07 novembre, 2006

La Cour Suprême américaine et l'avortement par naissance partielle

« Cela ressemble trop à un infanticide » : c’est ainsi qu’un sénateur américain qualifia naguère la procédure d’« avortement par naissance partielle » dont l’interdiction par des lois adoptées en 2003 par la Californie et par le Nebraska vient devant la Cour suprême des Etats-Unis, mercredi. La Cour, dans sa nouvelle composition, devra dire si ces lois qui ne prévoient aucune « exception de santé » pour la mère sont constitutionnelles.

Une affaire similaire jugée en 2000 avait abouti à l’invalidation de la loi en raison de l’absence de cette exception : les juges avaient voté à 5 contre 4, le vote déterminant ayant été celui de Sandra Day O’Connor. La donne a changé, puisque celle-ci a été remplacée (grâce aux pressions des défenseurs de la vie sur George W. Bush) par Samuel Alito, pro-vie affirmé. Mais l’intrépide pro-vie William Rehnquist a, lui, été remplacé par John Roberts, présenté comme un pro-vie modéré mais dont on ignore pour l’instant s’il ira jusqu’à renverser une jurisprudence établie.

Bref, dans un contexte où plusieurs Etats des Etats-Unis essaient actuellement d’adopter des lois interdisant l’avortement (le Dakota du Sud votait sur ce point mardi), l’attitude de la Cour devrait avoir une valeur de test. Et l’intérêt de l’affaire, c’est que la méthode d’avortement en cause est tellement révoltante, tellement abominable qu’il est difficile de l’approuver : on parle de plus de 70 % d’opposition dans les sondages.

Cette forme d’avortement, pratiquée à partir du 5e mois de grossesse, consiste à déclencher l’ouverture du col pendant deux jours, à faire naître partiellement l’enfant par le siège, puis à perforer sa tête par le bas du crâne et à aspirer son cerveau avant d’extraire totalement son corps de l’utérus. Le procédé répond à un double objectif : faciliter le passage de la tête, mais aussi s’assurer de la naissance d’un bébé mort. On évalue le nombre de ces avortements tardifs de 5 000 à 10 000 par an, généralement pratiqués sur les foetus sains de mères saines.

La méthode est tellement horrible que le Congrès et le Sénat avaient tous deux voté son interdiction à la fin des années 1990, mais Bill Clinton avait par deux fois opposé son veto…

Le lobby pro-avortement a fait déplacer le débat sur l’exception de santé en se fondant sur la décision Doe versus Bolton qui permet l’avortement jusqu’au terme pour protéger la mère : une exception d’interprétation extrêmement large qui admet les risques émotionnels, familiaux, psychologiques (la dépression notamment), et même ceux liés à l’âge de la mère.
Les défenseurs de la vie ont refusé de se laisser intimider, en soulignant qu’une exception de santé équivaudrait à vider l’interdiction de sa substance, et en apportant le témoignage d’un très grand nombre de médecins selon qui la procédure n’est jamais nécessaire pour sauver la mère et qu’au contraire elle présente de multiples risques pour la mère et pour sa fertilité future.

L’inventeur de l’avortement par naissance partielle, le Dr McMahon, a lui-même avoué que sur les 2 000 interventions qu’il a personnellement pratiquées, 9 % répondaient à un souci pour cause de santé maternelle, la plupart du temps la dépression…

Il est clair que le fait d’interdire une méthode d’avortement ne règle aucune question de fond, d’autant que l’avortement tardif par démembrement dans l’utérus resterait en tout cas autorisé. Mais l’intérêt de ce combat est d’ouvrir une brèche, de mettre un terme au caractère absolu du « droit à l’avortement » aux Etats- Unis.

Cet article de J.S. a paru dans Présent daté du 8 novembre 2006

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