18 septembre, 2015

Mitis Iudex : le président de la commission de réforme, Mgr Pio Vito Pinto, veut qu’elle serve au « nombre démesuré » de personnes qui n’ont pas accès à la déclaration de nullité

Passé assez inaperçue en France, l’article publié le 8 septembre dernier à propos de Mitis Iudex par le président de la commission spéciale pour la réforme des procès matrimoniaux canoniques, Mgr Pio Vito Pinto jette une lumière sans équivoque sur l’objectif poursuivi par la simplification des procédures de déclaration de nullité. Non seulement il a dirigé la commission qui a travaillé pour le pape en vue de la publication de ses Motu proprio du même jour, mais il s’est exprimé dans L’Osservatore Romano, avec tout le poids que donne une parution dans le journal du Vatican. Or ce qu’il dit est lourd de sens : le prélat indique que l’objectif de la réforme est qu’il puisse y avoir davantage de déclarations de nullité.
« Voulue et décidée par le pape François », comme le dit le sous-titre de l’article à propos de la réforme, elle relève du « pouvoir des clefs » donné à saint Pierre par Notre-Seigneur Lui-même. L’article prend soin de rattacher les nouvelles pratiques aux procédures et réformes antérieures, pour affirmer que la réforme est dans la continuité des réformes de Benoît XIV et de saint Pie X et « dans le même esprit ».
Mgr Pio Vito Pinto s’explique : « La réforme du pape François, mue par le même esprit qui anime Benoît XIV et Pie X, ne se distingue cependant pas uniquement par une véritable refondation du procès canonique matrimonial, mais avant tout par les principes théologiques et ecclésiologiques qui le soutiennent. »
S’appuyant sur la 40e proposition finale du synode des évêques de 2005, Mgr Vito Pinto met en évidence la nature de ces principes : « Elle recommandait “d’approfondir ultérieurement les éléments essentiels pour la validité du mariage, en tenant compte aussi des problèmes qui surgissent dans le contexte de la profonde transformation anthropologique de notre temps, à cause de laquelle les fidèles eux-mêmes risquent d’être conditionnés, en particulier à cause d’un manque de formation”. »
C’est une citation incomplète, puisque la même proposition insistait sur le devoir de former les futurs couples et de « s’assurer au préalable qu’ils partagent réellement les convictions et les engagements indispensables pour la validité du sacrement du mariage ». Il s’agit donc de tout mettre en œuvre pour que le « manque de formation » n’aboutissent pas à ce que « des élans émotifs ou des raisons superficielles conduisent ceux qui se préparent au mariage à assumer une grande responsabilité pour eux-mêmes, pour l’Eglise et pour la société, qu’ils ne pourront ensuite honorer ».



