porterait principalement sur la relation entre les laïcs et le clergé ordonné.

Décrivant le lien entre le sacerdoce du Christ et la participation de l’Église à ce sacerdoce comme une « question cruciale pour notre temps », Ouellet a fait remarquer qu’il ne pouvait être compris qu’en examinant le « rapport fondamental entre le sacerdoce des baptisés, que le Concile Vatican II a mis en valeur, et le sacerdoce des ministres, des évêques et des prêtres, que l’Église catholique a toujours affirmé et spécifié ».

Ce « rapport » nécessiterait des « réajustements pastoraux », impliquant « des questions œcuméniques à ne pas négliger, ainsi que les mouvements culturels qui remettent en question la place des femmes dans l’Église », a expliqué le septuagénaire.

Il a fait référence à la pénurie généralisée de vocations, aux « tensions » locales découlant de « visions pastorales divergentes », ainsi qu’au « multiculturalisme et aux migrations » et aux « idéologies qui conditionnent le témoignage des baptisés et l’exercice du ministère sacerdotal dans les sociétés sécularisées ».

« Dans ce contexte, comment vivre une conversion missionnaire de tous les baptisés sans une nouvelle conscience du don de l’Esprit Saint à l’Église et au monde par le Christ ressuscité ? », a-t-il demandé.

Mais pas un mot de l’extraordinaire chute des entrées au séminaire depuis l’accession du pape François, ni de sa « négativité » à l’égard des séminaristes et des prêtres décrite récemment par le P. Peter Stravinskas dans Catholic World Report. Celui-ci citait notamment une étude sur les attitudes épiscopales menée actuellement par Francis X. Maier de l’université Notre Dame aux Etats-Unis : « Aucun des évêques que j’ai interrogés n’a pu faire état d’un seul séminariste diocésain inspiré par le pape actuel pour entrer dans la vie sacerdotale. Aucun n’a pris plaisir à reconnaître ce fait », note ce chercheur.

Le père Siret, qui a déclaré qu’« il ne suffit pas de répéter » l’enseignement antérieur sur le sacerdoce et la communion de toute l’Église, mais a appelé à répéter « sans cesse » cette réflexion, et toujours de manière renouvelée.

Le symposium est proposé comme une réponse au « cléricalisme », un thème cher au pape François, et qui fait doucement sourire quand on considère la manière dont Rome s’en prend depuis l’accession au pontificat de Bergoglio à des congrégations traditionnelles comme les Franciscains de l’Immaculée ou à des évêques, des prêtres, des religieux ou des religieuses attachés à l’enseignement traditionnel de l’Eglise ou à la spiritualité traditionnelle de leur communauté. Le cardinal Ouellet lui-même n’est pas étranger à ces procédés on ne peut plus « cléricaux »…

Mais on comprend mieux en constatant que le pape François, si proche de Ouellet et réciproquement, a directement lié le « cléricalisme » à la « rigidité », terme par lequel il s’en prend au clergé traditionnel, en particulier ceux qui sont attachés aux rites liturgiques traditionnels de l’Église latine et portent les vêtements sacerdotaux traditionnels, comme la soutane.

Faisant écho au cardinal Ouellet, l’abbé Siret a déclaré que le symposium se situe « dans la voie de la synodalité ». « Cette voie est en effet le seul moyen d’échapper au cléricalisme ecclésial », a-t-il ajouté :il s’agit donc de dénoncer la conception et l’expression traditionnelle du sacerdoce.

Décrivant les thèmes particuliers qui seront abordés lors du symposium, Mme Tenace a pour sa part révélé qu’il s’agira d’examiner la relation entre le « sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun » des fidèles, une idée qui a déjà donné lieu à de nombreux abus liturgiques depuis Vatican II, et « d’approfondir la théologie du sacerdoce », réaffirmant ainsi les « traits essentiels de la tradition catholique de l’identité du prêtre, et peut-être de la libérer d’une certaine cléricalisation ». Celle que le modernisme dénonce en le faisant remonter au Concile de Trente…

Elle a ajouté que le cléricalisme était un danger à la fois pour les prêtres et pour l’Église dans son ensemble, car il associe le sacerdoce au « pouvoir » au lieu du service, et considère le sacerdoce comme un « privilège » au lieu d’une « responsabilité ».

Elle a ajouté que « la question du célibat sacerdotal doit être abordée » : « La question soulevée est que la fonction sacerdotale n’exige pas le célibat », a-t-elle déclaré, notant toutefois qu’il est requis dans la « tradition latine ».

Le programme du symposium révèle également qu’une table ronde est effectivement prévue pour aborder “les femmes et le ministère”, tandis qu’une autre session est consacrée à l’examen du sacerdoce et du célibat dans l’Église d’aujourd’hui.

En outre, Mme Tenace a fait allusion à d’éventuels changements dans « la théologie sacramentelle et la liturgie », affirmant qu’il s’agissait de domaines qui devaient être « reproposés » lors de la conférence. Elle a appelé à un mouvement de l’Église avec les temps actuels, affirmant que « chaque époque élabore une ecclésiologie actualisée ».

Michael Haynes note :

Tenace a mentionné l’image du prêtre comme le ministre ordonné qui dirige la paroisse et administre les sacrements, comme relevant d’« une vision très limitative », suggérant qu’« il y a urgence » pour le symposium à corriger cette vision, « parce que la communauté entière doit être considérée ».

L’insistance de Tenace sur une nouvelle compréhension du sacerdoce en référence à la communauté, semble s’aligner étroitement sur une erreur condamnée par le pape Pie XII dans son encyclique Mediator Dei (1947), qui mettait en garde contre la faussete de la position suivante : « Ils affirment que le peuple possède un véritable pouvoir sacerdotal, tandis que le prêtre n’agit qu’en vertu d’une fonction qui lui est confiée par la communauté. »

Dans son ouvrage Mass and the Sacraments, le théologien du XXe siècle, le père John Laux, a mis en garde contre les dangers inhérents à la promotion répandue et non clarifiée du sacerdoce des fidèles, puisque c’est sur cette base que Martin Luther s’est rebellé contre les autorités ecclésiales.

Laux a également noté que s’il existe un sacerdoce universel des fidèles, ce n’est pas la seule forme de sacerdoce puisqu’il existe la plus grande forme de sacrifice et de sacerdoce instituée par le Christ, la messe et les descendants ordonnés des apôtres :

« Tous les fidèles sont bien “une race élue, un sacerdoce royal”, mais ils ne sont pas les représentants du Christ à l’autel, ils ne changent pas, à la messe, le pain et le vin en Corps et Sang du Christ, ils ne sont pas les “dispensateurs des mystères de Dieu”, ce n’est pas à eux que le Christ a dit : “Faites ceci en mémoire de moi”. »

La question de la « complémentarité des vocations » qui sera centrale au symposium mérite également une mention. Traditionnellement, la « vocation » désigne dans le langage de l’Eglise l’appel singulier de Dieu à ceux qu’Il veut exclusivement à son service dans la vie sacerdotale ou religieuse, une plus haute voie de sainteté (ce qui ne veut pas dire que les consacrés sont forcément de plus grands saints !) que celle de l’état de vie commun, le mariage. On semble s’orienter, d’après l’allure générale de ce symposium, vers un certain nivellement.


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