31 octobre, 2013

Les journées de la famille à Rome avec le Pape François : « Vous êtes sel et levain »

© Photo : Olivier Figueras
Premiers pas dans la « Rome de François ». Rome est éternelle, et ce ne sont que les apparences qui changent – mais elles changent de manière palpable. Vendredi, à trois pas de la place Saint-Pierre, une sirupeuse mélodie, très forte, envahit l’air exceptionnellement doux en cette fin d’après-midi ensoleillée. Piano et crooners chrétiens : on répète pour la rencontre des familles, le lendemain. Entre deux témoignages de couples, avec les grands-parents et les enfants, il y aura aussi des petits spectacles. L’ennui de l’exercice dans ce contexte, c’est qu’il tient plus souvent du patronage que de la variété réussie. Du danger de mélanger les genres…

Un peu plus tard, sur la place, la nuit tombée, une autre nouveauté accueille le pèlerin. En vain, nos yeux cherchent les lumières qui naguère filtraient, rassurantes, depuis les deux grandes fenêtres des appartements pontificaux surplombant à droite la colonnade du Bernin. Derrière elles, souvent bien tard, Jean-Paul II puis Benoît XVI travaillaient dans le calme d’une solitude retrouvée, veillant sur la chrétienté ; et le chrétien de passage, espérant se faire mystérieusement entendre, murmurait une prière à l’intention du pape.

Le pape François n’est plus là ; il est resté à Sainte-Marthe derrière la vilaine Aula Paul VI, et les Romains ne voient plus le signal de sa présence, puisque ses fenêtres sont tournées vers l’intérieur. Fort heureusement d’ailleurs pour les services de sécurité : une rue très passante file au pied de Sainte-Marthe qui jouxte les murs de la Cité du Vatican et, déjà, on a doublé les effectifs des tours de garde.

Bref, si le style, c’est l’homme – mais pour un homme d’Eglise, cela se discute ! – il est clair que le pape François a choisi de détonner ; il a rejeté, bien plus encore que ses prédécesseurs, faste, solennité, apparat ; vêture, ornements traditionnels et distance ; et jusqu’au ton, puisqu’il affectionne les onomatopées familières et des mots-clefs à la signification souvent peu certaine. (Oui, les fameuses « périphéries » sont revenues plusieurs fois dans le discours ou l’homélie des deux rencontres de François avec les familles…)

Un pape populaire

L’impression première, dimanche à la messe des familles devant une place Saint-Pierre qui ne se remplira vraiment qu’à l’Angelus, est en effet d’une forme de décontraction. La liturgie de la messe demeure assez classique : on récite les mystères glorieux en latin avant le début de la cérémonie, panneaux et haut-parleurs annoncent les emplacements des confesseurs, facilement accessibles ; on chantera le Kyriale 8 et le Credo en latin. Mgr Guido Marini, cérémoniaire de Benoît XVI, est toujours aux commandes ; du moins il est toujours à la gauche du pape François et le folklore est loin d’être au premier plan.

Mais d’où vient ce sentiment de relâchement ? Après s’être posé cette première question – la réponse se trouve probablement dans la manière de marcher, de bouger, de parler du pape François – une deuxième se présente aussitôt à l’esprit : est-ce grave ? Ou est-ce une bonne chose pour l’Eglise ?

Pas de doute, le nouveau pape est populaire : la foule crie à son approche, fait tout pour le toucher, pour attirer son attention et François se prête volontiers au jeu, incroyablement présent à chacun, dit-on ; mais l’homme a pris le pas sur la fonction. Une « starisation » inconvenante, aurait dit la presse pour Jean-Paul II ; aujourd’hui on se plaît à y voir une preuve que François touche davantage les cœurs que Benoît XVI. Mais à voir de près ce rapport entre la foule et l’homme, on y constate bien moins d’intériorité.

C’est aussi un cauchemar pour les services de sécurité. Alors qu’il était presque arrivé à l’arcade qui mène derrière la place saint-Pierre, à la fin du bain de foule à l’issue de la messe, nous l’avons vu faire brusquement demi-tour pour un dernier passage parmi une foule qui n’était déjà plus contenue dans les enclos et qui se dirigeait vers la sortie sous les colonnades. Gendarmes et Suisses couraient dans tous les sens pour maîtriser la situation. « Personne ne sait jamais où il passera », nous confie un responsable de la communication. Cela résume assez bien la situation.

Trois mots quotidiens


Vous parler du contenu de ces jours pour la famille ? Bien sûr. Lors de la rencontre avec les familles samedi après-midi – à laquelle nous n’assistions pas – le pape a parlé du « manque d’amour » dans les familles et des souffrances « pénibles », des silences, des « fatigues » que Notre Seigneur connaît. Il a invité les époux à puiser leur force dans la « grâce du sacrement » plutôt que de se focaliser sur une belle cérémonie, une belle fête, qui ne sont que « décoration » face à leur mission de « fonder une famille et mettre au monde des enfants ».

Et de revenir sur ce qu’il avait déjà dit il y a trois semaines : une famille dans la joie, un mariage fidèle se fonde sur la répétition quotidienne de ces trois mots : « Avec ta permission, merci, excuse-moi ». A quoi il a ajouté une invitation devenue elle aussi classique chez lui : il faut écouter les grands-parents, « sagesse de la famille, sagesse d’un peuple ». « Un peuple qui n’écoute pas les grands-parents est un peuple qui meurt ! »

A la messe du dimanche, le pape François a prononcé une homélie assez courte – bien difficile à entendre depuis la colonnade où nous étions, la sonorisation n’étant pas assez précise pour bien faire entendre sa voix. Un sermon du dimanche, aurais-je envie de dire. Avec des rappels très pratiques, très concrets, et d’abord un appel à la prière.

« Mais, en famille, comment on fait ? Parce que la prière semble être une affaire personnelle, et puis il n’y a jamais un moment favorable, tranquille, en famille… Oui, c’est vrai, mais c’est aussi une question d’humilité, de reconnaître que nous avons besoin de Dieu, comme le publicain ! Et toutes les familles ! Nous avons besoin de Dieu : tous, tous ! Nous avons besoin de son aide, de sa force, de sa bénédiction, de sa miséricorde, de son pardon. Et il faut de la simplicité : prier en famille, il faut de la simplicité ! »

Puis le pape est revenu sur « les périphéries » en insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas pour les individus, pour les familles, de « défendre » la foi « comme un compte en banque » mais de la porter partout, en « missionnaires », en « mettant partout le sel et le levain de la foi », dans les « choses de tous les jours » qui sont justement le quotidien des familles.

Enfin, la joie. Joie fondée, lorsqu’elle est fruit d’une « vraie harmonie », de la « présence de Dieu dans la famille, il y a son amour accueillant, miséricordieux, respectueux envers tout le monde. Et surtout, un amour patient : la patience est une vertu de Dieu et elle nous enseigne, en famille, à avoir cet amour patient, l’un envers l’autre ». Ce qui fait de la famille « levain pour toute la société ».

A voir quelques drapeaux de la Manif pour tous s’agiter au-dessus de la foule, difficile de ne pas penser aux menaces qui pèsent sur la famille et aux destructions qu’elle subit. C’est sans doute le côté le plus surprenant de François ; à force de « positiver », de taire les écueils et les dangers qui dépassent largement le domaine des manquements individuels, il parle comme un bon curé en chaire.

Alors que nous sommes face à un combat eschatologique contre la loi de Dieu.


Article extrait du n° 7970 de Présent, du Mercredi 30 octobre 2013

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