12 janvier, 2013

Où l'on reparle de l'avortement post-natal

Francesca Minerva
Leur proposition avait fait le tour du monde, et suscité une indignation que j'oserai décrire comme paradoxale : Francesca Minerva et Alberto Giubilini, deux chercheurs italiens en Australie, plaidaient début 2012 pour qu'on puisse tuer les bébés après leur naissance pour les mêmes motifs qui autorisent leur élimination avant leur naissance.

Vendredi, à l'université de Turin, ils ont remis ça, rapporte Lucia Bellaspiga dans l'Avvenire. En une phrase on ne peut plus claire :

« Si nous pensons que l'avortement est moralement permis parce que les fœtus n'ont pas encore les caractéristiques qui confèrent le droit à la vie, vu que ces caractéristiques font aussi défaut aussi bien aux nouveau-nés, l'avortement post-natal devrait lui aussi être autorisé. »

Cela dépasse, note avec justesse la journaliste, le cas des enfants à naître souffrant d'une malformation : puisque la détresse économique « justifie » des avortements au motif que le fœtus n'a pas le statut de personne, pourquoi ne pas permettre cet « avortement post-natal » en ce cas.

Les deux chercheurs de l'université de Melbourne, d'origine italienne, ont indiqué qu'il s'agissait de la première fois où ils ont été invités à parler en Italie et que c'est pour eux une occasion très importante.

Ils ont signalé que leur pensée n'est pas novatrice, puisque dès les années 1970 Peter Singer en exprimait de semblables : ce qui change chez Giubilini et Minerva, c'est leur « volonté de rendre explicites certaines conséquences normatives et tenir compte des implications socio-économiques : si celles-ci sont importantes pour autoriser l'avortement, alors elles le sont aussi si l'enfant est déjà né. »

Singer, l'utilitariste, lui, parlait d'enfants trisomiques ou souffrant d'autres imperfections qui rendraient leur vie indigne d'être vécue. « Nous acceptons que la trisomie 21 et les autres maladies sont une bonne raison pour avorter, afin de protéger ainsi les intérêts de ceux qui auront la charge d'élever cette personne, mais la cohérence veut que cela vaille aussi pour tuer un nouveau-né après la naissance. »

Pour accéder au statut de personne, il ne suffirait pas de ressentir la douleur ou le plaisir mais « un développement neurologique supérieur » et pouvoir prévoir par rapport aux attentes futures qu'il existe « un intérêt pour la vie : un nouveau-né ne l'a pas ».

Maurizio Mori, directeur du Master de bioéthique de l'université de Turin, a félicité les deux jeunes chercheurs d'avoir fait progresser le débat et surtout d'avoir inventé le nom d'« avortement post-natal ».

Francesa Minerva venait de rendre compte des menaces de mort et autres insultes subies à la suite de leur première publication.

Ce qui est tout à fait paradoxal. Si cela a tant ému les gens, pourquoi ne se mobilisent-ils pas contre l'avortement tout court ?

D'aucuns avaient d'ailleurs pensé que Giubilini et Minerva avaient tenu leur raisonnement dans le seul but de faire réfléchir à l'avortement lui-même : si la logique qui le permet devrait autoriser l'infanticide, comment justifier la logique et par tant comment admettre l'avortement ?

Sans que cet aspect des choses soit totalement clarifié, force est de constater qu'à leur prestation turinoise ils ont été félicité par un maître qui par ailleurs a fait la promotion de la mise à mort des personnes en coma végétatif, et que ce même Maurizio Mori a été interpellé par plusieurs de ses pairs qui ont été profondément choqués de le voir donner une tribune aux thèse des deux bioéthiciens de Melbourne.

« Il n'est pas vrai que l'on puisse parler de tout à l'université, lui a fait savoir Assuntina Morresi, membre du comité national de bioéthique : il n'existe pas de neutralité dans le monde académique : de même que personne ne songerait à soutenir en chaire le négationnisme de la Shoah ou une thèse discriminatoire envers les Noirs, de même l'homicide des nouveau-nés est un thème qu'on ne peut recevoir. Faire abstraction de cela veut dire embrasser une idéologie dangereuse qui nous permet de tout faire. »

Mais à cette aune-là, on ne devrait pas non plus discuter de la thèse de l'acceptation de l'avortement…

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