15 juillet, 2017

La réponse aux Dubia : le cardinal Schönborn a-t-il validé la communion pour les divorcés remariés



Le jeudi 13 juillet, le cardinal Christoph Schönborn a donné une conférence à Dublin dans le cadre des activités de préparation de la Rencontre mondiale des familles organisée par l'Eglise catholique en Irlande en 2018. A cette occasion, il s'est permis – à la place du pape ?, en tant que porte-parole du pape ? – de donner sa réponse aux cinq Dubia soumis par les quatre cardinaux (Brandmüller, Burke, Caffarra et feu le cardinal Meisner) au pape François. C'est en tout cas ce qu'affirme Greg Daly du quotidien The Irish Catholic qui a tweeté, pendant que la conférence se déroulait : « A propos des Dubia, le cardinal Schönborn dit que l'on peut répondre “oui” à toutes les questions. Il a même dit qu'il l'a affirmé à l'un des cardinaux des Dubia. » Etant donné que l'une de ces questions portait sur le fait de savoir si un divorcé remarié n'ayant pas obtenu de déclaration de nullité de son mariage pouvait accéder en certaines circonstances à la communion, cette réponse positive confirme l'interprétation littérale d'Amoris laetitia qui  l'affirme de manière sournoise mais nette dans une note de bas de page.


Ce tweet, qui correspond manifestement à des notes prises au vol au cours de la conférence par le journaliste, n'a pas été démenti à ma connaissance à l'heure d'écrire ces lignes, ni par son auteur, ni par le cardinal.

La réponse aux Dubia suscités par l'exhortation post-synodale est attendue du pape François lui-même. Il semble tout à fait décidé à ne pas la donner, mais il n'a pas fait mystère  du fait que le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, est son porte-parole privilégié en la matière ; il a déjà renvoyé des journalistes qui posaient des questions sur Amoris laetitia aux écrits de Schönborn.

Les cinq questions (in extenso ici) peuvent être résumées ainsi :

1. Les personnes vivant dans un état d’adultère habituel peuvent-elles recevoir la sainte communion ? 
2. Existe-t-il des normes morales absolues qu'il faut respecter « sans exception » ? 
3. Est-il encore possible d’affirmer qu’une personne qui vit habituellement en contradiction avec un commandement de la loi de Dieu, comme par exemple celui qui interdit l’adultère (cf. Mt 19, 3-9), se trouve dans une situation objective de péché grave habituel ? 
4. L'enseignement suivant est-il encore valide, selon lequel, quel que soit le degré d'atténuation de culpabilité d'un individu du fait des circonstances, les dites circonstances ne peuvent transformer un acte intrinsèquement mauvais en un acte subjectivement bon
5.  L'enseignement de l'Église selon lequel en appeler à la conscience ne peut pas surmonter les normes morales absolues est-il toujours vrai ? ?

En bonne doctrine, elles attendent cinq réponses : dans l'ordre, non, oui, oui, oui et oui.

Comme le note Steve Skojec de OnePeterFive, les questions – sous cette forme condensée – sont tellement simples  qu'il ne faudrait pas plus de 30 secondes au pape François pour y apporter une réponse conforme à l'enseignement de l'Eglise (il pourrait même, ironise le journaliste, les donner depuis la cabine pressurisée d'un avion, environnement qui à l'évidence, « stimule la loquacité du pape »).

Mais s'il faut en croire Greg Daly, le cardinal Schönborn répond « oui » à cette première question, dont voici la retranscription complète, telle qu'elle a été posée dans les Dubia :

« 1.    Il est demandé si, en conséquence de ce qui est affirmé dans Amoris lætitia aux n. 300-305, il est maintenant devenu possible d’absoudre dans le sacrement de Pénitence et donc d’admettre à la Sainte Eucharistie une personne qui, étant liée par un lien matrimonial valide, vit more uxorio avec une autre personne, sans que soient remplies les conditions prévues par Familiaris consortio au n. 84 et réaffirmées ensuite par Reconciliatio et pænitentia au n. 34 et par Sacramentum caritatis au n. 29. L’expression “dans certains cas de la note 351 (n. 305) de l’exhortation Amoris lætitia peut-elle être appliquée aux divorcés remariés qui continuent à vivre more uxorio ? »

Le « oui » du cardial Schönborn rend incohérentes les réponses subséquentes. Si l'on répond « oui » aux deuxième, troisième, quatrième et cinquième questions, la première ne peut en toute logique recevoir une réponse positive. Si l'on ouvre la porte à la communion des divorcés « remariés » qui continueraient de vivre dans l'adultère, n'ayant pas obtenu de déclaration de nullité pour tout mariage antérieur, le détricotage de la doctrine est tel qu'il faut bien dès lors affirmer qu'il existe des actes intrinsèquement mauvais, des « normes morales absolues, obligatoires sans exception » comme celles concernant le mariage qui ne sont plus considérées comme telles. Répondre « non » à la première question revient encore à interdire de dire de manière systématique qu'« une personne qui vit habituellement en contradiction avec un commandement de la loi de Dieu, comme par exemple celui qui interdit l’adultère (cf. Mt 19, 3-9), se trouve dans une situation objective de péché grave habituel ».

Même chose pour la validité de l'enseignement de Veritatis splendor qui affirme : « Les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte subjectivement honnête ou défendable comme choix », car dire possible l'accès de la communion à des divorcés remariés s'appuie précisément sur des conditions de circonstance ou d'intention. Le raisonnement est le même pour la cinquième question.

