02 mai, 2009

Du nouveau dans l'affaire de Recife : Mgr Fisichella et le P. Lombardi publiquement interpellés

La lettre de Mgr Fisichella à propos de la petite fille de Recife, et les propos subséquents du porte-parole du Vatican, le P. Lombardi, ont provoqué la protestation de représentants du mouvement pro-vie, on en connaît en provenance de 16 pays à ce jour. La lettre et les commentaires ont abouti notamment à ces titres de la part de l'Associated Press : « Un prélat du Vatican justifie l'avortement sur une fillette de 9 ans » et du Washington Post : « Un officiel du Vatican justifie l'avortement subi par une enfant ». L'article de Fisichella, qui comme tous les articles dans L'Osservatore Romano sont soumis à la Secrétairie d'Etat, et ce spécialement en une matière aussi sensible, a reçu l'approbation explicite de France Kissling, ancienne présidente du mouvement pro-avortement “Catholics for a Free Choice” qui y voyait « une déviation surprenante de la stratégie du Vatican qui ne souffait aucune dissension par rapport à sa position selon laquelle l'avortement n'est jamais permis ». (Citée ici.)

Le Pr Josef Seifert, fondateur et recteur de l'Académie internationale pour la Philosophie, enseigant au Vatican, autorité reconnue sur les affaires de doctrine, de morale et de philosophie relatives au respect de la vie, vient de réagir officiellement dans une Lettre ouverte citée par Lifesitenews.

Je vous en propose ici ma traduction intégrale (merci d'y renvoyer par un lien et de ne pas la reproduire afin que l'intégralité de son texte et l'origine non officielle de la traduction puissent être connues). Je rappelle par ailleurs que de source romaine, Mgr Fisichella se plaindrait d'avoir été « trompé » et « forcé » à publier la lettre litigieuse. Si cela est vrai, c'est une raison supplémentaire pour qu'il s'exprime enfin avec clarté.

La publication récente d’un article par le président de l’Académie pontificale pour la vie (APV), Mgr Fisichella, dans L’Osservatore Romano, ainsi que sa diffusion mondiale et son utilisation par les pro-avortement, ainsi qu’une communication de presse par le Père Lombardi, ont provoqué une crise profonde au sein de l’Académie pontificale pour la vie et, de manière encore plus importante, dans la perception publique de l’enseignement de l’Eglise sur l’avortement. D’innombrables personnes et médias à travers le monde attribuent désormais à l’APV (en raison de la haute autorité que l’on croit devoir attribuer à son président quant à l’interprétation de l’enseignement de l’Eglise à propos de la vie), et au Pape lui-même (en raison de la tournure utilisée pour défendre l’article de Fisichella par le Père Lombardi) la propagation d’une nouvelle doctrine morale diamétralement opposée aux enseignements de l’Eglise et particulièrement à ceux de l’encyclique Evangelium Vitae, qui est également la Magna Carta de l’Académie pontificale pour la vie et qui contient sa raison d’être. Malgré son insistance initiale sur l’enseignement de l’Eglise selon lequel tout acte d’avortement entraîne avec lui l’excommunication automatique (latae sententiae) de tous ceux qui pratiquent ou assistent activement à l’avortement, Mgr Fisichella écrit :

« Comment agir en de tels cas ? C’est une décision difficile pour le médecin et du point de vue du code moral lui-même. (…) le choix de devoir sauver une vie en sachant que cela fera courir un risque sérieux à une deuxième vie ne se fait jamais facilement. (…) Cependant, en faire une généralisation serait incorrect aussi bien qu’injuste. »
« Le cas de Carmen a posé l’un des problèmes moraux les plus délicats ; en traiter de façon sommaire ne ferait justice ni à la fragilité de sa personne ni à ceux qui ont été impliqués dans l’incident de diverses façons. Ainsi, cela se produit pour chaque cas d’espèce individuel, celui-ci doit être analysé dans le détail, sans généraliser. »
« D’autres méritent l’excommunication et notre pardon, pas ceux qui vous ont donné la possibilité de vivre… » (C’est moi qui souligne.)

Peu de temps après la publication de l’article de Mgr Fisichella le porte-parole officiel du Vatican, le Père Lombardi a été cité en ces termes :
« A propos des considérations de Mgr Rino Fisichella, qui dans L’Osservatore Romano a déploré l’excommunication annoncée avec trop de précipitation par l’archevêque de Recife. Aucun cas limite ne doit obscurcir le véritable sens du discours du Saint Père, qui se référait à une chose extrêmement différente. (…) Le pape n’a pas du tout parlé de l’avortement thérapeutique et il n’a pas dit qu’il doit toujours être refusé. » (http://chiesa.espresso.repubblica.it/, 23.3.2009 Mine vaganti. In Africa il preservativo, in Brasile l'aborto).

