02 février, 2012

Abroger la loi Veil ?

« Non, non, non, non, non, non… non, non, non, non »

 La réponse – peut-être avons-nous oublié un « non » – est celle de Christine Boutin à Jean-Jacques Bourdin sur RMC, mercredi matin : « Non, je ne reviens pas sur la loi sur l’avortement. » C’est non, obsessionnellement non, alors même que le projet du Parti chrétien démocrate veut « protéger l’embryon ». La loi Veil, et les différentes lois qui l’ont aggravée jusqu’à faire de l’avortement libre et remboursé un « droit », et un « droit » sur-protégé, ne sera pas remise en cause, pas même par l’éventuelle candidate à la présidence du parti qui se réclame du christianisme. Même s’il n’est nul besoin de se réclamer du christianisme pour dénoncer la mise à mort annuelle de 220 000 petits d’homme en France dans le cadre de l’avortement légal.

Etrange schizophrénie.

A vrai dire Mme Boutin n’est pas la seule à en être atteinte, elle traverse tout l’échiquier politique des partis ayant pignon sur rue où l’on trouve encore en général, ou au moins chez certains, une attitude qui se voudrait « pro-vie ».

C’est la schizophrénie imposée par le tabou, le tabou de la loi Veil, ainsi nommé sous mes yeux par des élus UMP personnellement et discrètement hostiles à l’avortement : s’en prendre à ce tabou, c’est accepter d’être politiquement mort.

Et tout le problème est là.

A vues humaines, la trouille de ne plus exister, de ne plus pouvoir porter un projet que l’on considère – à tort ou à raison – indispensable pour sortir la France de la désespérance où elle s’enfonce, spoliée de son indépendance et de sa souveraineté, la certitude d’avoir tous les gros médias contre soi, expliquent cette pusillanimité quand il s’agit de traduire en propos et en actes politiques son choix personnel pour la vie.

Les uns et les autres disent et espèrent « instaurer des conditions favorables à l’accueil de la vie », ce qui est louable en soi et peut permettre d’espérer une lente réduction du massacre, meurtrier pour les tout-petits, suicidaire pour la nation. Cela fonctionne en Croatie, c’est vrai.

Mais rester prisonnier du tabou, c’est en même temps le légitimer, le sacraliser, le pérenniser. Par une sorte d’autocensure qu’il faut appeler par son nom. Si abominable massacre il y a, si l’on en est intimement persuadé, pourquoi s’interdire d’en hurler la réalité ? Quelles sont donc ces forces qui imposent le silence ? Où est l’urgence politique ?

D’aucuns diront, non sans raison : le plus urgent est de se soustraire à ces forces qui se situent au-delà des nations et contre elles, sans quoi rien de bon ne pourra être durablement entrepris.

Voilà qui explique sans doute le cafouillage dans le projet présidentiel de Marine Le Pen, d’abord annoncé, le déremboursement de l’avortement en a été effacé, quant à l’avortement légalisé lui-même, c’est presque le syndrome du « non, non, non, non… »

Pourtant le Front national ne rompt pas avec des propositions plus favorables à la vie. Interrogé dans l’émission « Mots croisés » sur France 2, mardi soir, Louis Aliot, vice-président du FN, a osé parler, malgré le harcèlement verbal de Michel Sapin et de Daniel Cohn-Bendit, de « l’IVG de confort », affirmant toujours qu’il fallait mettre un terme à son remboursement ; à l’inverse de celui de l’avortement « thérapeutique ». Bien sûr ce raisonnement comporte un grave défaut : tout avortement tue un être humain, et l’avortement thérapeutique est une contradiction dans les termes. Mais tenu là, et devant ce parterre-là, le propos n’était pas sans courage et s’en prenait, modestement peut-être, au tabou.

La violence des réactions qui l’ont accueilli en témoigne. Une chroniqueuse « sexo » (comme ils disent) du site du Nouvel observateur, Gaëlle-Marie Zimmerman, s’est fendue d’une longue lettre à ce « cher Louis Aliot » en disant son refus viscéral de tout nouvel enfant (les couches, les réveils nocturnes, les genoux écorchés, la morve à essuyer, le permis de conduire à payer) au nom de SON confort. Prête à mourir pour ce confort-là sous les aiguilles à tricoter d’une faiseuse d’anges – comme si l’avortement clandestin ne se pratiquait pas en clinique par des médecins véreux, certes, mais qualifiés.

En attendant, le massacre continue. La moyenne est de quelque 600 morts par jour : un génocide apparemment propret, aux frais du contribuable.

Imaginons un seul instant qu’on ait eu le loisir, la simple possibilité de dénoncer publiquement l’extermination des juifs dans l’Allemagne nazie. Aurait-on plaidé pour qu’on en tue un peu moins, qu’on le fasse sur des fonds privés, qu’on se borne à éliminer les plus malades, les handicapés, qu’on arrête le massacre progressivement en créant de meilleures conditions d’accueil pour cette catégorie d’hommes ?

La réponse est évidemment qu’à classer les hommes en catégories du point de vue de leur droit de vivre – Juifs, Arméniens ou enfants à naître – on peut tout justifier, un peu plus ou un peu moins.

Sommes-nous dans un état totalitaire, que ce langage de vérité ne puisse être tenu ?

« N’ayez pas peur ! », disait Jean-Paul II, le pape d’Evangelium Vitae, à peine élu au siège de Pierre. Pour briser le tabou de l’avortement, il faudra bien s’en souvenir.

Article paru dans Présent daté du 3 février 2012.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Au milieu de tant de molesse (dont la mienne), votre langage clair illumine.
Merci.

 
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