17 janvier, 2014

Victoire ! La vie sauvée de Vincent Lambert

L'article ci-dessous a paru dans Présent du 18 janvier 2014. Pour que le dossier soit complet sur ce blog, je le mets en ligne ce jeudi 30 janvier, à l'heure où Rachel Lambert et le CHU de Reims viennent d'annoncer leur intention de faire appel de leur décision devant le Conseil d'Etat. Mais pour plus de cohérence, je le classe à la date du 17 janvier, jour où il a paru sur Internet.

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avec une particulière solennité, a « suspendu » la décision du Dr Eric Kariger, du CHU de Reims, de faire mourir Vincent Lambert en lui supprimant toute nourriture et toute hydratation. Vincent Lambert, c’est ce jeune homme tétraplégique de 38 ans qui, à la suite de son accident de la route il y a cinq ans, a également subi des lésions cérébrales qui le laissent désormais en « état de conscience minimale plus ». En clair, il perçoit le monde qui l’entoure et éprouve des émotions, sans pouvoir communiquer de manière fiable et cohérente.

C’est une victoire éclatante et inattendue – vu l’incessant tam-tam médiatique justifiant la mort de Vincent Lambert – pour le respect de toute vie, même et surtout fragile et vulnérable.

Eclatante parce que le tribunal de Châlons, saisi d’un référé liberté, a dérogé à ce qui est habituel en ce cas, en siégeant en formation plénière et en donnant la parole au rapporteur public. Aussi, en levant la séance suivie avec la plus grande attention par les neuf juges, le président Jean-Jacques Louis a expliqué que le tribunal entendait dépasser un peu le délai limite pour rendre une telle décision d’urgence, afin de pouvoir rédiger une ordonnance fortement argumentée, à laquelle le nombre de magistrats impliqués allait donner un poids important.

De fait, les onze pages de l’ordonnance sont un modèle de rigueur et d’exhaustivité. Tous les points soulevés de part et d’autre ont été examinés et font l’objet d’une réponse motivée, ce n’est pas fréquent.

Pour autant Rachel Lambert, l’épouse de Vincent, ainsi que son neveu François feront probablement appel devant le Conseil d’Etat en vue d’obtenir malgré tout son « débranchement », et le Dr Kariger a déjà fait savoir que le CHU de Reims s’engagerait sur la même voie.

Le tribunal de Châlons, il faut le souligner, n’a pas accédé à toutes les demandes présentées par Me Jérôme Triomphe et Me Jean Paillot, avocats des parents et du frère et de la sœur de Vincent Lambert. Oui, il y avait urgence, et atteinte à une « liberté fondamentale », le « droit au respect à la vie » du jeune homme. Mais non, la nourriture et l’hydratation artificielles ne constituent pas des soins ordinaires, comme ils le soutenaient aux côtés des médecins présents, mais des « traitements » médicaux.

Si l’on s’en tient à cette appréciation, d’autres grands handicapés, pourvu qu’ils puissent exprimer leur volonté en ce sens, peuvent très bien être mis à mort par le retrait de la nourriture et de l’eau, la dimension euthanasique de la loi Leonetti n’est pas contestée.

Mais le tribunal a balayé l’idée que l’on puisse tenir compte de déclarations informelles antérieures à l’accident de ne pas vouloir être maintenu en vie dans ce genre de situation car le patient ne se trouvait pas alors « confronté aux conséquences immédiates de son souhait ». Balayée, aussi, l’affirmation indécente selon laquelle Vincent Lambert aurait voulu ne pas vivre ainsi parce qu’il ne partageait pas les valeurs morales et l’engagement religieux de Pierre et Viviane  Lambert, les parents, qui auraient agi par « idéologie » à en croire la motivation de la décision de mise à mort prise par Eric Kariger.

Surtout, le tribunal a souligné que Vincent Lambert est conscient, sans que l’on sache exactement comment, et que sa vie n’est donc pas artificiellement maintenue par une alimentation dont nul n’a démontré qu’elle lui causerait des « contraintes ou souffrances » : « Ainsi, l’alimentation et l’hydratation artificielles qui lui sont administrées, dès lors qu’elles peuvent avoir pour effet la conservation d’un certain lien relationnel, n’ont pas pour objet de maintenir le patient artificiellement en vie, cet artifice ne pouvant au demeurant se déduire du seul caractère irréversible des lésions cérébrales et l’absence de perspective d’évolution favorable. »

Bref, sans le dire mais l’idée est bien là, supprimer la nourriture et l’hydratation dans un tel cas n’est pas un laisser mourir mais un faire mourir : un acte homicide.

Les réactions politico-médiatiques dans leur ensemble sont consternées. Changeons vite la loi, disent-ils. Les loups sortent du bois !

JEANNE SMITS

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