Malgré un déluge de louanges, de la part des pro-avortement, adressé à Mgr Fisichella, et l’attribution qui lui a été faite de toutes parts dans le monde d’une prise de position favorable à l’avortement thérapeutique, et nonobstant les lettres de membres distingués de l’APV et d’autres personnalités à l’archevêque, ni Mgr Fisichella ni le Père Lombardi n’ont changé ou corrigé d’aucune façon leurs déclarations à la presse, bien que celles-ci, du moins dans la manière dont leur textes sont rédigés, adoptent une position qui est directement et explicitement contraire à la grande tradition éthique depuis Hippocrate et Socrate, et contraire toute la tradition de l’enseignement de l’Eglise sur cette matière importante, et plus particulièrement contraire à la déclaration dogmatique sur l’avortement volontaire dans Evangelium vitae. Laissez-moi citer les paroles, inoubliablement belles, de l’encyclique :

« Par conséquent, avec l'autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses Successeurs, en communion avec tous les évêques de l'Eglise catholique, je confirme que tuer directement et volontairement un être humain innocent est toujours gravement immoral. Cette doctrine, fondée sur la loi non écrite que tout homme découvre dans son cœur à la lumière de la raison (cf. Rm 2, 14-15), est réaffirmée par la Sainte Ecriture, transmise par la Tradition de l'Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel.

« La décision délibérée de priver un être humain innocent de sa vie est toujours mauvaise du point de vue moral et ne peut jamais être licite, ni comme fin, ni comme moyen en vue d'une fin bonne. En effet, c'est une grave désobéissance à la loi morale, plus encore à Dieu lui-même, qui en est l'auteur et le garant; cela contredit les vertus fondamentales de la justice et de la charité. « Rien ni personne ne peut autoriser que l'on donne la mort à un être humain innocent, fœtus ou embryon, enfant ou adulte, vieillard, malade incurable ou agonisant. Personne ne peut demander ce geste homicide pour soi ou pour un autre confié à sa responsabilité, ni même y consentir, explicitement ou non. Aucune autorité ne peut légitimement l'imposer, ni même l'autoriser. »

Il existe une contradiction claire de ce texte dans les propos de Mgr Fisichella et du Père Lombardi affirmant que l’avortement thérapeutique pour sauver la vie de la mère (ce qui n’était PAS le cas dans l’affaire de la fillette brésilienne) n’est pas intrinsèquement et toujours mauvais.

Puisque un tort énorme a été causé à beaucoup de personnes, et qu’il est possible que beaucoup de bébés sont morts en conséquence de ces propos provenant de telles sources, et puisque la demande fraternelle adressée à Mgr Fisichella afin qu’il les corrige n’a donné aucun résultat, j’estime de mon devoir d’exprimer mon espoir ardent que les plus hautes autorités enseignantes de l’Eglise puissent rapidement et clairement exprimer l’enseignement authentique de l’Eglise sur la caractère intrinsèquement mauvais de n’importe quel avortement, et qu’elles corrigent publiquement et sans ambiguïté les déclarations évoquées, qui ont conduit beaucoup d’hôpitaux et de médecins catholiques à prendre la défense de l’abominable mal et de l’abominable meurtre que l’on désigne fallacieusement sous le nom d’« avortement thérapeutique », en appelant au secours de cette position qui est fausse même du point de vue philosophique et éthique, qui contredit la « loi morale naturelle », l’autorité d’un « nouvel enseignement de l’Eglise ».

Bien qu’Evangelium vitae et la position de l’Eglise en la matière sont d’une totale clarté, il serait à mon avis quand même nécessaire, afin de réduire le mal qui a été fait, que les plus hauts représentants du Magistère réaffirment l’enseignement d’Evangelium vitae cité plus haut et l’appliquent explicitement à l’avortement pratiqué sur des mineurs et à n’importe quel autre avortement prétendument thérapeutique.

Puisque l’article de Mgr Fisichella constitue également une grave injustice à l’égard de l’archevêque d’Olinda et Recife, dans la manière où il décrit le cas concret de la pauvre fillette de neuf ans, je veux ajouter à cette lettre les corrections officielles et très convaincantes de l’archidiocèse.

Josef Seifert

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien qu'appréciant très moyennement Présent, je tenais à vous remercier vivement pour l'objectivité et l'intérêt de vos articles sur ce blog concernant l'affaire de Recife.
Il s'agit du bon combat, il me semble.
Ludo

Jeanne Smits a dit…

Merci pour votre soutien, et pardonnez cette publication tardive due à une certaine surcharge de travail.

Tiens, je peux vous proposer un mois de lecture gratuite de "Présent" en ligne, si cela vous fait plaisir !

 
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