11 janvier, 2014

« Mort cérébrale » : La vie sauvée de Jahi McMath

Jahi McMath est-elle morte ou vive ? Pour les lois de Californie, elle n’est plus qu’un cadavre. Cette petite jeune fille a été déclarée en état de mort cérébrale le 12 décembre dernier, et les Etats-Unis se passionnent pour la bataille judiciaire victorieusement menée par sa famille pour empêcher que son ventilateur artificiel ne soit débranché, ce qui aurait entraîné… la cessation de ses fonctions vitales : l’arrêt cardiaque et respiratoire. Soit, pour employer un terme plus cru, plus technique, radicalement exact : la mort. Mais donc, elle n’est pas morte, malgré le certificat de décès établi à son nom vendredi dernier et portant la date du 12 décembre !

Nailah Winkfield n’est pas seulement sa maman, une maman blessée au cœur par les souffrances de sa fille, c’est une maman chrétienne, très croyante. Qui respecte la vie et qui veut voir la vie de sa fille Jahi, 13 ans, respectée jusqu’au bout – tout en priant pour qu’elle guérisse. Elle a obtenu dimanche dernier le transfert de sa fille, que l’hôpital pour enfants d’Oakland, Californie, refusait de soigner, vers un établissement médical catholique qui a accepté enfin de ne pas débrancher son ventilateur, de la nourrir et de lui donner les antibiotiques et les soins dont elle a besoin.

A l'heure qu'il est, rien ne dit que Jahi vivra. Il n'y a peut-être rien à faire : l'état de l'adolescente ne peut que se détériorer, répètent des experts dans la presse américaine. Mais là n'est pas la question. Il ne s'agit pas de nier la mort qui surviendra peut-être, ni de maintenir artificiellement en vie un corps qui serait déjà décédé, mais de reconnaître que le corps de Jahi « fonctionne » comme une unité vivante, son cœur bat, son sang circule, lorsqu'on la nourrit et qu'on l'hydrate, son état s'améliore.

Existe-t-il une obligation morale absolue de continuer de ventiler un patient dans un tel état ? C'est-à-dire : de retirer un moyen mécanique externe qui soutient la vie existante avec la quasi certitude que le patient en mourra ? Sans doute non. C'est dans la situation concrète qu'une telle décision se prend, au terme d'un discernement qui ne peut évacuer les questions morales ni la volonté des proches.

Mais dans l'affaire de Jahi, la question est posée à l'envers. Existe-t-il une obligation absolue de cesser de ventiler et de soigner un patient sous prétexte qu'il a été décrété en état de mort cérébrale (notion fluctuante et qui fait l'objet d'une multitude de définitions juridiques divergentes) ? C'est ainsi que la posent les autorités médicales de Californie, et elles répondent oui. Le problème fondamental de cette approche est bien qu'elle considère comme déjà mort un corps encore vivant.

Un problème qui se manifeste dans les cas, certes rares mais pas inédits, où des patients en « mort cérébrale » se réveillent – parfois au moment où leurs organes vont être prélevés en vue d'une transplantation. L'approche aboutit aussi à décréter purement « réflexe » toute réaction constatée par les proches sur leur malade lorsqu'ils lui parlent ou le touchent.

Dans le cas de Jahi, tout commence le 9 décembre avec une banale opération des amygdales et des végétations nécessaire pour en finir avec ses apnées du sommeil. La jeune adolescente se réveille normalement – elle qui avait si peur avant l’opération de rester pour toujours endormie – et réclame une glace. Elle a mal. Et elle commence à saigner. Les soignants demandent à Nailah de recueillir le sang qui coule de sa bouche. Le récipient qu’ils lui ont donné n’y suffit pas : de gros caillots remontent, Nailah appelle au secours. On lui tend un récipient plus grand…

Ce n’est que lorsque Jahi, à force de perdre du sang, subit un arrêt cardiaque, que les médecins se dérangent enfin. Massage cardiaque, soins intensifs : le cœur de Jahi recommence à battre. Mais le 12 décembre, la jeune fille est prononcée en état de mort cérébrale : on explique à sa mère que son cerveau est définitivement sans activité. Tous les soins, la nourriture sont à partir de ce moment-là coupés. Jahi a toujours un ventilateur – qui insuffle l’air, mais c’est elle qui expire – que les médecins veulent retirer au plus vite. L’hôpital ne l’évoque plus par son prénom : on parle du « corps ».


