26 avril, 2013

Irlande : vers l'avortement légal ? Et du nouveau sur Savita

Alors que le vice-Premier ministre irlandais vient de déclarer, en marge du Conseil des affaires générales du Conseil de l'Europe à Luxembourg, que son gouvernement entend légiférer sur l'avortement d'ici aux vacances parlementaires d'été, nombre d'élus, même de gauche, se révoltent contre une mesure qui va rendre légale la mise à mort des enfants à naître.

Vidéo : ici.

Qu'Eamon Gilmore ait choisi le cadre européen pour annoncer le calendrier à la presse n'est pas fortuit.

Ce sont en effet deux faits qui sont utilisés pour faire pression sur l'Irlande afin qu'elle revienne sur son interdiction générale de l'avortement, deux pressions abusives fort commodes pour les partisans de l'« IVG » parmi les travaillistes irlandais.

Il y a d'une part la décision A, B, C contre Irlande de la Cour européenne des droits de l'homme qui a enjoint à l'Irlande de rendre plus claires les conditions auxquelles une femme dont la vie ou la santé serait exposée à un grave risque en raison de sa grossesse pourrait prétendre à un avortement à l'étranger. Cette décision reconnaissait le droit de l'Irlande de protéger la vie mais ouvrait une brèche discrète dans laquelle le lobby de l'avortement s'est évidemment engouffré, jusqu'à pousser (ou aider…) le gouvernement irlandais à préparer autorisant l'intervention en Irlande sous conditions.

D'autre part, l'affaire Savita Halappanavar, plusieurs fois commentée sur ce blog : c'est le cas d'une Indienne morte d'une septicémie alors qu'elle était enceinte de 17 semaines, et dont le mari a assuré que l'avortement qui lui avait été refusé en raison des lois irlandaises lui aurait sauvé la vie. Cette affaire qui s'est produite à quelques jours de la publication du rapport que le gouvernement irlandais avait commandé dans la foulée de la décision A, B, C de la CEDH.

A la faveur de cette affaire, l'idée s'est répandue en Irlande que l'on peut et même que l'on doit provoquer une fausse couche sur une femme pour lui sauver la vie même si l'enfant n'est pas viable et que cet acte équivaut à son arrêt de mort. S'agissant d'un acte visant directement à éliminer, et donc à tuer l'enfant, il n'est à l'évidence pas conforme au respect de la vie.

Et une chose amenant l'autre, on a décidé que les cas où l'avortement pouvait, voire devait être légal, s'étendraient aux cas où la mère menacerait de se suicider en cas de poursuite de la grossesse, même si de nombreux psychiatres estiment que cela n'est en rien une solution. (Exemple : ici.) Une polémique s'est même déclenchée ces derniers jours à propos d'une exigence que contiendrait la loi à ce propos : que la femme désirant avorter dans ce cadre voie 6 médecins, dont 4 psychiatres, pour confirmer son état suicidaire. Le gouvernement s'est empressé de dire que bien sûr une telle chose ne serait pas demandée.

A photo of the Irish abortion bill's language. 

Le vrai projet est plus étrange et plus cynique, comme le révèle Hilary White sur LifeSite en reproduisant cette photo.

Dans son état actuel, la loi exigerait l'accord d'un obstétricien et deux psychiatres pour dire que la femme présente un risque substantiel de s'en prendre à sa propre vie, et que « ce risque ne peut être prévenu que par la procédure médicale au cours de laquelle ou par l'effet de laquelle une vie humaine à naître est détruite ».

Voilà qui a au moins le mérite de la sincérité.

Et qui va se heurter de front à la Constitution irlandaise où le respect de la vie de la mère comme de l'enfant à naître est affirmé solennellement, tout en laissant la porte ouverte aux fausses couches induites en cas de danger immédiat pour la vie de mère.

MercatorNet vient de son côté de faire un résumé de l'issue de l'enquête sur la mort de Savita Halappanavar, que je n'ai pas pu évoquer en ce début de semaine faute de temps.