Avec Amoris laetitia, c'est bien le principe d'identité qui prend un coup que les adversaires de la vérité voudraient mortel puisque que les interprétations reviennent à dire que deux choses contradictoires peuvent être vraies en même temps et sous le même rapport, comme le démontre abondamment la réponse du cardinal Schönborn : les cinq « oui » sont impossibles en même temps (en vérité, les quatre questions qui suivent le premier des Dubia ne font que dérouler sous forme interrogative les conséquences logiques d'un premier « oui ») mais cela ne semble déranger personne parmi les partisans d'une « pastorale » déconnectée de la doctrine.

D'après l'article de Greg Daly, le cardinal Schönborn est allé au delà de ces remarques en soi contraires à l'enseignement traditionnel de l'Eglise. Il le cite comme ayant déclaré  que l'Eglise catholique fait tout ce qu'elle peut pour renforcer la famille, y compris des familles souvent considérées comme non traditionnelles. « Favoriser la famille ne signifie pas de défavoriser d'autres formes de vie – même les personnes vivant au sein d'un partenariat de même sexe ont besoin de leurs familles », a-t-il déclaré de manière assez ambiguë, car s'il ne fait pas de doute que chaque personne s'insère dans une famille par la filiation et en a besoin,  cela laisse sous-entendre que la « famille » homosexuelle remplirait ce rôle.

Le cardinal Schönborn a soutenu que le nombre des « dénommées situations irrégulières » (l'expression est de Greg Daly mais figure plusieurs fois dans Amoris laetitia)  a énormément augmenté en raison des « grands changements du cadre de la société » : alors que chacun peut se marier, « ils sont très nombreux à choisir de ne pas le faire ». Et d'ajouter : « Mais n'oublions pas que le mariage, tel que nous l'avons aujourd'hui, est un privilège qui était assez rare au cours des siècles passés, où un tiers au plus de la population pouvait se marier. » Le cardinal a rappelé la situation dans ce qu'on appelle aujourd'hui la République tchèque, au temps de l'empire autrichien, où les servants et servantes n'avaient pas le droit de se marier. Mais il faudrait ajouter, si la chose est vraie, qu'il ne s'agit pas là d'une loi de l'Eglise mais d'un abus de pouvoir qui méconnaît les droits fondamentaux de l'être humain.

La conclusion que Schönborn en tire est de ce fait sans objet : « Amoris laetitia vous dit que le mariage et la famille sont possibles aujourd'hui », comme s'ils ne l'étaient pas jadis et ce en raison de la rigueur de la loi de l'Eglise. Selon lui – rapporte Daly –, la réception de l'exhortation doit se faire au terme d'un long processus à travers des négociations et des discussions.

Le cardinal Schönborn en a profité pour décocher une flèche en direction des cardinaux des Dubia, qu'il a accusés de manière vive (voir ici sur le site du Catholic Herald), alors que le cardinal Meiser, mort au début du mois, n'étais pas encore enterré. « Que des cardinaux, qui devraient être les plus proches collaborateurs du pape, tentent de lui mettre la pression et de l'obliger à faire une réponse publique à leur lettre largement diffusée constitue un comportement absolument inconvenant », a-t-il dit selon Greg Daly. Schönborn a précisé lors d'une rencontre avec la presse : «  Je crains ceux qui ont des réponses rapides et claires en politique et en économie, mais aussi en religion. Les rigoristes et les laxistes ont des réponses claires et rapides, mais ils oublient de regarder la vie. Le rigoriste évite l'effort du discernement, de regarder la réalité de près. Le laxiste laisse filer tout ce qu'il peut, il n'y a pas de discernement. Ils sont les mêmes, mais à l'opposé. » Blanc et noir se rejoignent dans la pensée moderne !

Evoquant devant les journalistes le chapitre 8 d'Amoris laetitia, à propos des divorcés « remariés », le cardinal Schönborn a dénoncé la manière d'aborder le sujet : « Le plus souvent, le sujet est réduit à une seule question : “Peuvent-ils recevoir la communion ? Oui ou non !”  Le pape François a dit : “C'est un piège !” En se focalisant sur cette seule question l'objet principal d'Amoris laetitia est oublié : regardez de près et discernez. »

A propos de ce «  discernement pastoral »,  le cardinal a déclaré que, au vu de l'immense diversité des situations qui peuvent  exister pour des couples rencontrant des difficultés, « il est compréhensible qu'on ne puisse attendre ni du synode ni de cette Exhortation qu'ils apportent une nouvelle série de règles générales, canoniques par nature et applicables à tous les cas ».

Cette réponse, qui rejette l'existence de la norme absolue ou à tout le moins son applicabilité à chacun, est parfaitement cohérente avec les cinq « oui » attribués au cardinal.


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2 commentaires:

TM a dit…

Il faut réponde positivement au dubia 4 lui-même, mais pas au résumé que vous en faites :

4. Après les affirmations contenues dans "Amoris lætitia" n. 302 à propos des "circonstances qui atténuent la responsabilité morale", faut-il encore considérer comme valide l’enseignement de l’encyclique de Saint Jean-Paul II "Veritatis splendor" n. 81, fondé sur la Sainte Écriture et sur la Tradition de l’Église, selon lequel "les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte subjectivement honnête ou défendable comme choix" ?
Réponse : oui, bien sûr. Veritatis Splendor 81 est toujours valable.

Maintenant, si vous le résumez ainsi :
4. Un acte intrinsèquement mauvais peut-il devenir un acte « subjectivement bon » en raison des « circonstances » ou des « intentions » ?
La réponse est : non, bien sûr. Ce serait contraire à Veritatis Splendor 81. De tels actes intrinsèquement mauvais ne peuvent jamais devenir subjectivement bons.

Jeanne Smits a dit…

Merci mon Père, de votre vigilance ! J'ai été trop rapide. Je rectifie tout de suite.



 
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