« Elle veut hurler ! »


Nailah refuse. « Je la sens. Je sens ma fille. J’ai le sentiment qu’elle est prisonnière dans son propre corps. Elle veut hurler, et me dire quelque chose ! » Avec l’aide de toute sa famille et d’un avocat rompu aux confrontations avec les puissants, elle obtient le 18 décembre que le ventilateur de Jahi ne soit pas coupé. Et le 5 janvier, l’hôpital a dû plier, en mettant en mesure la jeune fille de quitter les lieux avec le minimum nécessaire pour qu’elle ne meure pas pendant le transfert entre les mains du médecin légiste, qui l’a remise à sa famille. L’avocat, Chris Dolan, avait plaidé le respect de la vie privée et des convictions religieuses de la famille de Jahi, contre le droit revendiqué aux termes de la loi californienne par l’hôpital d’Oakland de prendre unilatéralement la décision de « débrancher ».

Ledit avocat a été l’objet de maintes menaces de mort pour avoir donné de « faux espoirs » à la famille et profité de leur détresse. Ce que les journaux ne disent généralement pas, c’est qu’il la défend bénévolement, sans demander un sou : « J’ai des tonnes d’argent. Ça m’est égal. Je perdrai de l’argent. C’est peut-être pour cela que les gens ont tant de mal à comprendre ce qui m’anime. Cette dame m’a demandé d’empêcher que sa fille soit tuée. »

Jeudi matin, l’alimentation de la jeune fille, coupée depuis le 12 décembre, a pu être rétablie et une trachéotomie facilite sa respiration. Son état de dénutrition avait fait craindre le pire jusqu’à mercredi – l’oncle de Jahi, Omari Sealey, expliquait alors : « Si son cœur cesse de battre pendant qu’elle est ventilée, nous pouvons l’accepter. »

Ce qu’ils n’acceptent pas ? Qu’elle ait été maintenue pendant un mois dans une sorte de « couloir de la mort », comme le dit Nailah. Qu’on la considère morte alors qu’elle est chaude, qu’elle respire, qu’elle digère, que ses organes fonctionnent en maintenant son intégrité corporelle – et qu’elle réagit lorsque sa mère lui parle et la touche, comme en atteste sa grand-mère, infirmière.

La petite Jahi a failli être victime, volée de sa guérison espérée ou de sa mort naturelle, des lois sur la « mort cérébrale » qui toutes, rappelle le pédiatre Paul Byrne, ont été adoptées en vue de faciliter le prélèvement d’organes vitaux « à cœur battant ». Le Dr Paul Byrne (qui avait accordé un long entretien à Présent, dans nos numéros des 6 et 10 mars 2011, repris ici sur ce blog) a examiné Jahi et constaté qu’elle est en vie, qu’elle répond par des mouvements à la voix de sa grand-mère. « Je suis sûr qu’elle est en train de guérir de son amygdalectomie. La guérison ne se produit que chez une personne vivante. » « Les gens ne deviennent pas “morts” parce que des médecins les déclarent “morts” », a-t-il commenté sur le site pro-vie LifeSiteNews : « Si les médecins y arrivent, ils prendront les organes de cette jeune fille. »

Il s’exprimait alors que Jahi était encore dans l’hôpital qui voulait programmer sa mort. Aujourd’hui il y a un espoir – ténu – pour que Jahi, soignée, aille mieux. Et en tout cas la certitude que sa vie sera respectée jusqu’au bout.

Cela vaut la peine de se battre. Et cela vaut la peine de saluer cette bataille alors que ce samedi 11 janvier, un arrêt de mort – une décision d’euthanasie par arrêt de l’alimentation – risque d’être signé en France par un médecin de Reims contre Vincent Lambert qui, lui, est en état de conscience minimale, capable de ressentir bien-être ou douleur.

• Article paru dans le n° 8018 de Présent, du vendredi 10 janvier 2014, et mis à jour le 11 janvier.

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