Sa mort, estime l'enquête officielle, résulte d'une « mésaventure médicale » : il n'est pas question dans le rapport de conclure que Savita est morte du fait qu'on lui a refusé l'avortement et encore moins parce qu'on aurait appliqué le « dogme catholique » pour justifier le refus. C'est pourtant ce qu'en ont retenu les médias.

En réalité, ce n'est pas le refus d'avortement qui a tué Savita, mais le retard de diagnostic pour une infection à l'E.coli par voie urinaire qui a abouti à un choc septique. Ce n'est pas une situation inouïe : au Royaume Uni, le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists note que la plupart des décès de femmes enceintes de moins de 24 semaines souffrant d'une telle infection est due à des soins non-conformes aux exigences minimales, le défaut de dépistage de l'infection étant en tête de liste.

UUne septicémie comme celle dont est morte Savita est liée à un taux de mortalité de 60% et son dépistage précoce est « vital » pour augmenter les chances de survie. Le diagnostic doit être confirmé au plus tôt par des examens sanguins et il faut tout de suite administrer des antibiotiques à large spectre par voie intraveineuse, le tout accompagné d'un suivi régulier.

Savita Halappanavar s'est présentée à l'hôpital le 21 octobre, souffrant de mal de dos : étant donné qu'elle avait eu des problèmes de dos par le passé elle a simplement été renvoyée chez elle. Elle revint le soir, ayant eu des saignements. Un prélèvement sanguin eut lieu ; il révéla très rapidement un fort taux de globules blancs, qui indique la présence d'une infection. Mais personne ne s'en préoccupa.

C'est seulement 24 heures plus tard, le lundi soir, qu'un membre du personnel de l'hôpital en prit connaissance ; et c'est seulement le mercredi que le médecin chargé de Savita, le Dr Katherine Astbury, s'y référa, à 11 h 24. On avait diagnostiqué la septicémie de Savita cinq heures plus tôt et son état s'était déjà beaucoup détérioré.

Lors de l'enquête, le Dr Astbury a déclaré qu'elle aurait mis fin à la grossesse de Savita le lundi ou le mardi si elle avait été au courant de l'infection ; elle s'était appuyée sur les seuls examens pour juger que la jeune femme se trouvaitt certes mal en point, mais n'était pas en état de risque.

Autrement dit, la loi irlandaise n'était pas en cause, puisqu'elle autorise (quoi qu'on en pense par ailleurs) que l'on induise une fausse couche alors que l'enfant non viable vit encore. Dès le dimanche soir, Savita avait perdu les eaux et pour le personnel de l'hôpital de Galway, la fausse couche devait se produire spontanément très vite. La rupture des membranes, en tout état de cause, plaçait Savita en état de risque d'infection et dès lundi, on lui administra par précaution des antibiotiques par voie orale, sans tenir compte de la véritable grave infection dont elle souffrait déjà.

Après quoi, selon l'enquête, les contrôles qui auraient dû être faits tous les quatre heures, avec comptage des globules blancs, n'eurent pas lieu. Et les bons antibiotiques ne furent administrés qu'à 13 h le mercredi. D'autant qu'un test au lactosérum pratiqué tôt le mercredi matin fut fait dans de telles conditions que le labo ne put l'analyser.

A partir du mercredi matin, ayant spontanément fait sa fausse couche, Savita fut transférée vers une unité de soins intensifs et reçut « les meilleurs soins possibles », mais qui n'allaient pas compenser les erreurs précédentes.

L'avortement l'eût-il sauvée ? Les opinions divergent : l'opération elle-même comporte des risques supplémentaires d'infection et la septicémie la rend contre-indiquée. D'autre part l'enfant de Savita n'était pas la source de son infection bactérienne, puisque l'utérus et les membranes forment un environnement stérile. L'usage du misoprostol pour induire des contractions en vue d'accélérer l'expulsion n'aurait pas non plus garanti que celle-ci se produise effectivement plus vite et n'aurait pas assuré que l'on puisse se passer d'une intervention chirurgicale.

En cas de fausse couche spontanée, l'approche clinique privilégiée consiste à laisser faire ; en l'absence de signes évidents d'infection, ceux-ci étant masqués par les analgésiques, l'absence d'intervention était somme toute normale.

