20 juillet, 2012

La CEDH renvoie le « suicide assisté » à la compétence des Etats


La Cour européenne des droits de l’homme, invitée à condamner l’Allemagne pour avoir refusé à une femme presque complètement paralysée à la suite d’une chute le droit de bénéficier d’un suicide assisté, a refusé jeudi de s’engager dans cette voie. Elle n’a donc pas posé le principe d’un « droit » au suicide assisté, ce qui lui était demandé. En revanche, par un arrêt de chambre, les juges ont décidé à l’unanimité que l’Allemagne a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit au respect de la vie privée et familiale) en raison du refus des juridictions allemandes d’examiner au fond l’action engagée par le requérant.

Cette affaire était évoquée ici en 2010 sur ce blog.

Dans cette affaire connue sous le nom de Koch c. Allemagne, le requérant, Ulrich Koch, avait réclamé en 2004 l’autorisation de se procurer des médicaments létaux en vue d’accéder à la demande de suicide formulée par son épouse, Bettina, 55 ans, paralysée par un chute devant son domicile trois ans plus tôt et placée depuis lors sous assistance respiratoire permanente.

Devant le refus de l’Institut fédéral des produits pharmaceutiques et médicaux, avant même d’obtenir une réponse à leur interjection d’appel, le couple se rendit en 2005 dans un établissement d’aide au suicide en Suisse géré par l’association Dignitas pour y mettre fin à la vie de Bettina.

Ulrich Koch s’est lancé depuis dans une démarche judiciaire pour faire reconnaître l’illégalité du refus de l’Institut fédéral, demande rejetée par les tribunaux allemands au motif qu’il n’avait pas qualité pour agir, ne pouvant prétendre être victime d’une violation de ses propres droits.

La CEDH s’est fondée sur la « relation très étroite » existant au sein de ce couple marié depuis 25 ans et l’implication personnelle d’Ulrich pour aider sa femme à se suicider, pour aboutir à la conclusion que ce sont bien ses droits qui ont été méconnus par le refus des juridictions allemandes de déclarer son action recevable. Aux cours allemandes, ensuite, de juger : « d’examiner le fond de la demande, compte tenu en particulier du fait qu’il n’y a aucun consensus parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe sur la question de savoir s’il faut ou non autoriser une forme quelconque de suicide assisté ».

Celui-ci n’est légal aujourd’hui que dans quatre Etats-membres du Conseil de l’Europe, dont l’Allemagne ne fait pas partie.

Bref, la Cour européenne n’affirme ni le respect de la vie, ni le droit au suicide assisté, mais ne reconnaît pas que la demande initiale d’Ulrich Koch d’obtenir des médicaments pour tuer était aberrante par rapport au droit allemand : au contraire, elle estime que les juges auraient dû se pencher sur la question.

S'agissant d'un jugement de chambre, les parties disposent de trois mois pour faire appel.


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