19 juin, 2012

Avortement d'une mineure violée en Argentine : pourquoi il n'aura pas lieu

La presse argentine se passionne depuis la fin mai pour l'histoire d'une adolescente de 16 ans qui, soutenue par ses parents, demandait l'avortement à la suite d'un viol, dans la ville de Calafate (province de Santa Cruz). Une récente décision de la Cour suprême de justice a posé que désormais, le seul fait de se trouver dans l'un des cas visés à l'article 68 du code pénal fédéral, dont la grossesse à la suite d'un viol est estimée faire partie, ouvre droit à l'avortement sans qu'il soit nécessaire d'obtenir un ordre de la justice. Ainsi ce qui avait commencé comme une exception – dépénalisation dans un nombre de situations limité et sous le regard du juge – finit comme un droit que l'on peut revendiquer, dans le cadre d'une simple déclaration sur l'honneur.

Mais pour cette jeune fille, l'avortement n'aura pas lieu. Tout simplement parce qu'elle n'avait pas été violée. Cela a été constaté au cours de l'examen de sa plainte contre son supposé agresseur qui a, malgré tout, permis de judiciariser l'affaire : interrogée d'abord lors du dépôt de plainte, puis filmée derrière un miroir sans tain, on a pu constater des contradictions dans ses récits. Elle a vite avoué avoir menti sur le viol ; voyant qu'elle était enceinte, elle avait eu peur de tout avouer à ses parents et avait inventé le viol.

Dès qu'ils ont su que leur fille était enceinte à la suite de relations sexuelles consenties et suivies avec un adulte de son entourage familial avec lequel elle n'avait pas de liens de sang, les parents ont tout arrêté : les poursuites, et surtout la demande d'avortement.

S'il n'y avait pas eu de dépôt de plainte, ni d'investigation, l'avortement aurait été pratiqué sans autre formalité.

Quoique…

Alors qu'on raisonnait encore comme si la jeune fille avait été effectivement victime d'un viol, les sept gynécologues qui travaillent à l'hôpital local de Calafate ont tous fait connaître par écrit à leur direction qu'ils refusaient de pratiquer l'intervention, avançant leur objection de conscience à l'avortement. Tous motivèrent leur décision par des raisons religieuses ou de conscience, aucun n'avait soulevé un doute quant à la réalité du viol – de fait, si l'on se refuse à tuer l'innocent, la manière dont celui-ci apparaît sur la scène n'est pas ce qu'il y a de plus important.

Aussitôt connue l'opposition des médecins, le Bureau local de protection de l'enfance et de l'adolescence, en la personne de son responsable Norma Costa, avait demandé au juge déjà sollicité par l'hôpital pour s'assurer de l'impunité de celui qui pratiquerait finalement l'avortement, d'ordonner un passage à l'acte rapide. Pendant ce temps – nous étions le 31 mai – la Santé publique de la province étudiait la possibilité de dépêcher un gynécologue plus accommodant d'une autre localité pour pratiquer l'avortement.

Le juge d'instruction de Calafate allait se prononcer, lui, une petite semaine plus tard. C'est le 6 juin que le magistrat, Carlos Narvarte, ordonna au gouvernement de la province de Santa Cruz la mise en œuvre « urgente » d'un protocole hospitalier pour répondre aux « cas non punissables ». Dans le même temps il confirmait qu'il ne donnerait pas de suite judiciaire à l'avortement sur la jeune fille, enceinte alors de 9 semaines : pas de poursuites, mais pas d'accord préalable non plus car celui-ci n'est « pas nécessaire », selo lui, et « viole les droits » de la jeune fille. Et d'exhorter le directeur de l'hôpital d'agir de manière urgente pour respecter l'arrêt de la Cour suprême, en vue de proposer vite une « solution pour la santé » de la jeune fille. A aucun moment il n'a posé la question de la réalité du viol.

Par la suite, il devait reconnaître qu'à l'avenir, et bien que l'arrêt de la Cour se satisfasse d'une déclaration sur l'honneur sur l'existence d'un viol, il serait bon de faire au moins quelques recherches ou expertises préalables avant de passer à l'acte, tâche qui serait à confier aux autorités sanitaires, peut-être appuyés par un « cabinet de professionnels », pourvu qu'ils se décident vite pour que « leur intervention soit rapide et ne constitue pas un obstacle ». Un obstacle à l'élimination du tout petit, bien entendu.


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