14 août, 2012

Cardinal Cañizares : “Nous n’aurions pas de crise économique si ne s’était pas d’abord produite la crise de l’avortement et la crise de la famille dans les années 1970”


L’engagement des catholiques dans la société

Lors d’une conférence très remarquée donnée le 6 août dans le cadre des cours d’été organisés par l’Université catholique de Valence (Espagne) à Santander, le cardinal Cañizares a parlé de la « Nouvelle évangélisation » dans le contexte de la crise économique espagnole. Je vous propos ici ma traduction d’extraits significatifs tirés de la version audio de cette conférence décapante, disponible actuellement pour les hispanophones sur le site www.diocesisdesantander.com. La plus grande partie de cette traduction a été publiée dans le quotidien Présent daté du 14 août, disponible en ligne depuis le 13 à midi.

Laïcisme. « Dans la crise que nous vivons, et qui est tout sauf passagère – dire cela, c’est une erreur, c’est une crise d’humanité très profonde – nous sommes en face d’un changement évident de l’humanité : c’est une crise économique, certes, mais plus encore nous sommes face à une rupture d’humanité, et ce qui est en jeu, c’est l’homme. Nous sommes devant une sécularisation si terrible de notre société qu’elle est devenue un laïcisme. Et ce n’est pas seulement un laïcisme qui a pu être imposé par des partisans, mais un laïcisme au sein d’une société sécularisée, qui frappe même l’Eglise. Qui frappe l’Eglise en Espagne.

« Nous autres évêques avons dit il y a quelques années dans un document de la Conférence que nous devons prêter une attention spéciale à la sécularisation interne de l’Eglise. La question qu’elle soit affronter, disions-nous, ne se trouve pas tant dans la société ou dans l’environnement culturel, mais en son propre sein. » (…)

• Racines chrétiennes. « Il y une urgence très grande : raviver les racines chrétiennes de notre Espagne. Ce n’est pas seulement une question de culture ou un mimétisme de domination, bien au contraire : c’est simplement parce que l’avenir est là. Les racines chrétiennes, c’est la confession de la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ, fils unique. Il n’y a pas d’autre avenir. Il n’y en a pas d’autre.

« Le document Dominus Iesus est de la plus haute actualité, d’une actualité maximale en ce moment. Seul Jésus-Christ sauve. Il est l’unique ; il n’y a pas d’autre rédemption. Il n’y a personne d’autre. Ce disant on ne rejette personne, bien au contraire : c’est incorporer tous et chacun là où ils peuvent rencontrer l’amour de Dieu (…) dont la gloire est que chaque homme le rencontre. Benoît XVI, commentant la première tentation de Jésus, demande : qu’est venu apporter le Christ ? Et il répond simplement : « Il est venu nous apporter Dieu. » Rien d’autre que Dieu. Et c’est cela, cette chose fondamentale, que l’Eglise doit apporter. L’Eglise n’a ni or ni argent, elle a seulement une Parole et une mission : annoncer Jésus-Christ. (…) Dieu seul. » (…)

• Importance de la liturgie. « Et pourtant Dieu n’est pas mis au-dessus de tout. Nous parlons d’évangélisation, mais nous sommes en train d’oublier l’endroit où Dieu est au-dessus de tout : dans la liturgie. (…) Sans la liturgie, nous ne pouvons pas avancer, sans l’Eucharistie, nous ne pouvons pas avancer ni apporter quoi que ce soit, véritablement, qui vaille la peine, car ce que nous avons à apporter, c’est la réalité de Dieu Lui-même. »

• Laïcité… « Nous sommes poussés, en définitive, à une nouvelle évangélisation, et c’est elle qui est la réponse au défi du futur. Ils ne manqueront pas, ceux qui, voyant cela, diront : « Bien, nous ne sommes quand même pas en train d’essayer de revenir à un régime de chrétienté, alors que nous vivons au sein d’une société plurielle, post-sécularisée, etc. Alors que nous avons la séparation nette entre le civil et le chrétien, l’Etat et l’Eglise – tout va très bien. » Mais je ne plaide pas pour la confusion entre l’Eglise et l’Etat, ni pour la confusion entre le civil et le chrétien. Ni pour une Eglise spiritualiste, désincarnée, qui se désintéresserait des grands problèmes qui affectent notre société. Précisément, parce qu’aux yeux de l’Eglises, les hommes importent plus que tout, parce que l’Eglise s’inquiète du pauvre, du dernier des derniers, celui qui n’a pas de défense, l’innocent, précisément pour cela elle est poussée en ces moments à une nouvelle évangélisation. » (…)

• « La confrérie des absents » « Il est nécessaire que nous promouvions et que nous encouragions la présence des catholiques dans la vie sociale et publique. (…) Beaucoup de fidèles chrétiens grossissent les rangs de ceux que j’appelle « la confrérie des absents ». C’est une confrérie qui a de nombreux membres qui ne veulent pas en sortir ; ce sont les absents de notre monde, les absents de la politique, les absents des moyens de communication, les absents du monde de la science : ils laissent de côté, dans le monde de la science, de la politique, de l’économie, de la culture, etc., ils laissent à la porte la réalité de la Foi.