Ayant appris d'une fausse couche était dans son cas inévitable, avec son issue tragique pour l'enfant, l'enquête révèle que Savita a demandé l'avortement afin de pouvoir quitter l'hôpital le plus radidement possible. Ses parents étaient venus la voir depuis l'Inde et s'apprêtaient à repartir. Elle voulait leur dire au revoir à l'aéroport.

Le Dr Ashbury a refusé cette demande, s'exprimant uniquement en termes légaux et sans expliquer les raisons médicales de ce choix, en disant que la loi irlandaise ne permet pas l'avortement. Une réponse qui allait désorienter Savita et son mari Praveen. Ils devaient en parler par la suite avec une sage-femme, Ann Maria Burke, en lui demandant pourquoi l'avortement est illégal en Irlande. Savita lui expliqua que l'Inde est un pays Hindou. Mme Burke répondit que l'Irlande est un « pays catholique » pour tenter d'expliquer le contexte de la loi.

Ann Maria Burke s'est excusée lors de l'enquête pour cette déclaration, qui a été amplement exploitée par les partisans de l'avortement depuis la mort de Savita alors même que la sage-femme n'était en rien chargée de prendre des décisions par rapport à la situation de la jeune femme.

Un expert, Peter Boylan, partisan connu de l'avortement légal, a assuré que c'est la loi anti-avortement qui est responsable de la mort de Savita. Cette affirmation n'a pas été reprise par le jury d'enquête qui a souligné au contraire, avec le représentant du ministère public, les erreurs médicales commises et recommandé que des procédures soient mises en place pour les éviter à l'avenir.

L'Irlande est l'un des pays les plus sûrs pour les futures mères et la mortalité maternelle laffiche le taux le plus bas du monde, alors même, et sans doute parce que l'avortement y est illégal. Et dans des cas similaires, un médecin venu témoigner a assuré qu'il avait lui-même accéléré quatre fausses couches sur des femmes souffrant de septicémie, où les bébés n'ont pas survécu. Au cours de ces 40 dernières années, on compte 5 cas d'avortement lié à une septicémie en Irlande.

Savita aura été la première femme à mourir en couches à l'hôpital de Galway en 17 ans : à Londres, 100 femmes sont mortes en couches au cours de ces 5 dernières années.

Et comme la septicémie est très difficile à contrôler, rien ne garantit que Savita aurait survécu même en recevant les meilleurs soins possibles.

Caroline Farrow, qui a publié le compte-rendu de l'enquête sur Savita ici, termine en notant que l'hôpital de Galway est depuis plusieurs années dans le collimateur comme le pire hôpital d'Irlande – une situation qui n'est pas sans lien avec les mesures d'austérité qui par ailleurs ont des effets inquiétants sur les maternités, où l'on souffre d'un manque de personnel et de moyens.

On comprend que Praveen Halappanavar soit en colère : sa femme n'aurait peut-être pas survécu, mais elle a certainement été victime d'erreurs et de fautes médicales.

Il est vrai cependant que dans son pays d'origine, l'Inde, le taux de mortalité maternelle est 33 fois plus élevé qu'en Irlande – et même aux Etats-Unis, il est 3,5 fois plus élevé.

Reste une question médicale : l'administration d'antibiotiques efficaces, d'emblée, aurait-elle permis d'attendre que la fausse couche se fasse naturellement ? Je ne connais pas la réponse.

Reste aussi la question morale. A-t-on le droit, moralement, de prendre la vie d'un enfant à naître, fût-on certain de sa mort prochaine, pour sauver la vie de sa mère ? L'éthique catholique dit non, sachant que cela demande de l'héroïsme de la part de la mère, mais le principe du respect de la vie de l'être humain innocent ne souffre pas d'exception. Ici les choses ne se posaient de toute manière pas en termes de morale catholique, puisque la loi irlandaise ne prévoit pas de poursuivre pénalement l'avortement en ce cas, et que c'est l'absence de connaissance de la situation grave où se trouvait Savita qui explique l'absence d'action pour la sauver.

En tout état de cause, accuser la loi ou accuser le dogme catholique relève d'une même manipulation.

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