29 mai, 2011

Vivre loin de son travail : un facteur de divorce

Erika Sandow
Photo : Umea University
Un trajet de plus de 45 minutes entre domicile de travail fait augmenter le risque de divorce de 40 % : c'est le résultat d'une étude suédoise de l'université de Umea qui a passé au crible les statistiques de 2 millions de foyers entre 1995 et 2000 dans ce pays nordique supposé champion des politiques familiales.

Les chercheurs ont une explication : le partenaire – dans 70 % des cas, l'époux – qui passe 45 minutes et davantage en déplacement pour se rendre au travail, puis pour un revenir, arrive au foyer fatigué et stressé, et peu enclin à rendre service pour les tâches domestiques et le soin des enfants. L'autre – la plupart du temps, l'épouse – finit par avoir le sentiment que son travail est considéré comme allant de soi. Et voilà une source de conflit et même de séparation, surtout si le mariage en est à ses débuts, et que les jeunes mariés sont en train de se réveiller du rêve de l'amour parfait. C'est pendant les premières années passée à plus de 30 km du travail que le taux d'échec des mariages est le plus important, tant que le couple n'a pas trouvé une stratégie permettant d'équilibrer l'apport de chacun pour réduire la fatigue et le stress pour l'ensemble.

C'est à ce moment-là que les temps de parcours élevés enter foyer et travail, pour le mari, apparaissent comme un facteur puissamment aggravant, d'autant que la femme recherche le plus souvent un travail plus proche et moins rémunéré pour avoir le temps de s'occuper de la maison et des enfants.

Mais celle qui a mené l'équipe de chercheurs, Erika Sandow, voit là un motif de désolation qui m'avait échappé et qui vous échappe sans doute aussi : « L'un des risques les plus importants sur le long terme des longs parcours domicile-travail est de confirmer les stéréotypes dans les relations hommes-femmes. »

Or il y a une autre chose qui est considérée comme allant de soi : le fait que les femmes veulent absolument travailler alors qu'elles ont des enfants, même en Suède. Je vous annonce, dans un prochain message, les résultats d'une autre étude de fond révélant que le « stéréotype » de la maman qui a le temps de s'occuper des siens n'est pas si mal vu en Suède par les mamans elles-mêmes, et que le soi-disant modèle suédois n'en est pas nécessairement un…

Derrière cette inquiétude égalitariste des universitaires suédois se trouve tout de même une prise en compte des difficultés individuelles des couples qui se trouvent confrontées à des obstacles. En Suède comme en France, d'ailleurs, le discours politique officiel est de promouvoir une plus grande souplesse des salariés qui doivent être prêts à parcourir de plus grandes distances pour rejoindre leur emploi, pour le bien de la « croissance » et la lutte contre le chômage. Erika Sandow observe qu'on n'a pas pris en compte le « coût social » de cette situation – les séparations et les tensions sont vérifiables, mais il serait temps aussi, dit-elle, d'évaluer les conséquences sur les enfants des distances qui augmentent entre foyer et travail pour au moins un des deux membres du couple.

Elle observe aussi que les femmes qui travaillent loin de leur foyer, si elles y gagnent en possibilités de carrière et en termes de rémunération, mais que des études précédentes avaient montré qu'elles souffrent davantage de stress et de la pression du temps que les hommes parcourant les mêmes distances.

Conclusion (la mienne, pas celle d'Erika Sandow) : une vraie politique familiale comprendrait la nécessité de promouvoir la possibilité – financière et en termes de surface de logement et de sécurité de l'environnement – de vivre près de son emploi. Ne pas réserver les centres des villes soit aux très riches, soit aux regroupements ethniques par exemple… En même temps, c'est écolo et évite les dépenses sociales qui naissent de la multiplication des foyers « monoparentaux ».

© leblogdejeannesmits.

2 commentaires:

Hans Georg Lundahl a dit…

J'ai été à Sysslebäck. Village qui compte 1500 habitants, sauf les touristes d'Allemagne ou d'Hollande.

Ce n'est pas en Norrlandie. Pourtant la situation y ressemble. Précisosns que Umeå - ville de la chercheuse, que j'ai d'ailleurs contactée - est en Norrlandie.

Les socialdémocrates ont ruiné les plus petits paysans à peu près comme de Gaulle, mais en pire. La réaction est en beaucoup des villages: "vi flytt int" (patois du nord, la phrase exprime un réfus de déménager en trois syllabes, plus économique qu'en langue officielle).

Là il y a et il y aura beacoup des gens qui restent soit sans travail, soit loin du travail dans les villages.

À part les temps des vacances, Sysslebäck n'a pas de population lycéenne ni étudiante à la fac. Les lycéens vont à Torsby (même commune) ou Hagfors (même vallée) ou même Karlstad (préfecture du département), les étudiants à Karlstad ou Gothembourg ou Stockholm.

Le bus entre Sysslebäck et Karlstad prend 2 heures. Le bus des collégiens des environs, qui vont à un collège à Sysslebäck où j'ai enseigné, prennent un voyage chaque aller et chaque retour pour certains de 45 minutes.

Ce n'est pas question de faire plus facile de vivre à Hagfors ou Karlstad ou Stockholm. D'une côté ça ôterait la cohésion sociale du village, vitale pour certains, de l'autre côté ça couterait pour certains la maison héritée ou achetée il y a vingt ans - où on reste même en cas de chomage, puisque là les autorités sociales ne demandent pas de vendre la propriété, comme ils ont fait à Malmö.

Hans Georg Lundahl a dit…

Dans ce village, j'ai été accepté comme professeur sans avoir fait des études de pédagogie, uniquement sur mes mérites dans les langues (maternelle et allemande). Mais seulement pour un sémestre. On promettait de me laisser mains libres, on me faisait une catastrophe sociale en me privant de ces libertés avant le sémestre écoulé.

Je suis depuis convaincu que pas mal de ces élèves seraient beaucoup mieux soit en travail ou apprentissage, soit en jeunes mères, bien entendu mariées. D'où mon opposition radicale envers l'obligation scolaire et envers les âges de mariages poussées à 18, même pour les filles, et surtout avec la co-éducation.

Il y a des filles scolarisées à maison ou dans les écoles catholiques (voir le parvis de St Nicolas du Chardonnet) qui ont une mentalité plus innocente et stricte à 20 que la plupart des filles là-bas à 14.

 
[]