« Nul dans l’Eglise, personne ou institution, ne devrait aller grossir ces rangs, où l’on établit quelque chose d’aussi antichrétien – d’aussi antichrétien ! – que la séparation de la Foi et de la vie, et la réduction de la Foi à la sphère privée. La plus grande tromperie qui puisse exister, c’est de croire que la Foi se cantonne à la vie privée : « Je suis croyant, mais au sein de mon parti je dois agir conformément à ses critères. » Non ! Non ! Je le dis clairement, non !

« Il est nécessaire d’impulser la présence des catholiques dans la société, et d’encourager le témoignage de la charité chrétienne dans notre monde. Chrétiens, nous sommes appelés à offrir et à rendre présent le grand signe de la charité dans les réalités du monde d’aujourd’hui, ou, ce qui est la même chose, montrer la force de transformation et de renouvellement qui est celle de l’Evangile, dans les réalités de notre monde et de notre histoire. »

• « Ecologie », avortement. « Je prends un exemple. La charité qui réclame la défense de l’écologie environnementale, bien comprise, ne parle pas d’écologie de l’environnement, mais réclame une écologie humaine. La charité qui réclame le bien commun véritable, le bien social, ne sera pas une charité véritable si elle n’affirme pas la reconnaissance et la dignité de l’être humain, de tout être humain. C’est pourquoi le chrétien qui, par exemple, demeure impassible devant l’avortement, qui se limite à l’action économique en disant que l’avortement est une question privée, celui-là dit que la charité n’atteint pas tous les domaines de la vie (…).

« Sur ce terrain, les appels à une présence chrétienne dans le monde sont abondantes et variées, ils dépassent une tendance et une manie à la privatisation de la foi à laquelle on voudrait nous réduire et où il est si facile de tomber. » (…)

• Culture et relativisme. « Les fidèles laïcs doivent être très présents dans le monde de la culture. Je ne sais pas si nous nous rendons compte que le monde ne se joue pas dans l’économie, mais dans la culture. Cela fait déjà bien des années que le monde actuel se joue dans la culture, une nouvelle culture qui tente de s’imposer, une culture sans Dieu. Où l’homme, par conséquent, ne compte pas. Une culture qui est terriblement marquée par le relativisme : une culture où la vérité ne compte pas. C’est la culture où la nature ne compte pas, où priment la décision et la liberté. »

• Idéologie de genre, avortement et crise. « Nous avons l’idéologie la plus perverse qui ait existé dans toute l’histoire de l’humanité qui est l’idéologie de genre. C’est la culture réduite à une création humaine : c’est l’homme en définitive ; Dieu, on ne le laisse pas agir, il n’existe pas, il n’y a pas de nature, pas de vérité, pas de « grammaire humaine » qui identifie tous les hommes, rien de tout cela. Il n’y a que la décision.

« Derrière l’avortement, il y a la décision.

« Derrière la crise économique, qu’y a-t-il ? Il y a la décision. Des messieurs ont voulu vivre, tous nous avons voulu vivre au-delà de nos moyens. Nous avons dépensé plus que nous ne pouvions dépenser, plus que nous n’avions, que ce soit à titre individuel, au sein des familles, dans le monde politique, les institutions. Mais c’est le fruit d’une décision, prise dans l’oubli de ce qu’est le bien commun total, il ne compte plus. La personne ne compte plus. Le relativisme entraîne comme conséquence que la personne n’existe plus.

« Bien plus : que dit l’avortement ? Il dit que l’homme, les pouvoirs de ce monde, les parlements, les gouvernements, etc. décident quand il y a une personne, la personne n’existe pas en elle-même.
« Qu’y a-t-il derrière l’économie que nous avons actuellement ? Un “économicisme” où la personne ne compte pas. C’est l’économie pour l’économie elle-même. Elle ne se fait pas en fonction de la personne, et surtout pas en fonction de la personne la plus faible, la plus indigente, celle qui est le plus dans le besoin en définitive.

« Les racines de l’avortement qui sont aussi celles de l’économie. Je vous le dis sincèrement : nous n’aurions pas de crise économique si ne s’était pas d’abord produite la crise de l’avortement et la crise de la famille dans les années 1970, les années 1960. Car si l’on ne tient pas compte de la personne, on ne tient pas compte de l’endroit où cette personne naît et grandit : dans la famille. »

• Agir selon le Christ. « C’est pourquoi il s’agit là d’un champ d’action où les laïcs doivent être très, très présents, pour rendre possible une nouvelle culture qui n’est possible qu’en pensant les choses en conformité avec cette pensée nouvelle, ce sentir nouveau, cette manière d’agir nouvelle, en la personne de Jésus-Christ.

« Nous avons aussi besoin d’une nouvelle évangélisation dans le monde de la pensée, et celui de la science. La science n’est pas contre la foi, bien au contraire. La science est une conséquence de la foi. Le développement de la science a été possible grâce à la foi catholique : c’est une réalité historique. En outre, la foi stimule en vue de la science, pour découvrir la réalité qui a été, qui a été donnée, il s’agit de pénétrer cette réalité en conformité avec la pensée de Dieu. »


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© leblogdejeannesmits pour la traduction.

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