11 février, 2007

Référendum : premières leçons...

Le vote d'aujourd'hui, qui est une défaite pour les défenseurs de la vie, montre les limites de la voie référendaire pour tenter de faire prendre la bonne voie à une société désorientée, et cela même si l'on part d'une situation relativement bonne.

Le Portugal - jusqu'à l'adoption par la majorité socialiste d'une loi autorisant l'avortement en cas de viol, défense de la santé physique ou psychologique de la mère, malformation fœtale qui a déjà dépénalisé ce geste de mort dans les situations les plus difficiles - se trouvait parmi les derniers pays occidentaux à conserver une législation acceptable.

Les évêques du Portugal, et le clergé, se sont mobilisés dans une mesure qui en France, aujourd'hui, relèverait du miracle.

Le message pour la vie a pu bénéficier d'une voix claire, peu encline à masquer la réalité de l'existence d'un crime, d'une atteinte à la vie. Les pro-vie ont toutefois choisi de s'abstenir de montrer des images d'avortements, ce qui leur a valu l'appréciation de ceux qui, même parmi leurs adversaires, ont salué la "maturité démocratique" du débat.

C'était sans doute une erreur. Du côté du oui, tout en protestant du contraire, on n'a pas hésité à montrer des images de femmes derrière les barreaux, et d'insister lourdement sur les morts consécutives à des avortements clandestins, pourtant fort rares semble-t-il.

Militaient également contre le non une situation économique difficile (le Portugal subit de plein fouet la baisse du niveau de vie liée à l'euro et la concurrence des nouveaux pays membres de l'Union européenne, tant pour l'obtention de subventions que pour celle de marchés) et le peu de mesures existant pour l'accueil de la vie. Le problème du logement est réel et grave pour les jeunes ménages. Les pro-vie réclamaient certes une vraie politique familiale et des mesures d'aide pour les femmes en détresse, mais elles n'existent pas pour l'heure.

Autre difficulté : la position biaisée des commentateurs des gros médias, notamment de la télévision, alors que la radio privée catholique Radio Renascença était obligée de donner du temps de parole au oui. En moyens matériels aussi le oui était avantagé, et aucun parti sinon le petit CDS-PP ne militait ouvertement pour le non.

Pour le Portugal, longtemps présentée comme lanterne rouge de l'Europe, comme un pays arriéré, le regard des voisins de l'Est et du Nord joue aussi un rôle et le sentiment d'être "en retard" a certainement joué un rôle.

Malgré la faible participation, et malgré une campagne du non qui n'a cessé de grignoter des voix parmi les abstentionnistes, le oui des Portugais montre qu'il faut plus que des conditions favorables pour arriver à lutter contre le matraquage d'une culture de mort qui, au niveau mondial, a gagné. Au terme d'une campagne qui a été voulue extrêmement courte.

Les Portugais échappent certes au pire, à savoir un référendum aux résultats contraignants, qui aurait exigé une participation de plus de 50 %. Le droit à l'avortement n'est pas gravé dans le marbre comme il l'aurait été en ce cas.

Le PS, lui, estime tout de même que le Premier ministre José Socrates que "le peuple a parlé". Il déclare actuellement que son gouvernement s'est engagé à changer la loi seulement à l'issue d'une consultation populaire, et qu'il compte respecter le résultat du scrutin. Double mensonge : la loi a déjà été changée, et ce n'est certes pas une majorité de Portugais qui approuvent ce changement. Tout au plus Socrates assure-t-il que la femme devra disposer d'un délai de réflexion avant d'obtenir l'avortement.

Autrement dit, le caractère non contraignant du résultat ne sera pas un obstacle. La loi sera votée par voie parlementaire. Le président Cavaco Silva pourrait opposer son veto à une loi ainsi adoptée, mais il n'a pas, dans un premier temps, comme il le pouvait pourtant, opposé son veto à la tenue du référendum.

Il faut ajouter que José Socrates, depuis quelques semaines, assurait que le résultat du référendum serait pleinement respecté, et qu'on en resterait donc au statu quo en cas de non. Cette position a été dénoncée par les partisans du respect de la vie qui connaissent fort bien la charge émotive liée à l'idée d'envoyer en prison une femme qui avorte, idée de moins en moins acceptée d'autant que l'on connaît le niveau des pressions et la situation de fragilité qu'elle peut subir. Plusieurs ont demandé que l'on puisse envvisager une dépénalisation de principe pour les seules femmes ayant avorté, à l'exclusion des médecins passant à l'acte et de ceux qui auraient poussé une femme à avorter. C'est à peu près ce que propose la Loi pour la Vie préparée à l'initiative de Bernard Antony et du Centre Charlier, partant, il est vrai, d'une situation inverse : celle où le droit français actuel affirme prioritairement le droit à l'avortement.

Quoi qu'il en soit, dire non était présenté par les partisans du droit à l'avortement comme un rejet en bloc des femmes, manipulation rendue possible par la manière dont était formulée la question qui faisait accepter en bloc la dépénalisation, l'affirmation du droit absolu à l'avortement pendant les 10 premières semaines de grossesse et l'organisation publique des "IVG" par des établissements de santé légalements habilités.

L'autre manipulation aura consisté en l'insistance par le camp du oui à vouloir mettre un terme au drame des avortements clandestins alors que, par la formulation de la loi déjà en vigueur, les cas de détresse (santé de la mère, y compris psychologique, viols, malformations) étaient déjà dépénalisés. On compte déjà un millier de ces interventions tous les ans, sans d'ailleurs qu'il soit prévu d'apporter une quelqconque aide publique pour éviter le geste de mort dans ces cas.

Si référendum il y a eu, c'est bien pour créer un droit absolu à l'avortement pendant les 10 premières semaines de grossesse. La femme n'a aucune justification à produire et pourra, si la loi passe, prendre sa décision seule et en dernier ressort.

Ce qui, en bon droit et en plein respect de la loi naturelle, n'aurait jamais dû pouvoir être soumis au vote populaire. Car il ne s'agit ni d'une préférence ni d'un choix. Mais d'une réalité qui s'impose à l'homme (et à la femme), non susceptible d'un vote à la majorité plus une voix.

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