30 décembre, 2012

Philippines : signature clandestine de la loi de Santé reproductive ; et résistance héroïque d'un universitaire

Dans le secret de son cabinet, le président des Philippines, Benigno « Noy-Noy » Aquino a signé la loi de Santé reproductive adoptée par le Congrès philippins au terme de 13 années d’âpres débats, au cours desquelles l’Eglise catholique n’a jamais cédé dans sa lutte contre un projet de distribution de contraceptifs gratuits pour les pauvres et de généralisation de l’« éducation sexuelle » obligatoire dans les écoles.

La promulgation des grands textes de loi philippins se fait habituellement de manière publique et solennelle, voire festive. Cette fois, la signature présidentielle a été apposée sous le texte à l’abri des regards et des médias : ce fut fait deux jours après le vote définitif, le 21 décembre, mais le porte-parole de la présidence, Abigail Valte, n’a diffusé l’information qu’une semaine plus tard, vendredi.

Raison officielle : l’intensité des débats a incité l’équipe de « com » d’Aquino à mettre une sourdine, à « attendre quelques jours »… Histoire de laisser passer Noël, peut-être, sans s’attirer les foudres de la hiérarchie catholique ?

« La promulgation de la loi de Paternité responsable met fin à un chapitre de notre histoire qui a marqué une profonde division entre ceux qui portaient la loi et ceux qui s’y sont opposés. Mais en même temps, cela ouvre la voie à une possibilité de coopération et de réconciliation, d’engagement et de dialogue que ne caractérisera plus l’animosité, mais notre désir collectif d’améliorer le bien-être du peuple philippin. »
Pour ce qui est de la langue de bois, le porte-parole de la présidence est décidément passé-maître. En quoi le fait d’attendre huit jours change-t-il quoi que ce soit aux arguments de fond déployés par les nombreux opposants à la loi, hiérarchie catholique en tête ? En quoi une signature en catimini panserait-elle les plaies d’une désunion qui ne résulte pas du caprice ou du sectarisme, mais de prises de position fondées sur les principes ? Il est vrai que Mme Valte a précisé ensuite qu’il s’agissait de « ne pas exacerber le conflit avec certains évêques catholiques ». Sans parler de trouille présidentielle, on devine une volonté de ne pas se faire taper sur les doigts.

La loi (« Republic Act ») 10354, s’est empressée d’expliquer Abigail Valte, ne prévoit pas une taille maximale pour les familles – c’était le cas de ses premières moutures ! – et elle a encouragé les Philippins à aller voir eux-mêmes le texte définitif sur internet afin de constater qu’aucune contrainte ni force ne sera exercée pour imposer l’usage des contraceptifs. Comme si le problème était là.

Le but affiché de la loi 10354 est de faire baisser la mortalité maternelle et la pauvreté aux Philippines, bienfaits hypothétiques qui restent à démontrer, c’est peu de le dire.

Le but réel est de faire chuter le taux de fécondité aux Philippines et de mettre un frein à la prolifération des pauvres, non en combattant la pauvreté et la corruption, mais en leur faisant comprendre qu’ils sont de trop, que leurs enfants sont de trop.

Les évêques philippins ont réagi fortement à l’adoption de la loi. L’archevêque émérite de Lingayen-Dagupan, Mgr Oscar Cruz a commenté que le président Aquino avait eu « honte » de ce qu’il avait fait, chose prouvée par la signature du texte dans le plus grand secret : « Je ne comprends vraiment pas pourquoi. Si cette loi est vraiment très bonne et au service du bien du peuple, pourquoi l’a-t-il signée sans que le peuple soit au courant ? Ils savent que ce qu’ils ont fait est inacceptable… » Beaucoup d’hommes politiques, a-t-il ajouté, « ne pensent pas à ce qui est bien ou mal mais se soucient seulement de savoir où est l’argent et où est la puissance. »

L’évêque de Sorsogon, Mgr Arturo Bastes, a estimé pour sa part que le président Aquino serait connu comme le président de la Santé reproductive, et que sa conscience le troublerait à ce propos pendant toute sa vie, « jour et nuit » : « Il a planté une bombe morale à retardement dans notre pays catholique », a-t-il souligné.

On apprenait samedi à Manille qu’un professeur de théologie à l’université jésuite Ateneo a donné sa démission en raison du soutien des responsables religieux de l’institution à la loi de Santé reproductive . Le Pr Rafael Dy-Liacco, archéo-astronome, dans sa lettre de démission, dénonce le fait que les responsables d’Ateneo aient refusé de rejeter une alliance avec « l’esprit de dédain » à l’égard de l’Eglise qui a été à l’œuvre pour faire adopter la loi.

« Cet esprit répudie la sainteté de l’Eglise et, en même temps, prétend s’assumer lui-même (Thess. 2, 4). Il a  manifesté un degré de férocité d’une importance peu commune, et même de haine. Il a révélé un dénigrement tous azimuts de l’Eglise : de ses enseignements, de ses évêques, de ses catéchistes, et de ses fidèles laïques », affirme la lettre de Rafael Dy-Liacco, adressée aux présidents des départements de théologie et des humanités de l’université. Elle portait la date du 28 décembre, fête des Saints Innocents, jour où la signature clandestine de la loi a été connue, et prenait un relief particulier dans la mesure où Benigno S. Aquino III est ancien étudiant de cette université.

C’est au nom du refus de toute collusion avec « l’esprit d’animosité contre l’Eglise », parce qu’il rejette la vérité de Dieu et que « celui qui s’allie avec lui devient comme lui », que le Pr Dy-Liacco a décidé de couper les liens avec une université qui compte de nombreux professeurs et enseignants qui ont publié leur accord avec la loi de Santé reproductive ou expliqué qu’on pouvait s’en accommoder.

De nombreux extraits de sa lettre ont été publiés sur le site de la Conférence épiscopale des Philippines.


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