08 octobre, 2010

La conférence de Mgr Vasa sur les conférences épiscopales, leur rôle et leurs limites (V)

Cinquième et dernière partie de la conférence de Mgr Vasa. On termine sur une magnifique note d'espoir : c'est l'hommage rendu aux évêques qui savent donner du courage à leurs ouailles en enseignant la vérité, même celle qui dérange, même celle qui peut mener au martyre. Le courage n'est pas le fait de commissions anonymes, mais d'hommes de chair et de sang. Le Christ ne nous demande pas de mourir pour une idée, mais pour vivre de Lui et avec Lui, dussions-nous en mourir. La phrase de Mgr Vasa sur l'assassinat moral médiatique de ceux qui osent aller à contre-courant est poignante : « Souvent l'assassinat réel en viendrait à paraître préférable. »

Mais on réfléchira aussi aux difficultés rencontrées par les évêques en ces temps si durs pour ceux qui professent leur foi sans compromission : raison de plus pour prier pour nos évêques, c'est notre devoir à nous pour qu'ils puissent accomplir le leur. – J.S.

Fort heureusement, le courage est contagieux. Vous qui êtes rassemblés ici avez certainement été encouragés – littéralement, rendus plus courageux – en raison du courage de l’archevêque Raymond Burke. Vous avez sans aucun doute admiré Mgr Joseph Martino et Mgr Thomas Tobin pour leur courage dans leur manière d’affronter des groupes dissidents au sein de leurs diocèses. Vous pouvez vous tenir un peu plus droits lorsque vous voyez Mgr Thomas Olmsted de Phoenix confronter audacieusement des maux moraux sur le plan médical. Vous connaissez bien, vous appréciez et vous êtes enhardis par le courage d’un Mgr Fabian Bruskewitz, qui dit sans frémir une vérité souvent impopulaire. Ces hommes vous encouragent tous, et ils m’encouragent aussi. Je conçois même de l’humilité à l’idée que certains d’entre vous pourraient être encouragés par moi.

Ce qu’il y a de plus remarquable chez chacun de ces hommes courageux, c’est qu’ils n’agissent pas en tant que membres d’un congrès épiscopal, mais comme des évêques à titre individuel dans leurs propres diocèses. Chacun d’entre eux a fait montre du propos très sérieux d’éviter la parole imprudente, tout en passant outre à ce qui, autrement, serait un silence imprudent. A l’aune d’un média laïciste, n’importe quelle parole forte contre le mal moral est le plus souvent taxé d’imprudence ; tandis que le silence imprudent, même devant de très graves maux moraux, est encensé comme s’il s’agissait du nec plus ultra de la compassion christique. L’invitation est encensée, la correction ou la réprobation sont jugées trop sévères.

Vous devez également savoir que le courage épiscopal est souvent lié à la souffrance. A l’encontre de ceux qui en sont venus à être mal vus par les milieux « illuminés », il y a la diffusion de demi-mensonges diffamatoires, le ridicule dans la presse et sur les blogs, la rumeur, la médisance, et l’assassinat moral. Souvent l’assassinat réel en viendrait à paraître préférable. S’y ajoute le mal fait aux fidèles solides du diocèse qui voient et qui entendent ces choses et qui commencent à se demander s’ils ne sont pas dupes de la confiance qu’ils font à leur évêque. Pour finir, il y a la menace permanente et la réalité du boycott économique, qui pèse aussi très lourd, spécialement dans un diocèse pauvre et peu peuplé comme le mien. Lorsqu’un évêque reconnaît que sa préférence va vers la parole forte mais que celle-ci pourrait aboutir à estropier financièrement son diocèse, alors il se rend compte que les réactions qui le visent ne le touchent pas seulement, lui, mais qu’elles peuvent avoir des ramifications négatives pour les personnes et les paroisses dont il a la charge pastorale. Ainsi, confronté à la possibilité de publier une lettre pastorale très aimable ou bien quelque chose d’un peu plus direct, un évêque peut choisir l’amabilité – non par conviction et non par peur, mais en présence d’une nécessité telle qu’il la perçoit. Je me demande parfois ce que diraient les évêques si cette considération ne devait plus avoir d’incidence dans leur diocèse.

Alors que mon sujet de conférence était de parler du concept des conférences des évêques, je me suis aperçu qu’en réalité, il n’est pas possible de parler d’autre chose que du ministère et de la mission de chaque évêque. Alors même que ce ministère s’exerce en communion avec les évêques frères, il n’est pas nécessairement possible de l’exercer en conformité avec eux. Les choses qu’écrivait saint Paul à Timothée s’appliquent de manière unique aux évêques en tant qu’individus, et il est difficile, voire impossible, de les appliquer à une conférence des évêques prise comme un tout. A chaque baptisé est donnée la triple dignité de prêtre, prophète et roi, qui correspond aux trois rôles christiques : l’offrande du sacrifice, l’enseignement et la direction. Cette dignité adhère à la personne et, par le sacrement de l’Ordre, elle adhère d’une manière prééminente et inaliénable aux évêques en tant que personnes. Les évêques individuels, s’ils se reposent trop sur un simple alignement sur la conférence, le font au prix d’un grand péril spirituel.

Saint Thomas More disait ces choses très exactement lorsque le duc de Norfolk l’approcha pour l’inviter à signer avec lui le Serment de succession. Le duc désigne tous ceux qui ont déjà signé et dit : « Ne pouvez-vous pas faire ce que j’ai fait, et venir avec nous, pour le compagnonnage ? » Thomas More répond : « Et lorsque nous nous tiendrons devant Dieu, et que vous serez envoyé au Paradis pour avoir agi selon votre conscience et que je serai damné pour ne pas avoir agi selon la mienne, viendrez-vous avec moi, pour le compagnonnage ? » Les évêques n’ont pas le droit de simplement suivre la conférence pour l’amour du compagnonnage.

Pour finir, je me tourne encore vers Apostolos Suos, qui est merveilleusement limpide pour dire les devoirs et les responsabilités de l’évêque individuel :

« Les Évêques ne peuvent pas, de manière autonome, ni personnellement ni réunis en Conférence, limiter leur pouvoir sacré au bénéfice de la Conférence épiscopale, et moins encore d'une de ses parties, que ce soit le conseil permanent, ou une commission ou le président lui-même. » (Apostolos Suos, 20.)

(Traduction non officielle de Jeanne Smits).

1 commentaire:

Perpétue a dit…

Merci d'avoir traduit pour les francophone ce texte lumineux qui correspond si bien à ce que nous ressentons et constatons depuis plusieurs décennies.

 
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