Mgr Vito Pinto poursuit en invoquant également le soutien du cardinal Ratzinger, qui avait introduit l’instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur la pastorale des divorcés remariés en observant : « On devrait clarifier la question de savoir si vraiment tout mariage entre deux baptisés est ipso facto un mariage sacramentel. De fait, le Code lui-même indique que seul le contrat matrimonial « valide » entre baptisés est en même temps sacrement (cf. CIC, can. 1055, § 2). La foi appartient à l’essence du sacrement. »
En fait, il s’agissait de l’introduction d’un livre intitulé Sur la pastorale des fidèles divorcés remariés, publiée par la Librairie éditrice vaticane dans la collection Documents et études du dicastère, et non d’une instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Ce n’est pas tout à fait la même chose, d’autant que le cardinal Ratzinger ajoutait aussitôt : « Reste à éclaircir la question juridique, quant à savoir quelle évidence de “non-foi” aurait pour conséquence qu’un sacrement ne se réalise pas. »
A vrai dire si l’on poussait le raisonnement à bout on en arriverait à la situation où aucun athée, ni même aucune personne ayant perdu la foi, provisoirement même et en tout cas au moment de son mariage, ne pourrait contracter une union sacramentelle, bénie par l’Eglise avec une personne croyante. Et quid des mariages mixtes ? Suffirait-il de croire en Dieu ? Mais quel Dieu ?
Et que faire alors des mariages de non-chrétiens qui sont des mariages à part entière, sur le plan naturel : s’ils ont baptisés par la suite ils reçoivent de ce fait même la grâce du sacrement… La fidélité, l’indissolubilité, l’ouverture à la procréation sont, pour le mariage, de l’ordre de la nature.
Voilà bien des questions qui semblent avoir été laissées de côté et dont le cardinal Ratzinger suggérait qu’elles devaient être d’abord examinées.
Il devait y répondre lors de son dernier discours au tribunal de la Rote en affirmant : « Le pacte indissoluble entre un homme et une femme n’exige pas, afin d’assurer son caractère sacramentel, la foi personnelle des futurs époux ; ce qui est demandé, comme condition minimale nécessaire, est l’intention de faire ce que fait l’Église. » N’excluant pas les questions posées par ceux qui n’auraient « aucune trace de foi » (« disposition  à croire »), « ni aucun désir de grâce ni de salut », il précisait néanmoins ce que Jean-Paul II avait dit devant le même tribunal dix ans plus tôt : « Une attitude des futurs époux ne tenant pas compte de la dimension surnaturelle du mariage peut le rendre nul uniquement si elle porte atteinte à la validité sur le plan naturel, sur lequel est placé le signe sacramentel lui-même. » En notant qu’aujourd’hui ce bien même simplement naturel peut être « blessé » par le manque de foi.
Mgr Vito Pinto était présent lors de ce discours qui posait certes des questions mais évitait tout « automatisme facile ».
Mgr Vito Pinto assure que Benoît XVI et François partagent un « point d’analyse commun » à propos « du sacrement célébré sans foi de la part d’un grand nombre de divorcés remariés civilement, contraints à vivre dans les périphéries, loin des portes de nos églises ». Peut-être. On se souvient en effet de la sollicitude pastorale du pape émérite souhaitant, comme ses prédécesseurs, que ces personnes ne rompent pas avec l’Eglise, qu’elles conservent la pratique, dominicale notamment, qu’elles exercent les œuvres de charité, et qu’elles éduquent chrétiennement leurs enfants. Mais on se souvient aussi de ses discours à la Rote Romaine qu’il exhorta à plusieurs reprises de ne pas prononcer des nullités à la légère, l’invitant à plus de rigueur.
Il est vrai que Mgr Vito Pinto arrête là la comparaison. « Mais il y a une nouveauté essentielle qui met en évidence la mission propre du pape François. Ce n’est plus l’heure de l’analyse, c’est l’heure d’agir, de donner l’impulsion à cette œuvre de justice et de miséricorde attendue depuis trop longtemps, en réordonnant la pratique pastorale et canonique qui est substantiellement en vigueur depuis un peu moins de trois siècles. C’est ce qu’annonçait François au début de son pontificat, le 28 juillet 2013, lors de la conclusion des JMJ à Rio de Janeiro. »
Pour comprendre, poursuit le prélat, il faut rappeler que l’un des points centraux du pontificat est celui-ci : « L’Evangile du Christ met les pauvres au centre. »
Il explique un peu plus loin : « Ainsi François, avec cette loi fondamentale, donne-t-il le véritable coup d’envoi à sa réforme : en mettant au centre les pauvres, c’est-à-dire les divorcés remariés tenus au loin ou considérés comme tels, en demandant aux évêques une véritable metanoia. C’est-à-dire une “conversion”, un changement de mentalité qui les persuade et les encourage à  répondre à l’appel du Christ, présent dans leur frère, l’évêque de Rome, en passant du nombre restreint de quelques milliers de nullités à celui, démesuré, des malheureux qui pourraient obtenir la déclaration de nullité – en raison de l’évidence absence de foi en tant que passerelle vers la connaissance et donc la libre volonté de donner le consentement sacramentel – mais il sont laissés dehors par le système en vigueur. »
Un nombre « démesuré », vraiment ? Ne s’oriente-t-on pas vers l’« automatisme facile » ? Au nom d’une « metanoia », d’une « conversion » non pas au Christ, la seule qui vaille, mais à un changement de mentalité qui leur permette de prononcer un nombre « démesuré » de nullités.



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